Recensions

The Politics of the Human, d’Anne Phillips, Cambridge (RU), Cambridge University Press, 2015, 157 p.[Notice]

  • Esther Bonin

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L’être humain est parfois réifié au point qu’on oublie qu’au-delà des symboles, il ne reste qu’une enveloppe corporelle. Au contraire, le corps évoque parfois l’humanité qui nous anime. Dans son livre The Politics of the Human, Anne Phillips, professeure de science politique à la London School of Economics, propose une analyse de l’égalité humaine comme « claim and commitment », refusant dès lors l’idée qu’un statut égalitaire puisse dépendre d’une essence commune devant être démontrée. Au contraire, l’être humain est un sujet politique : pour Phillips, « the human […] is about claiming our equality » (p. 9). Elle désire remettre en question la notion de l’humain comme dénominateur commun une fois tous les individus dénudés de leurs caractéristiques spécifiques (genre, race, sexualité, etc.). Le rejet de ces différences (et leur signification) au nom de cet idéal selon lequel « what matters is that we are all human beings » (p. 11) renforce les relations de pouvoir existantes. Dès lors, Phillips appelle à une politique de l’humain permettant d’affirmer notre égalité. The Politics of the Human est adapté d’une conférence donnée dans le cadre des Seeley Lectures à l’Université de Cambridge. Il en résulte un ouvrage court, accessible et captivant dont le style d’écriture est simple, qui abonde d’exemples et vulgarise aisément les oeuvres des auteurs cités. Au cours de l’Histoire, la notion d’humain a exclu, à travers un statut normatif, certains groupes d’individus : les femmes, les peuples aborigènes, les esclaves, etc. Pourtant, l’idée persiste encore aujourd’hui qu’il existe quelque chose d’inhérent à chaque individu qui constitue la base de ces droits et revendications. Pour Phillips, attribuer des caractéristiques substantielles à l’humain ne peut qu’être problématique, puisque ces dernières impliquent inévitablement la question de qui y correspond – et qui en est exclu. L’auteure rejette également le scénario contraire : dénuder l’humain de ses particularités, y compris celles corporelles, pour qu’il soit le plus abstrait et générique possible, pour qu’il devienne une personne sans contenu ni substance (p. 33). L’idée qu’il est possible de séparer notre nature profonde (« core self ») de nos caractéristiques contingentes (« contingent features ») représente ces dernières comme ayant une importance moindre. Or, Phillips remarque, nous sommes ces différences et ce sont elles qui, souvent, nous poussent à affirmer notre humanité. Représenter ces différences comme contingentes, dès lors, ignore les caractéristiques qui nous rendent humains et les raisons pour lesquelles nous revendiquons notre humanité. Prétendre que ces différences n’importent pas est un exercice d’imagination (p. 37) qui dissuade une analyse plus élaborée des pouvoirs différentiels qui suscitent la revendication d’une humanité commune. Pourquoi écarter notre sexe, notre sexualité, notre religion ou notre ethnicité pour être reconnu comme être humain ? Le droit d’être considéré comme égal ne devrait pas dépendre d’une capacité à prouver son appartenance à la catégorie humaine. Pour Phillips, reconnaître l’autre comme étant égal est une question politique et « the very act of claiming to be equal should be enough of a demonstration » (p. 44). L’égalité ne doit pas être justifiée ou prouvée. L’humanité qui nous lie repose plutôt sur une politique de l’égalité qui refuse d’accorder une importance hiérarchique aux différences. Phillips élabore sa politique de l’humain à travers l’étude de l’oeuvre de Richard Rorty et Hannah Arendt. Rorty réfute l’idée d’une nature humaine commune et propose une thèse de l’éducation sentimentale de la solidarité, c’est-à-dire l’évocation d’une humanité commune à travers des récits qui dévoilent la souffrance des autres et soulèvent ainsi les ressemblances de la condition humaine. Deux problèmes ressortent de l’analyse de Phillips sur la place accordée à l’égalité et la différence …