Recensions

Le principe démocratie. Enquête sur les nouvelles formes du politique, d’Albert Ogien et Sandra Laugier, Paris, La Découverte, 2014, 284 p.[Notice]

  • Stéphanie Boyer

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  • Stéphanie Boyer
    Étudiante à la maîtrise en sociologie, Université d’Ottawa
    Centre interdisciplinaire de recherche sur la citoyenneté et les minorités (CIRCEM)
    sboyer@uottawa.ca

Le Printemps arabe, le mouvement Occupy ou encore le Printemps érable constituent différents mouvements de protestation extra-institutionnelle qui représentent les symptômes de ce que le sociologue Albert Ogien et la philosophe féministe Sandra Laugier nomment le « principe démocratie ». Dans leur ouvrage théorique Le principe démocratie. Enquête sur les nouvelles formes du politique, les auteurs se penchent sur la question suivante : « Qu’est-ce que la forme de vie qui prend pour nom et principe démocratie ? » (p. 9) Leur démarche s’inscrit dans la continuité de leur précédent ouvrage Pourquoi désobéir en démocratie ? (aussi chez La Découverte, 2011). En effet, les rassemblements et les occupations constituent le prolongement des actes de désobéissance civile et représentent une toute nouvelle forme de vie politique qui dépasse largement le cadre d’un simple régime politique. En s’appuyant sur l’hypothèse selon laquelle « les formes nouvelles que prend l’activité politique […] traduisent l’évolution de la conception que les citoyens ordinaires se font de la démocratie et reflètent la transformation du rapport qu’ils entretiennent au politique » (p. 21), les auteurs bâtissent leur réflexion en cinq parties intitulées 1) Le monde change, les formes du politique aussi ; 2) Politique du pourquoi, politique du comment ; 3) Politiques de l’ordinaire ; 4) La liberté de faire ; et 5) Vouloir la démocratie. Dressant un vaste panorama des événements ayant marqué l’année 2011, Ogien et Laugier en arrivent à la conclusion qu’il s’agit d’un moment décisif de l’histoire de la démocratie universelle. De nombreux spécialistes se sont exprimés sur le sujet, mais peu d’entre eux se sont intéressés aux formes qu’ont prises ces mouvements de protestations et encore moins aux nombreuses similitudes qui les liaient les uns aux autres, et ce, malgré des contextes d’émergence fort différents. Cela tient au fait que, pour plusieurs, ces mouvements ne sont pas politiques en raison de l’absence de programmes ou de stratégies visant à remplacer le pouvoir établi. Ogien et Laugier estiment que ce refus de reconnaître la nature politique de ces mouvements tient au clivage habituellement opéré entre les « urnes » et la « rue ». Selon eux, comme chaque sphère d’action possède une logique qui lui est propre, il est contre-productif de les opposer l’une à l’autre. Si le vote constitue le « portrait » figé d’un état du politique, ce dernier continue de se déployer et de se transformer en marge des formes institutionnalisées. L’action des rassemblements et des occupations s’inscrit dans cette dynamique pleinement politique, mais est davantage liée aux changements de moeurs qui s’opèrent dans le temps long du changement social. Les auteurs proposent, en somme, de reconnaître cette « démocratie sauvage » pour ce qu’elle est ; une revendication vouée à ne jamais être satisfaite. Cette revendication porte le nom de « démocratie réelle » et s’articule autour des questions de droits sociaux et de politiques du citoyen (égalité), de libertés individuelles (dignité) et, finalement, de l’obligation de respecter les manières d’être et de vivre singulières (pluralisme). Ogien et Laugier suggèrent ainsi d’articuler cette « démocratie réelle » à la démocratie représentative en les concevant comme des pôles au centre desquels existe une ribambelle de formes hybrides. Le principe démocratie est en fait une « méthode » qui prône une conception du politique ouverte, pluraliste et dynamique. Dans un souci de clarté, ils distinguent les deux façons d’appréhender le terme « politique » : en se référant à la politique du pourquoi (déterminée par et pour l’exercice du pouvoir) et à la politique du comment (méthode pour respecter l’idéal de démocratie réelle). Dans leur ouvrage, ils se concentrent …