Recensions

Dialogue sur les quotas. Penser la représentation dans une démocratie multiculturelle, de Nenad Stojanović, Paris, Presses de Sciences Po, 2013, 374 p.[Notice]

  • Manon Tremblay

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Comme son titre l’indique, Dialogue sur les quotas a pour objectif de réfléchir aux quotas et, de manière plus précise, au dilemme qu’ils poseraient (le conditionnel est de moi, non de l’auteur pour qui les quotas posent effectivement problème) à « la représentation des groupes dans la société démocratique » (p.  320). Ce dilemme est ainsi formulé : Nenad Stojanović explore ce dilemme par le truchement de dialogues mettant en scène deux protagonistes : Cosimo, la voix toute libérale opposée aux quotas, et Thérèse, qui incarne l’option inverse. Pour l’essentiel, les arguments de Cosimo et de Thérèse se déploient sous le mode d’oppositions bien campées, d’où la pertinence d’un troisième personnage, Solutio Informalis, un professeur de sciences politiques à la retraite. Son rôle consiste précisément à dépasser le cul-de-sac théorique dans lequel aboutissent Cosimo et Thérèse à la fin du cinquième dialogue quant au dilemme que poseraient les quotas en démocratie, et à façonner une proposition consensuelle. Cette dernière se lit comme suit : « les quotas devraient être formels, mais implicites et indirects. [Ils ne doivent] pas nommer les groupes censés en bénéficier » (p. 311). Cette proposition diffère en partie de la thèse annoncée par l’auteur en introduction de son ouvrage : la diversité des membres au sein des institutions politiques passe par le recours à « des pratiques informelles d’inclusion ou alors des règles formelles qui, d’une manière indirecte, implicite, flexible ou limitée dans le temps, assurent la présence adéquate des groupes au sein des institutions » (p. 43). Comme quoi les débats n’ont pas été vains ! En termes de terrain empirique, Stojanović privilégie les institutions de la démocratie représentative (le Parlement, le gouvernement et, à l’occasion, l’administration publique), les groupes linguistiques (sans pour autant en ignorer complètement d’autres, comme les femmes), enfin la Suisse (quoique la Belgique et la Bosnie et Herzégovine inspirent beaucoup d’exemples). Comme tous les livres, Dialogue sur les quotas comporte ses forces et ses faiblesses. Côté forces, la formule des dialogues m’est apparue extrêmement intéressante, car en tant qu’outil de vulgarisation elle rend accessibles à un vaste lectorat des arguments théoriques parfois indigestes. Les commentaires qui suivent chacun des dialogues permettent aussi à celles et ceux qui le désirent d’aller plus loin en explorant quelques-unes des pensées incontournables en matière de représentation et son aménagement en démocratie : les Will Kymlicka, Arend Lijphart, Jane Mansbridge, Chantal Mouffe, Anne Phillips, Charles Taylor, James Tully et Iris Marion Young. Côté faiblesses, il me semble qu’il aurait fallu définir les quotas de manière plus claire et, surtout, expliciter les qualificatifs qui leur sont accolés – formels versus informels, directs versus indirects, implicites versus explicites. Certes, le tableau 2 donne une petite idée du sens de ces notions, mais qui ne supplée en rien à une explication étoffée. Une autre faiblesse de l’ouvrage réside dans le parti pris manifeste de l’auteur contre les quotas. S’il est malaisé de reprocher à un auteur d’avoir une opinion, la partialité ne me semble pas convenir dans le cadre de dialogues qui veulent faire le point sur une problématique – et donc mettre au jour ses multiples dimensions sans en privilégier une. L’aversion de Cosimo pour les quotas l’amène à les caricaturer de manière populiste, voire à en « démoniser » les conséquences. Cosimo soutient ainsi qu’attribuer un emploi ou une fonction à une personne en se basant sur un quota est une démarche « irrespectueuse » et « méprisante » qui « peut créer ou renforcer un sentiment d’infériorité » (p. 55). Mais n’est-ce pas tout aussi irrespectueux, méprisant et à même de générer ou d’alimenter « un …