Recensions hors thème

Au sein de la Maison-Blanche. De Truman à Obama, la formulation (imprévisible) de la politique étrangère des États-Unis, de Charles-Philippe David, Québec, Presses de l’Université Laval, 2015 [3e éd.], 1184 p.[Notice]

  • Manuel Dorion-Soulié

…plus d’informations

Dans cet imposant ouvrage, Charles-Philippe David plonge au plus profond des débats qui ont mené à la formulation de la politique étrangère américaine depuis la Deuxième Guerre mondiale. Pour ce faire, il décrit dans les plus menus détails le fonctionnement du National Security Council et la relation de ses membres avec chaque président depuis Harry Truman. De cette exploration, il ressort non pas l’image d’une politique étrangère marquée au sceau de la continuité, comme on peut en trouver chez certains critiques de la politique impériale américaine, mais plutôt une série de portraits dans lesquels la personnalité et le style décisionnel de chaque président interagissent avec l’appareil gouvernemental pour donner lieu à des décisions particulières. Comme le souligne Marie-France Toinet dans une préface datant de 1994, « Au total, c’est la centralité des hommes par rapport aux organes de décision et du réalisme par rapport aux principes qui frappe dans la démonstration » (p. 28). Les décisions de politique étrangère sont ainsi conçues moins comme le produit d’une rationalité froide que comme le fruit des interactions entre une pléthore d’hommes et de femmes, porteurs d’intérêts divers. L’objectif explicite de David est de montrer comment et pourquoi les présidents américains en arrivent à leurs décisions de politique étrangère. Pour ce faire, il mobilise un cadre conceptuel issu des postulats de la théorie cognitive et de la théorie organisationnelle. De la première, on retiendra que les perceptions, ces construits cognitifs qui permettent l’interprétation de l’information, ont un impact fort sur la prise de décision, notamment par le biais « d’analogies personnelles ou historiques, qui structurent les termes de référence des décideurs » (p. 64). De la théorie organisationnelle, on retiendra qu’un gouvernement, loin d’être un monolithe, se compose d’une multitude d’acteurs institutionnels (individus ou organismes) dont la « position face à un problème est déterminée par la situation et le poste qu’ils détiennent dans l’appareil administratif de la politique étrangère » (p. 83). Au terme de trois chapitres extrêmement étoffés sur les théories de la prise de décision, les mécanismes internes du système décisionnel américain et les différents styles de gestion que l’on rencontrera chez les présidents américains, David se lance dans l’analyse historique de la politique étrangère américaine. Chaque chapitre se concentre sur un président, décortiquant son style et sa personnalité propres, et contient de plus une analyse globale des relations (étonnamment variables) entre le National Security Council (dont le National Security Advisor) et le président, de même qu’une étude de cas. Chacune de ces sections accomplit son objectif didactique. En particulier, les chapitres traitant des présidents recèlent une mine d’informations qui seront des plus utiles aux étudiants de l’histoire de la politique étrangère américaine. Par ailleurs, les leçons que David tire de son analyse interpelleront très certainement tous ceux qui s’intéressent à la prise de décision en politique. On pense en particulier à ses conclusions sur l’importance du National Security Advisor pour le bon fonctionnement du système de « plaidoirie multiple » : un conseiller qui joue le rôle « d’honnête courtier » s’assurera que les diverses bureaucraties pourront transmettre leurs recommandations au président et qu’elles seront prises en considération, tandis que les conseillers qui ont directement pris parti dans les débats, tels Henri Kissinger et Condolleezza Rice, ont faussé le fonctionnement du National Security Council, menant aux décisions désastreuses d’envahir le Cambodge (Kissinger) et l’Irak (Rice). David aborde autant les bonnes que les mauvaises décisions des présidents américains. Concentrons-nous sur les secondes. Il s’agit de comprendre, on l’a dit plus haut, comment et pourquoi des erreurs ont été commises. En effet, David ne prétend pas seulement analyser, il veut aussi …