Recensions

L’extrême droite en Europe, sous la dir. de Béatrice Giblin, Paris, Éditions La Découverte, 2014, 227 p.[Notice]

  • Sébastien Parker

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Le collectif dirigé par Béatrice Giblin, L’extrême droite en Europe, fait suite à un numéro spécial d’Hérodote de 2012 qui avait tenté de présenter diverses situations européennes relativement à la percée de partis d’extrême droite. La prémisse de ce livre stipule qu’en dépit de ressorts communs à la montée de ces partis, notamment la mondialisation et la crise financière de la zone euro en 2010-2011, ceux-ci ne suffisent pas à rendre intelligibles les particularités des situations nationales. Giblin, dans l’introduction du collectif, mentionne par ailleurs que les travaux récents intègrent rarement l’approche géopolitique qui « ajoute l’analyse au plan local du contexte économique social et culturel, et prend aussi en compte l’importance des représentations liées à la nation dans le comportement politique » (p. 6). Plusieurs des chapitres présentés tentent d’intégrer cette approche, en observant soit les tendances des votes aux niveaux communal et infracommunal par l’entremise de cartographie électorale, soit la progressive mise en place de discours liant fortement la nation et le territoire. Au-delà du constat de la normalisation de l’idéologie de l’extrême droite au sein de territoires nationaux européens, le collectif offre une perspective originale qui tente, somme toute, de voir comment celle-ci s’est réalisée, plutôt que de véhiculer l’idée selon laquelle ces partis auraient émergé de nulle part. En effet, l’un des grands apports de ce collectif est de démontrer que ce sont des mouvements parfaitement ancrés dans les paysages politiques européens, et ce, en raison de décisions tactiques parfois judicieuses. Un des grands thèmes de cet ouvrage est sans contredit les antécédents historiques de l’émergence et de la sédimentation du vote populiste. Notamment, dans le chapitre consacré au Front national (chap. 2), l’auteur, Bernard Alidières, discute des différents « temps » du vote pour le FN. Son analyse se positionne explicitement contre d’autres travaux consacrés au FN, ne mobilisant soit pas la question de l’insécurité, par exemple ceux de Pascal Perrineau, ou ceux intégrant une représentation géopolitique binaire, telle qu’exemplifiée par Le Monde. En accordant une attention particulière à l’évolution du vote, Alidières démontre bien l’importance de la géographie des votes du FN : en effet, comme il le mentionne, l’évolution du vote depuis les élections européennes de 1999, et suite à la crise de la direction du FN, n’a pas correspondu à un « repli définitif » (p. 39), mais bien à un « abstentionnisme sélectif » (ibid.) qui a laissé place progressivement à une reconquête d’électeurs dans une « incontestable nationalisation » du vote (p. 43). La cartographie électorale permet ainsi de voir comment la soi-disant « percée » du FN dans les années 2000 a été fortement associée à une fidélisation antérieure de l’électorat dans quelques régions clés. Un autre thème récurrent est celui de la géographie des conflits interethniques au sein des quartiers et des régions. Comme le défend Alidières dans son texte, « le développement du sentiment d’insécurité et l’insécurité effectivement constatée » (p. 25) eurent une nette antériorité à la percée électorale du FN. Cette thèse est reprise dans plusieurs chapitres du collectif : ainsi en va-t-il du chapitre consacré au parti de Geert Wilders aux Pays-Bas (chap. 5) stipulant que ses scores élevés vont de pair avec les contacts interethniques « dans les villes où le taux de chômage est élevé et les scores pour les indices de tolérance culturelle sont faibles » (p. 111). Le chapitre sur l’Espagne (chap. 8) et la Plataforma per Catalunya (PxC) va même jusqu’à avancer, pour sa part, que « l’équation ‘Marocains + quartiers ouvriers défavorisés + bastion de la gauche = vote PxC’ s’observe de façon …