Introduction

Participation et pouvoirs : pour une lecture renouvelée[Notice]

  • Fabrizio Cantelli,
  • Francis Garon et
  • Nathalie Schiffino

Un constat est à l’origine de ce dossier thématique : les travaux sur la participation ne cessent de se multiplier depuis plusieurs années, tandis que le renouvellement des concepts, des thèmes et des questions de recherche peut parfois sembler s’essouffler. Il serait ici impossible de citer de façon exhaustive tous les indices qui attestent d’une multiplication réelle des productions scientifiques sur la participation : thèses de doctorat, numéros thématiques de revues, ouvrages généralistes, travaux spécialisés sur un domaine, recherches sur la participation à un niveau local, national ou international. Au sein de la communauté francophone, la création de la revue Participations en 2011 illustre le souci de fédérer des chercheurs sur ces questions et de rassembler les travaux dans une démarche cumulative. Le visage actuel des dispositifs participatifs eux-mêmes et leurs modalités d’institutionnalisation au sein des politiques publiques ne peuvent plus se décrire avec les mêmes termes que ceux utilisés dans les années 1960 et 1970. De même, la logique qui prévaut à leur tenue depuis les années 1990 demande à être mise en perspective. Il est devenu relativement courant de signaler que l’on cherche à éviter tant la naïveté d’une approche idéalisant la participation que le cynisme d’une démarche attachée à dévoiler la facticité de la participation (Blondiaux et Fourniau, 2011). Le souci du terrain, de la combinaison des méthodes d’enquête, est aussi partagé par un grand nombre de travaux qui montrent que l’analyse des différentes formes de participation ne se résume pas en quelques entretiens hâtifs et en une observation de quelques séquences. La discussion approfondie des points méthodologiques acquiert même de l’importance ; elle permet d’inscrire plus fortement le travail sur la participation au coeur des questionnements fondamentaux des sciences politiques et sociales. On le voit bien, les analystes de la participation sont les premiers à s’inquiéter du manque de réflexivité, des limites de leurs outils et démarches. Leur proximité avec les dispositifs participatifs qu’ils étudient, voire leur contribution au développement de notions, d’instruments et d’outils en vigueur dans diverses assemblées politiques ont également été la source de malentendus. Plus que des réticences et des défis, une série de confusions, d’approximations, de fausses évidences a affecté les conditions de réflexion publique, de discussion et de description de ce qu’est la participation citoyenne. Sans se lancer dans un plaidoyer béat, Loïc Blondiaux (2007a) a tenu à répondre en privilégiant un argumentaire qui rappelle les acquis, les limites et les problèmes de la participation. Nous y voyons une invitation à une saisie à la fois réaliste et fine de ce qui fait problème avec la participation. Au lecteur de juger si cette piste renouvelle la réflexion. Dans un tel contexte, explicitons le contenu de notre dossier thématique. Notre objectif n’est ni de proposer un bilan ni de dresser un état des lieux de la vaste littérature, ce que d’autres ont entrepris avec fruit (Delli Carpini, Cook et Jacobs, 2004 ; Blondiaux et Fourniau, 2011 ; pour le Québec, voir Gariépy et Morin, 2011). Ce dossier thématique ne s’organise pas selon une spécialisation sectorielle ou géographique. Il donne plutôt la voix à des travaux empiriques et théoriques qui témoignent d’une démarche ouverte au dialogue entre disciplines (science politique, sociologie politique, philosophie), mais en se situant également entre plusieurs espaces-temps. Nous entendons ici ouvrir une discussion autour de quelques pistes de réflexion actuelles et de fronts problématiques qui décentrent ce qu’est et ce que fait la participation. En un mot, il s’agit de se défaire de ce qui est devenu normal, évident, routinier, quand désormais l’on traite la participation sans plus vraiment l’interroger. Le lecteur croisera au fil de sa lecture …

Parties annexes