Résumés
Résumé
Les travaux de Pierre Bourdieu ont montré, à l’échelle de la société française, que les groupes économiquement dominants conservaient leur domination en partie parce que leur capital culturel était présenté comme une condition d’accès objectivement nécessaire aux fonctions dirigeantes de l’espace social français. La présente étude apporte des éléments qui tendent à prouver que ces conclusions peuvent être transposées dans l’espace social international. Prenant pour objet principal les Nations Unies, l’étude fait ressortir que le capital culturel propre aux États économiquement dominants (le groupe occidental) est largement surreprésenté au sein de ses dirigeants. Elle montre que cette conclusion peut s’appliquer également à quelques grandes organisations non gouvernementales. L’étude termine en exposant dans quelle mesure le fait de choisir des dirigeants internationaux parmi les personnes qui possèdent du capital culturel occidental constitue une discrimination à l’égard des autres groupes sociaux de la planète.
Abstract
According to Pierre Bourdieu, one way for the economically dominant groups to maintain their domination in the French society was to promote their own cultural capital as an objective condition to access social, political and economic leadership. This study shows that Bourdieu’s conclusions can be partially transposed into the international sphere. It focuses on the United Nations and demonstrates how the cultural capital of the economically dominant group (the group of Western States) is largely over-represented among its leaders. The study also analyses some important non-governmental organizations and establishes that the leaders often share that same trait. It concludes by showing the extent to which choosing international leaders among peoples with Western cultural capital discriminates against the other social groups of the planet.
Corps de l’article
Pierre Bourdieu pratique une sociologie de l’observation et de la dénonciation. Très largement ancrés dans la réalité matérielle et statistique de la société, ses travaux avaient pour ambition non seulement de décrire, mais aussi, pour détourner une de ses propres formules, de prescrire (Bourdieu, 2001). Dans son ouvrage le plus fameux, La distinction : critique sociale du jugement (Bourdieu, 1979a), il ne fait pas de doute que Pierre Bourdieu souhaite comprendre, exposer et « rendre visibles » (Sulkunen, 1982) les hiérarchies présentes dans la société française, mais qu’il a aussi pour projet de les combattre en exposant à la fois leur caractère socialement construit et les inégalités matérielles sur lesquelles elles reposent (Sulkunen, 1982).
Bourdieu suggère qu’une des inégalités qui se trouve à l’origine de la reproduction du système social est la répartition inégalitaire du capital culturel. En fonction du capital culturel dont il dispose, c’est-à-dire en fonction de l’ensemble des éléments culturels (attitudes, préférences, connaissances formelles, comportements, attestations, etc.) dont il peut se prévaloir, un individu peut en effet se voir accepté par un groupe social donné ou au contraire exclu de ce dernier. Le système français, selon Bourdieu, contribue à reproduire les inégalités sociales puisqu’il exige, comme condition d’accès aux fonctions dirigeantes (en particulier politiques), que les individus fassent montre d’un capital culturel présenté comme objectivement nécessaire, mais qui est en réalité le capital culturel de la classe qui domine la société française sur le plan économique. Cette exigence contribue à la fois à légitimer la domination et à la reproduire (Bourdieu et Passeron, 1970 ; Lareau et Lamont, 1988 : 156).
Pour apporter la preuve de ce qu’il avance, Bourdieu – et c’est son originalité – s’appuie sur deux types de raisonnements. Le premier est structurel. Il repose sur l’observation quasi statistique des capitaux économiques, sociaux et culturels valorisés au sein d’une société donnée. L’espace social est ainsi envisagé comme un champ, c’est-à-dire un espace au sein duquel les individus ont une place qui correspond à la configuration précise de capital (culturel, économique et social) dont ils disposent. À cette vision structurelle, macrosociale et relativement statique, Bourdieu ajoute une dimension individuelle, davantage microsociale et dynamique, et analyse comment les individus, qu’il considère comme en partie conscients de la structuration du champ, mettent en place des stratégies pour s’y élever.
Présentée de cette manière, et bien qu’elle soit pensée au départ pour étudier les classes sociales françaises, la théorie de Bourdieu a vocation à s’appliquer à n’importe quel espace social pour peu qu’on y retrouve des hiérarchies entre individus basées sur leur possession de capital. Il est donc naturel que depuis plusieurs années des auteurs se soient emparés des écrits de Bourdieu pour penser les relations internationales. La tâche est pourtant d’envergure. L’absence de structure centralisée de ces relations rend en effet la lecture des relations internationales extrêmement complexe et entraîne des questions épistémologiques sur l’applicabilité des théories de Bourdieu qui sont loin d’être réglées (Bigo et Madsen, 2011). Elles offrent toutefois déjà certains résultats, en particulier sur la question du capital culturel.
De nombreuses études soulignent en effet l’existence d’un capital culturel international dont les individus qui souhaitent s’élever dans le champ international devraient être pourvus. Bien que cela soit encore insuffisamment documenté, il semblerait que ce capital soit essentiellement défini par son rapport à l’enseignement occidental. Autrement dit, pour pouvoir prétendre à l’élévation dans le champ international, les individus devraient pouvoir offrir la preuve de leur fréquentation d’institutions d’enseignement occidentales en général et étasuniennes en particulier[1].
Mais cela est-il valable partout, y compris dans des institutions telles l’Organisation des Nations Unies (ONU) qui ont vocation à représenter la diversité du monde ? C’est pour répondre à cette question que la présente note de recherche a été rédigée. Elle a été rendue nécessaire par l’absence de documentation écrite sur le sujet. À notre connaissance, il n’existe en effet aucune étude globale du capital culturel des dirigeants onusiens, de leur parcours et, partant, de la manière dont ils représentent adéquatement ou non l’humanité qu’ils contribuent à gouverner[2]. Cette lacune n’est pas étonnante dans la mesure où la littérature sur les élites internationales souffre, à en croire Anne-Catherine Wagner, d’un manque d’empirisme généralisé (2007 : 28). Elle mérite toutefois d’être comblée afin de comprendre si les Nations Unies contribuent à renforcer ou au contraire à combattre la domination du capital culturel occidental constatée au sein d’autres élites internationales.
Cette note a une ambition limitée. Elle ne vise tout d’abord à étudier qu’une partie de ce que Bourdieu appelle le « capital culturel ». Le capital culturel est en effet un ensemble de ressources qui peuvent être incorporées (la manière de se déplacer, de s’exprimer…), objectivées (possession de livres, d’oeuvres d’art…) ou institutionnalisées (diplômes, attestations…) (1979b : 3-6)[3]. Pour les besoins de cette étude, nous nous concentrerons toutefois uniquement sur le volet « institutionnalisé[4] ». Par capital culturel nous entendrons essentiellement les expériences d’enseignement tertiaire (postsecondaire) dont un individu peut se prévaloir. Le capital culturel occidental sera donc défini comme la somme des expériences d’enseignement tertiaire au sein d’établissements scolaires occidentaux, c’est-à-dire situés sur le territoire d’un des États suivants : États-Unis d’Amérique, Canada, pays d’Europe occidentale[5], Australie et Nouvelle-Zélande. Il s’agit en substance du groupe occidental au sein des Nations Unies[6]. Avec 37 057 743 milliards de dollars de produit intérieur brut cumulé, ce groupe est toujours largement dominant sur le plan économique international (International Monetary Fund, 2011).
Précisons aussi que la note visera essentiellement à montrer le pourcentage de dirigeants onusiens qui ont obtenu un diplôme occidental et non à établir que la présence de ce diplôme dans leur biographie est la raison qui a présidé à leur sélection. Cette sélection peut s’expliquer, en tout ou en partie, par d’autres facteurs, par exemple – et c’est particulièrement évident pour les secrétaires généraux – un compromis politique. Pour passer de corrélation à causalité, il faudrait procéder à une analyse en profondeur des mécanismes de recrutement et de nomination onusiens, chose qui n’a pas été entreprise ici. Cette étude ne se prononce pas non plus sur l’occidentalisation des personnes qui disposent d’un diplôme occidental et ne sous-entend pas nécessairement que les personnes qui ont un tel diplôme ont subi une sorte d’acculturation qui leur ferait oublier leur propre identité ou les intérêts de leur groupe culturel originel au profit de la défense des intérêts du groupe occidental. Cette réaction est possible, comme l’est aussi le développement d’une résistance au modèle dominant. En fait, cette analyse est simplement une première tentative de structuration du champ professionnel onusien. Au même titre que Bourdieu voulait, dans La distinction, vérifier par l’étude statistique « l’intuition de la systématicité des styles de vie », elle vise, à une échelle bien moins ambitieuse mais selon la même logique, à vérifier l’intuition de la systématicité des profils des dirigeants onusiens sans se prononcer définitivement sur les causes qui peuvent l’expliquer.
Structurée en trois étapes, la note commence par exposer la domination actuelle du capital culturel occidental dans la biographie des dirigeants politiques internationaux. Dans un second temps, elle se penche sur le parcours universitaire des principaux dirigeants des fonds et des institutions des Nations Unies. Elle montre que la présence du capital culturel occidental dans leur profil est tout aussi importante que chez les autres catégories internationales de dirigeants. À titre de comparaison, l’étude fait ressortir que cette domination prévaut aussi dans de très importantes organisations non gouvernementales (ONG). La note se conclut par quelques réflexions sur la répartition géographique mondiale du capital culturel occidental afin de démontrer concrètement à quel point les individus de la planète sont inégaux face à l’acquisition de cette caractéristique qui figure pourtant sur le curriculum vitae de l’immense majorité des dirigeants onusiens.
Domination actuelle du capital culturel occidental chez les dirigeants politiques internationaux
Le capital culturel institutionnalisé occidental est très souvent présenté comme le « meilleur de la planète ». Définir ce qu’est un « bon » et un « mauvais » capital culturel n’est pourtant pas une opération neutre, mais une construction sociale extrêmement complexe (Kauppi et Erkkilä, 2011). À ce jeu de mise en scène, force est de constater que les Occidentaux sont actuellement gagnants. Le capital culturel occidental est en effet le plus souvent mis en scène comme étant de loin supérieur à celui des autres nations du monde. Cette violence symbolique est matérialisée par un certain nombre de signaux, parmi lesquels les classements réalisés par des institutions telles que le Times Higher Education Supplement qui, chaque année, publie un classement des « meilleures universités du monde ». Dans ce classement, la domination des universités occidentales est pour ainsi dire totale. Parmi les 400 universités reprises dans le classement, 336 sont occidentales, contre 25 asiatiques, 4 africaines (toutes situées en Afrique du Sud) et 3 latino-américaines. Aucune université non occidentale n’est reprise dans les 25 meilleures universités de ce classement (Times Higher Education, 2012).
Cette prétendue supériorité occidentale résulte du fait que les universités sont classées en partie en fonction de la quantité de publications scientifiques dont elles peuvent faire état. Et dans ce domaine, les universités occidentales font en effet bien mieux que les autres universités du monde. À titre d’exemple, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) estime que les États-Unis et l’Europe produisent plus des trois quarts des articles en sciences sociales (2012 : 150)[7]. Sans surprise ce sont aussi des langues occidentales qui constituent les langues principales de la recherche scientifique puisque, toujours selon l’UNESCO, plus de 90 % de la production scientifique mondiale (en sciences sociales) est rédigée en anglais, en français ou en allemand (ibid. : 154)[8].
Si le capital symbolique des universités occidentales est largement supérieur à celui des autres universités de monde, celui des universités anglo-saxonnes est pour sa part largement supérieur à celui des autres universités occidentales. Vingt-quatre des 25 « meilleures » universités selon le Times Higher Education Supplement sont des universités anglo-saxonnes et 19 d’entre elles sont situées aux États-Unis (Times Higher Education, 2012).
Forts de ce capital symbolique, les États occidentaux jouent depuis longtemps un rôle important dans la formation des élites de pays non occidentaux. Comme le constatent Yves Dezalay et Bryant Garth (2006) dans des pays comme l’Indonésie, les Philippines ou l’Inde, les diplômés nationaux se heurtent à un plafond de verre. L’autorité ultime sur le savant, le politique et l’économique est en effet exercée par une élite cosmopolite largement formée en Occident. Pareillement, en Amérique latine, une étude de 2002 révélait que l’accès à certaines fonctions nécessitait un passage par des universités américaines (Dezalay et Garth, 2002) et il était par exemple établi que les postes les plus importants dans les cabinets d’avocats étaient occupés en majorité par des juristes qui disposaient d’un diplôme étasunien (Vides etal., 2011). Ce constat est encore vrai aujourd’hui : plus de la moitié (9 sur 17) des chefs d’État des pays d’Amérique latine (continentale) en fonction en octobre 2012 avaient obtenu un diplôme d’une université occidentale.
Si la présence d’une dose importante de capital culturel dans la biographie des élites des pays non occidentaux est largement documentée, la place de ce même capital dans les élites proprement internationales est beaucoup plus floue. Par exemple, le fait que certains campus internationaux et cosmopolites américains ont pour objectif de former des élites internationales est notoire (Dezalay et Garth, 1998 ; Wagner, 1998 ; Bourdieu et Wacquant, 2001), mais la mesure dans laquelle cette stratégie porte ses fruits est davantage sujette à caution. Il est entre autres apparu que les élites économiques étasuniennes, françaises, anglaises et allemandes, bien que largement mises en scène comme internationalisées (en partie sur les campus étasuniens), étaient en réalité le plus souvent formées dans des écoles nationales et n’avaient aucune expérience de vie en dehors de leur pays d’origine (Wagner, 2005).
Des statistiques semblables n’existent pas à notre connaissance pour les organisations internationales, à l’exception d’une étude de 2007 selon laquelle 88,1 % des membres des organisations internationales (gouvernementales et non gouvernementales) auraient été formés aux États-Unis ou en Europe occidentale. Selon cette étude, les autres continents seraient donc largement sous-représentés :
Only 11.5 percent of the top officials were educated at universities in Asia Pacific (6.3 %), Latin America (2.1 %), Eastern Europe (1.8 %), and Africa (1.3 %). Even academically well-known universities in the Asia Pacific region lagged far behind their Western counterparts in generating global leaders. Only 6.3 percent of the top officials were educated at universities in the Asia Pacific region, where 51 universities out of the top 200 (25.5 %) were located, according to THES [Times Higher Education Supplement]. More specifically, while 17 Australian universities were ranked in top 200 by the THES, only 0.7 percent of the top officials were educated at Australian universities.
Lee, 2007 : 6-7
Ces chiffres sont toutefois à prendre avec précaution parce qu’ils sont basés sur les biographies du Who’s Who in International Organisations (Yearbook of International Organizations, 2011-2012), une publication qui vise à récolter le maximum d’informations sur les membres des organisations internationales en s’appuyant essentiellement sur des questionnaires envoyés à ses membres. Le résultat est une compilation un peu erratique d’organisations internationales de tous types (depuis les Nations Unies jusqu’à des organisations d’échange scolaire) et une base de données très partielle (peu ont répondu aux questionnaires envoyés ; tous n’ont pas mentionné leur parcours éducatif). Ces chiffres sont donc a priori davantage indicatifs d’une tendance que d’un état de fait. Pourtant, comme nous allons le voir, cette tendance se vérifie à l’étude des biographies des principaux dirigeants des Nations Unies et de certaines grandes ONG internationales.
Domination du capital culturel occidental dans les biographies des principaux dirigeants des Nations Unies et de quelques grandes ONG internationales
Cette section de l’étude se centrera sur les dirigeants des Nations Unies et offrira, à titre d’exemple, une comparaison avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ainsi que Human Rights Watch, Amnesty International et Care International.
L’Organisation des Nations Unies
L’ONU se présente comme une organisation ayant vocation à représenter l’ensemble des habitants de la planète. « Les Nations Unies, c’est votre monde », professe la page d’accueil de l’organisation. Cette dernière est soucieuse de promouvoir un appareil bureaucratique qui soit à l’image de la diversité des êtres humains qu’elle a vocation à représenter. Les pages de recrutement des Nations Unies soulignent d’ailleurs que « la diversité du personnel est une des caractéristiques les plus particulières de l’ONU, qui la considère comme un atout face à la complexité des activités qu’elle doit mener » (ONU – Carrières, 2012). La Charte des Nations Unies elle-même ne fait toutefois pas mystère du fait que l’organisation doit préférer la compétence de ses employés à une répartition géographiquement égalitaire de leur profil :
La considération dominante dans le recrutement et la fixation des conditions d’emploi du personnel doit être la nécessité d’assurer à l’Organisation les services de personnes possédant les plus hautes qualités de travail, de compétence et d’intégrité. Sera dûment prise en considération l’importance d’un recrutement effectué sur une base géographique aussi large que possible.
Charte des Nations Unies, art. 101[9]
La Charte ne va pas jusqu’à préciser la manière dont les compétences de ses employés doivent être évaluées et ne spécifie évidemment pas qu’une formation universitaire occidentale est requise pour accéder aux fonctions dirigeantes. Nous allons voir pourtant que, en pratique, c’est presque toujours le cas.
Les secrétaires généraux des Nations Unies
Il n’est pas de tradition que les secrétaires généraux soient de nationalité occidentale. Depuis la fin de la guerre froide, ils ont d’ailleurs tous été choisis en dehors du monde occidental, deux d’entre eux en Afrique, un en Asie. Tous disposent cependant d’un capital culturel occidental fort puisqu’ils sont tous titulaires d’un diplôme universitaire occidental. Boutros-Boutros Ghali est Égyptien, a été formé en Égypte, mais a réalisé son doctorat en droit à l’Université de Paris et a été Fulbright Visiting Scholar à l’Université de Columbia (États-Unis) (Secrétaire général des Nations Unies, 2013a). Koffi Annan est Ghanéen, a étudié au Ghana, mais a obtenu ses diplômes universitaires aux États-Unis (Macalester College de St. Paul, Minnesota ; Massachusetts Institute of Technology) et à Genève (Institut des études internationales) (Secrétaire général des Nations Unies, 2013b). Ban Ki-Moon est originaire de Corée du Sud et y a étudié, mais il est aussi diplômé de Harvard (Secrétaire général des Nations Unies, 2013c).
Les dirigeants des fonds, des programmes et des institutions spécialisées des Nations Unies
Il existe, au sein des Nations Unies, 25 institutions spécialisées, fonds ou programmes (ONU, 2013). Comme chez les secrétaires généraux, on constate chez les dirigeants de ces organismes une certaine variété en termes de nationalité : 52 % d’entre eux sont issus de pays occidentaux, 24 % d’Asie, 16 % d’Afrique, 8 % de l’Amérique du Sud ou des Caraïbes et 4 % d’Europe de l’Est (tableau 3).
En termes de formation, en revanche, la domination des diplômes occidentaux est presque aussi forte que chez les secrétaires généraux de l’ONU. À l’exception du secrétaire général de l’Organisation maritime internationale (OMI), du directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNDOC) et du secrétaire général de l’Union internationale des télécommunications (UIT), tous les dirigeants dont on connaît les données biographiques ont obtenu un diplôme dans un pays occidental, soit 88 % du total, un chiffre presque exactement identique à celui proposé dans les rapports antérieurs (Lee, 2007).
Le Comité international de la Croix-Rouge
Une observation du parcours universitaire des membres du CICR confirme la domination du capital culturel occidental dans les sphères dirigeantes internationales. Dans le cas du CICR, cette domination est liée à la manière dont sont organisées les fonctions dirigeantes de l’organisation. Toute l’organisation dépend en réalité de l’Assemblée, organe qui coopte ses membres et désigne à la fois la présidence et la direction exécutive. Or, tous les membres de cette Assemblée doivent être de nationalité suisse (International Committee of the Red Cross, 2011). Une étude confirme par ailleurs que 88 % des directeurs, des délégués généraux, des chefs d’opérations et de division sont de nationalité suisse (Kim et Schneider, 2008 : 22). De manière générale, il s’agit d’une organisation qui recrute à l’extrême au sein des personnes de nationalité occidentale. En 2006, le CICR employait en effet 14 000 personnes qui représentaient 105 nationalités. Mais la majorité de cette diversité était due au recrutement de personnel local lors de missions précises. Les personnes envoyées par Genève en mission (les expatriés) restaient, elles, à 93 % occidentales (ibid. : 3). Les diplômes dont sont titulaires les personnes qui occupent une place importante dans l’organisation sont donc, sans surprise, occidentaux. En fait, huit des neuf dirigeants principaux du CICR sont diplômés d’une université suisse.
Amnesty International, Human Rights Watch et Care International
L’équipe de direction d’Amnesty International, de Human Rights Watch et de Care International est à 100 % composée de personnes disposant d’un diplôme obtenu dans une université occidentale.
L’organisation Amnesty International est dirigée par un secrétaire général et un comité exécutif international. Salil Shetty, le secrétaire général, est de nationalité indienne et a étudié à l’Université de Bangalore (Times of India, 2010), mais il est également titulaire d’un master of science in social policy and planning de la London School of Economics. Il est assisté par George Macfarlane – University College Dublin, Irlande (Linkedin, 2013a) ; Nicola Duckworth – Bristol University, Royaume-Uni (Fondation Martin Ennals, 2013) ; Richard Eastmond – Henley Management College, Royaume-Uni (Linkedin, 2013b) ; Widney Brown – New York University, États-Unis (Starr, 2011) ; et Thomas Schultz-Jagow – Universität Hamburg, Allemagne (Linkedin, 2013c).
L’ONG Human Rights Watch est dirigée par Kenneth Roth – Yale (Connecticut) et Brown (Rhode Island), États-Unis[10] ; Michele Alexander – Brooklyn Law School (New York), États-Unis ; Carroll Bogert – Harvard (Massachusetts), États-Unis ; Iain Levine – Hull University et London School of Economics, Royaume-Uni ; Jan Egeland – University of Oslo, Norvège, et Fulbright Scholar à l’Université de Californie, Berkeley, États-Unis (ONU, 2008) ; et Chuck Lustig – State University of New York, États-Unis.
On constate le même profil chez les membres de la direction de Care International[11]. La présidente de l’agence, Helene D. Gayle – Barnard (New York) et John Hopkins (Baltimore), États-Unis, est assistée de Jonathan Mitchell – University of Surrey, Royaume-Uni ; de Vickie Barrow-Klein – George Mason University (Virginie), États-Unis (Linkedin, 2013d) ; de Patrick Solomon – Howard University (District of Columbia), États-Unis (Linkedin, 2013e) ; de Jean-Michel Vigreux – Université de Gembloux, Belgique ; d’Abby Maxman – Colorado College, School for International Training in Brattleboro, États-Unis ; de Kent Alexander – Tufts University (Massachusetts) et University of Virginia School of Law, États-Unis ; et de Lee Taliaferro Love – University of Virginia et University of North Carolina, États-Unis.
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Tous les secrétaires généraux de l’ONU depuis la fin de la guerre froide ainsi que près de 90 % des dirigeants des 25 fonds, programmes et institutions spécialisées des Nations Unies disposent d’un diplôme occidental. C’est aussi le cas de tous les dirigeants du CICR, de Human Rights Watch, d’Amnesty International et de Care International.
Mesure de l’inégalité de la réparation du capital culturel occidental au niveau mondial
L’impressionnante présence des diplômes universitaires occidentaux dans les biographies des personnes qui se trouvent au sommet des fonctions dirigeantes des Nations Unies et des quelques organisations non gouvernementales échantillonnées pose la question de la répartition géographique de telles caractéristiques à l’échelle planétaire. En effet, même si les pages qui précèdent ne montrent pas que les dirigeants des Nations Unies ont été choisis à cause du fait qu’ils possédaient un diplôme postsecondaire occidental, elles prouvent en revanche qu’ils ont été choisis parmi les personnes qui disposent d’un tel diplôme occidental. Or, cette caractéristique particulière n’est pas répartie de manière homogène à l’échelle du globe.
Il n’existe pas à notre connaissance de statistiques qui fassent le compte de la population mondiale qui dispose d’un diplôme universitaire occidental et qui en fassent la répartition géographique. Toutefois, certaines statistiques secondaires nous permettent d’approcher cette réalité.
La première question qui se pose est celle de la répartition géographique des individus possédant un diplôme universitaire (quelle que soit par ailleurs l’université de provenance de ce diplôme). Comme on s’en doute, l’accès aux études dites « tertiaires » n’est pas équitablement réparti dans toutes les régions du monde. De manière générale, plus une personne sera issue d’un État aux revenus faibles, moins grande sera la probabilité qu’elle poursuive des études tertiaires (Altbach et al., 2009 : 215). Cela signifie en pratique que, en Amérique du Nord et en Europe, sur 100 personnes en âge de poursuivre des études tertiaires, 70 le feront effectivement alors que seules 6 personnes sur 100 feront la même chose en Afrique subsaharienne (ibid.). Parmi ces personnes, presque une sur deux sera une femme. Il n’y a en effet pas de tendance claire qui discrimine les femmes dans ce groupe si l’on considère que 51 % des personnes inscrites dans l’enseignement tertiaire dans le monde en 2010 étaient des femmes. Toutefois, comme le tableau 6 l’illustre, la répartition continentale tend à varier. De manière générale, les pays aux revenus les plus faibles présentent les taux de femmes les plus bas (ibid.).
Le simple fait que les dirigeants des Nations Unies soient choisis le plus souvent parmi les personnes disposant d’un diplôme tertiaire occidental exclut donc 30 % des Étasuniens et des Européens, mais 93 % des résidents d’Afrique subsaharienne.
Les personnes qui disposent de ce diplôme tertiaire n’auront toutefois de réelle chance d’accéder aux fonctions dirigeantes discutées plus haut que si ce diplôme est occidental. Pour les Occidentaux, il n’y a donc pas de problème, en particulier s’ils résident dans un pays anglo-saxon. Pour les autres, la clôture est dédoublée (Darchy-Koechlin et van Zanten, 2005 : 22). Ils doivent non seulement avoir acquis leur capital culturel national, mais il leur faut par la suite acquérir un capital culturel occidental, le plus souvent étasunien (Wagner, 1998 : 22). Encore une fois, il n’existe pas à notre connaissance d’étude statistique qui se penche sur le profil des personnes qui se doivent d’acquérir ce second capital culturel, mais certaines statistiques secondaires permettent de se faire une idée assez précise du phénomène.
Les pays occidentaux se présentent en général comme des pays d’accueil sur le plan de la formation des étudiants étrangers. Les chiffres montrent que c’est une réalité : les quatre premiers pays receveurs d’étudiants étrangers dans le système tertiaire sont en effet tous occidentaux, dans l’ordre : États-Unis, Angleterre, Allemagne et France (Altbach, 2004 : 20). Cette ouverture ne doit pas masquer le fait que les systèmes d’éducation étasunien et européen sont évidemment avant tout fréquentés par des personnes qui en possèdent la nationalité. Selon le département américain de l’éducation, par exemple, seulement 1,4 % des étudiants des universités américaines ne sont pas des résidents étasuniens[12]. Du côté européen, seuls 3,4 % des étudiants présents dans les 32 États de la zone eurodata[13] ne sont pas des nationaux d’un de ces 32 États.
Concrètement, cela signifie que, durant l’année universitaire 2009-2010 (derniers chiffres disponibles), les États-Unis accueillaient 690 000 étudiants étrangers sur leur territoire : 63,1 % de cette population provenait d’Asie, 12,3 % d’Europe, 9,5 % d’Amérique latine, 5,4 % d’Afrique, 4,9 % du Moyen-Orient, 4,1 % du Canada et 0,7 % d’Océanie (Snyder et Dillow, 2012 : 330). L’Europe accueillait quant à elle 600 634 étudiants étrangers dans le système éducatif tertiaire : 39,4 % en provenance d’Asie, 30,9 % d’Afrique, 14,9 % de pays d’Europe (hors eurodata), 8,4 % d’Amérique latine, 5,8 % d’Amérique du Nord, 0,6 % d’Océanie (Kelo et al., 2006 : 21).
Il ressort de ces chiffres qu’un étudiant africain, par exemple, qui aurait la chance d’appartenir aux 6 % de la population qui peut suivre des études tertiaires en Afrique, devrait encore, pour obtenir un diplôme étasunien, faire partie du 1,4 % de la population des universités américaines qui provient de l’étranger. Ses chances sont minces ; d’une part, parce que, statistiquement, moins de 5 % de cette population d’étudiants provient d’Afrique et, d’autre part, parce qu’il est statistiquement probable qu’il doive payer lui-même ses études puisque, aux États-Unis, plus de deux tiers des étudiants étrangers payent leurs études sur fonds propres ou grâce à l’aide de leur famille (Altbach, 2004 : 2). Bref, à moins d’être issu d’un milieu social très favorisé, l’étudiant africain sera évidemment incapable de payer une année d’études aux États-Unis.
En effet, de manière générale, les études occidentales coûtent très cher. C’est surtout le cas aux États-Unis, particulièrement dans les universités les plus réputées. En 2004, Joseph Soares estimait qu’une personne devait débourser environ 43 365 dollars américains pour passer une année à Yale University (2007 : 59). Cette somme très élevée explique en partie que, au sein de la population américaine même, on constate une corrélation forte entre le statut économique des familles et la fréquentation des universités dites d’élite. Environ 64 % des étudiants des universités d’élite (c’est-à-dire des universités dont les diplômés auront les plus gros salaires) (ibid. : 4) sont eux-mêmes issus des 10 % des familles les plus riches des États-Unis (ibid. : 167)[14].
Évidemment, si l’accès à ces universités est économiquement difficile pour les Américains, il est encore plus malaisé pour les étudiants potentiels du reste du monde. En 2004, le revenu national brut (RNB) par Américain et par an était de 42 020 $. Comme cette somme est plus ou moins égale au prix d’une année d’université à Yale, un Américain moyen qui ne toucherait pas à un dollar de son revenu (ce qui est évidemment impossible) devrait travailler cinq années entières pour y offrir cinq années d’étude à un des ses enfants. Un Péruvien moyen (RNB/hab. : 2400 $) devrait faire de même pendant 87,5 ans ; un Sierra-Léonais moyen (RNB/hab. : 220 $), pendant 955 ans[15].
Au final, l’accès à un diplôme universitaire occidental est donc statistiquement dépendant du capital économique moyen d’un individu non occidental donné. Plus de 95 % des diplômes universitaires occidentaux sont délivrés à des Occidentaux. Les diplômes restants sont délivrés à des non-Occidentaux qui, pour la majorité, devront disposer d’un capital économique démesuré au regard du revenu moyen de leur pays, ce qui confirme des recherches antérieures qui soulignaient que la création d’un marché éducatif à l’échelle internationale avait tendance à renforcer le poids du capital économique par rapport à celui du capital culturel dans les biographies des individus qui y accèdent (Darchy-Koechlin et van Zanten, 2005 : 22).
Conclusion
Bien qu’elle ne porte que sur un échantillon très limité de profils de dirigeants internationaux, la présente étude fait la démonstration d’une domination extrêmement forte du capital culturel occidental dans les organisations internationales. Elle souligne en particulier que près de neuf dirigeants sur dix au sein de l’Organisation des Nations Unies disposent d’un diplôme occidental. Comme la dernière partie de l’étude le montre, cette simple donnée prouve déjà une reproduction structurelle des inégalités dans le système international. En effet, ce sont les personnes issues des États occidentaux ou, pour une infime partie, des couches les plus riches des États non occidentaux, qui ont accès aux diplômes de ce type.
La reproduction des inégalités passe par des phénomènes qui ne disent pas leur nom. Aucune des organisations étudiées plus haut, l’ONU moins que les autres, n’a probablement pour objectif de favoriser les profils occidentalisés et toutes cherchent probablement à s’entourer de personnes compétentes. Cette variable camoufle cependant un réseau de relations statistiques qui favorise en fin de course la domination d’un groupe sur un autre (Bourdieu, 1979a : 115).
C’est donc toute la question de la compétence qui doit être repensée. À notre avis, l’objectif n’est pas d’améliorer l’accès du plus grand nombre aux formations universitaires occidentales, comme certaines universités tentent de le faire en ouvrant des branches délocalisées à travers le monde (Altbach et Knight, 2007). L’enjeu, plus large, est celui de l’intégration des compétences pensées dans leurs spécificités locales et non au regard de leur conformité par rapport à un modèle défini par les universités occidentales. Il nous semble urgent de penser ce changement et les Nations Unies nous paraissent un laboratoire idoine pour ce faire.
Parties annexes
Note biographique
Vincent Chapaux est chercheur postdoctorant auprès du Centre de droit international et de sociologie appliquée au droit international de l’Université libre de Bruxelles (ULB). Le présent article s’insère dans la suite de sa thèse de doctorat portant sur le rôle des structures idéelles dans les rapports de force internationaux (Dominer par les idées, 2011). Il est aussi spécialiste du conflit au Sahara occidental, sujet sur lequel il a écrit de nombreux articles et ouvrages. Il publie également depuis peu sur la question de la rupture transatlantique dans l’étude du droit international public et vient d’ouvrir un nouvel agenda de recherche : la protection internationale des animaux.
Notes
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[1]
Bourdieu lui-même soulignait d’ailleurs dans ses derniers écrits le rôle des écoles de pouvoir occidentales (Sciences Po – Paris, London School of Economics – United Kingdom, Harvard Kennedy School of Government – États-Unis…) dans la reproduction des dominations internationales (Bourdieu et Wacquant, 2001 : 2). Voir aussi les références reprises infra.
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[2]
L’organisation elle-même produit peu de rapports publics qui montreraient une réflexivité au sujet des discriminations possibles au sein de ses employés, à l’exception toutefois des efforts entrepris au sujet des discriminations sur le genre (Office of the Special Adviser to the Secretary-General on Gender Issues and Advancement of Women, 2009).
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[3]
Bourdieu insiste sur le fait que le capital culturel est très dépendant du milieu dans lequel naît l’individu. L’acquisition postérieure de capital culturel est possible, mais nécessite en général à la fois du capital économique et du temps.
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[4]
Pour d’autres facettes du capital culturel dans les relations internationales, voir par exemple Virmani, 2013.
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[5]
C’est-à-dire les pays membres de l’Union européenne avant son extension vers l’Est en 2004 (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Portugal, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède), ainsi que la Suisse et la Norvège.
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[6]
Ce groupe est appelé « le groupe occidental », mais se nomme en réalité « Groupe des États d’Europe occidentale et autres États ». Formellement, les États-Unis ne sont pas membres de ce groupe, mais observateurs. Ce groupe comprend aussi la Turquie, Israël (provisoire), l’Islande, Monaco, l’Andorre, Saint-Marin et le Liechtenstein (Département de l’Assemblée générale et de la gestion des conférences, 2012).
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[7]
Amérique du Nord (52,2 %), Europe (38 %).
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[8]
Les auteurs reconnaissent cependant que leurs données sont incomplètes.
-
[9]
Cette tendance à préférer la compétence sur la représentativité est confirmée par Sheehan, 2003 : 127.
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[10]
Sauf mention contraire, les diplômes des dirigeants de Human Rights Watch proviennent du site Internet de l’organisation (www.hrw.org), consulté le 1er octobre 2012.
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[11]
Sauf mention contraire les informations proviennent du site Internet de l’organisation (www.care.org), consulté le 1er octobre 2012.
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[12]
Ce chiffre s’applique aux étudiants dits undergraduate (US National Center for Education Statistics, 2009). Ce chiffre augmente par ailleurs lorsqu’on se penche sur les graduate students des universités les plus prestigieuses (Horn et al., 2007).
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[13]
La zone eurodata comprend les membres de l’Union européenne ainsi que le Liechtenstein, la Norvège, la Suisse, la Turquie et l’Islande.
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[14]
Voir aussi la comparaison avec les universités (principalement publiques) européennes (Soares, 2007 : 13-14).
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[15]
Les chiffres sont calculés sur la base des données de la Banque mondiale (2013), chiffres de l’année 2004.
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