Recensions

Démocratie des urnes et démocratie de la rue : Regard sur la société et la politique, de Jean-Marc Piotte, Montréal, Québec Amérique, 2013, 153 p.[Notice]

  • Isabelle Bernard

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Le professeur de science politique (Université du Québec à Montréal) Jean-Marc Piotte, que l’on connaissait déjà grâce à plusieurs ouvrages, dont Les neuf clés de la modernité (2007, Québec/Amérique) et Les grands penseurs du monde occidental (2005, Fides), propose ici un ouvrage où il dévoile sa pensée dans le contexte de la situation politique québécoise. L’analyse est bien ancrée dans la conjoncture politique : d’une part, elle succède au contexte de la grève du printemps 2012 (le « Printemps érable »), considérée ici comme un mouvement social important pour le Québec ; d’autre part, elle s’inscrit dans un sentiment de désillusion du Parti québécois comme véhicule politique pertinent, et ce, à la veille de l’élection de 2013 qui verra ce parti retomber dans l’opposition. La position de l’auteur est politiquement située à titre d’intellectuel qui prend part aux débats publics contemporains et s’inscrit à l’occasion dans une perspective militante. Les propositions reposent sur une argumentation solide présentée sous forme de débats avec des conceptions alternatives. Comme annoncé dans le sous-titre, Piotte propose un regard sur la société et la politique au Québec. Au fil de l’ouvrage, sa pensée est animée par trois valeurs clairement identifiées : liberté, égalité et solidarité. Au chapitre 1, « La liberté et son contraire », l’auteur insiste sur l’importance de la liberté de pensée et d’expression pour la démocratie. Dans la conception qu’il propose, la liberté découle d’une connaissance et d’une critique de la tradition : « le questionnement rigoureux de la tradition léguée est un passage nécessaire pour penser librement » (p. 20). Piotte s’oppose à l’argument voulant qu’une culture dominante imposant des normes sociales contraigne la liberté plus que les sociétés traditionnelles dominées par une religion qui définit les règles morales en soutenant plutôt que la possibilité de s’exprimer et la multiplicité des sources d’information avantage la liberté (p. 22). Puis, s’inspirant de Tocqueville et de Descartes, il distingue « individualisme » et « individualité » : « l’autodétermination définissant l’essence de l’individualité » et l’individualisme étant « la principale maladie de l’homme moderne qui ne songe qu’à soi ou à ses proches, s’affranchissant de tout devoir de solidarité envers la société et l’humanité ». Prenant l’exemple des jeunes « engagés collectivement sans jamais sacrifier leur individualité » lors de la grande grève étudiante de 2012, il conclut : « La solidarité est maintenant un choix. Elle relève dorénavant de la libre conscience et de la volonté de chacun. » (p. 23) Au chapitre 2, « La grande culture et l’autre », Piotte fait une revue (critique) des différentes conceptions de la culture générale, de la grande culture et de la culture populaire. Au chapitre 3, « Le bon peuple et les méchants intellectuels », il poursuit en s’opposant à l’idée que la distinction conceptuelle soit utilisée pour opposer peuple et intellectuels et créer ainsi une division sociale. Il dénonce les intellectuels qui considèrent la liberté comme une reproduction du passé idéalisé sans faire une évaluation critique de cette tradition. Piotte accepte que l’opposition à l’individualisme qui accompagne cette idée constitue un problème. Cependant, selon lui, « la solution ne consiste pas à revenir à la société liberticide prémoderne. Il faut au contraire se battre pour convaincre chaque citoyen que le plein développement de son individualité ne peut se réaliser qu’en solidarité avec les autres. » (p. 42) Il faut utiliser le passé pour avancer, pour se positionner à l’avenir et non pour proposer un retour, un recul. Le chapitre 4, « L’université et la gauche intellectuelle », porte sur la thématique de ce lieu « privilégié de formation des intellectuels » (p. …

Parties annexes