Recensions

Barack Obama et le Printemps arabe. Le repositionnement de la politique américaine au Moyen-Orient, de Gilles Vandal et Sami Aoun, Outremont, Athéna Éditions, 2013, 365 p.[Notice]

  • Jonathan Viger

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  • Jonathan Viger
    Département de sociologie, Université du Québec à Montréal
    vigj@hotmail.com

La politique étrangère américaine au Moyen-Orient a subi deux transformations majeures au cours des dernières années. Premièrement, il y a eu passation des pouvoirs entre l’administration républicaine de George W. Bush et l’administration démocrate de Barack Obama ; deuxièmement, l’ensemble des bouleversements politiques et sociaux maintenant regroupés sous l’appellation du printemps arabe est venu profondément changer l’environnement dans lequel la politique du nouveau gouvernement doit oeuvrer. C’est en réponse à ces deux changements que Gilles Vandal et Sami Aoun proposent d’analyser l’évolution de la politique étrangère américaine par rapport à la région du Moyen-Orient. La thèse principale qui traverse l’ouvrage est le caractère réaliste et pragmatique de la politique d’Obama par rapport à une région marquée par le conflit et l’instabilité. Cette politique, en apparence incohérente et instable, fut au contraire le résultat d’un calcul prudent qui prit en compte les différentes réalités locales afin de s’y adapter, tout en conservant un objectif central, soit la défense des intérêts américains. Les auteurs font référence au concept de smart power afin de définir la nature de cette politique alliant à la fois le soft et le hard power, manifestation de ce qu’est la réelle définition du terme Realpolitik (p. 320). Cette approche du cas par cas est reflétée dans la division de l’argument en neuf chapitres, chacun portant sur une région en particulier, soit l’Irak, la Turquie, l’Égypte, l’Arabie saoudite, le Yémen, l’Iran, la Syrie, Israël et la Palestine. Nous n’aborderons pas ici en détail chaque chapitre, mais nous tenterons de mettre en lumière les idées directrices menant l’ouvrage. Le fait d’entreprendre leur réflexion avec la question irakienne n’est pas fortuit, cela permet d’emblée aux auteurs de mettre de l’avant la principale motivation de l’administration Obama dans le repositionnement de sa politique au Moyen-Orient, soit la tentative de réparer les pots cassés suite au désastre de l’invasion du régime de Saddam Hussein. C’est en grande partie autour de la volonté de ne pas répéter les erreurs de l’administration précédente que la politique d’Obama va prendre son caractère réaliste et pragmatique, en opposition à l’attitude agressive et la vision manichéenne de George W. Bush et ses conseillers néoconservateurs. C’est ainsi qu’avec le retrait de ses troupes de l’Irak, les États-Unis vont progressivement jouer un rôle d’arrière-scène face à la dynamique géopolitique du Moyen-Orient tout en maintenant la ferme volonté de défendre ses intérêts dans la région. Cette situation représente sans aucun doute un dilemme crucial pour la politique étrangère américaine. D’un côté, il était difficile d’aller à l’encontre des aspirations démocratiques des populations, d’un autre côté, ces aspirations visaient à renverser les régimes autoritaires qui avaient garanti une relative stabilité régionale et dont certains représentaient des alliés importants des États-Unis. La politique américaine, refusant de se commettre trop loin à l’une ou l’autre de ces positions, s’adapta aux contextes sociopolitiques changeants. Par exemple, après avoir initialement supporté le régime Mubarak en Égypte, Obama changea son fusil d’épaule une fois qu’il devint évident que le régime ne tiendrait pas. Dans ce cas, les États-Unis prirent le pari risqué de supporter les réformes démocratiques tout en voulant s’assurer de la stabilité de la transition (p. 117-118). Toutefois, en Égypte comme ailleurs au Moyen-Orient, les Américains demeurèrent extrêmement prudents dans leur support aux transitions démocratiques, d’abord dans le souci de ne pas ouvrir la porte à une mouvance islamique radicale ou à des affrontements sectaires, mais également en raison d’un contexte géopolitique tendu. Dans ce sens, l’Arabie saoudite s’est montrée réticente face aux événements du printemps arabe jusqu’au point d’intervenir militairement au Bahreïn, la dynastie Saoud craignant que le mouvement contestataire puisse se répandre …