La question des femmes en politiqueArticles

Faut-il laisser notre sexe au vestiaire ?[Notice]

  • Diane Lamoureux et
  • Micheline De Sève

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La science politique a-t-elle un sexe ? Poser la question, c’est un peu y répondre. Car qui songe à y réfléchir sinon celles qui se sentent lésées par son sexisme ? Plusieurs raisons peuvent nous amener à en conclure au sexisme ; elles se résument cependant toutes dans celles-ci : en omettant de penser les rapports entre les sexes comme rapports de pouvoir, en occultant la dimension sexuée de ce dernier, la science politique est sexiste. Soit elle refuse de considérer les rapports de sexe comme rapports de pouvoir, les renvoyant à une infrapolitique qui sert de caution à un refus d’examen de la question ; soit elle refuse de considérer les femmes comme catégorie sociale d’analyse, les ravalant – au mieux – à un statut de variable ou d’exception à la règle masculine il va sans dire. Aussi banal que puisse être le constat, il est important de le rappeler puisque bon nombre de praticiens (et, hélas !, de praticiennes également) de la science politique refusent de l’admettre. La recherche des « coquilles » sexistes dans la plupart des manuels d’introduction à la discipline nous donnerait à elle seule un tableau de chasse bien garni. Nous ne prendrons qu’un seul exemple, le Traité de science politique, dont la première édition date de 1985. Dans le premier tome, il est encore question de suffrage universel lorsqu’on veut parler de la disparition du cens électoral, comme si seuls les hommes participaient de l’universel. Plus loin, dans le débat sur la scientificité et l’objet de la discipline, il n’est aucunement fait mention des critiques soulevées par les féministes, les seuls interlocuteurs ayant droit à la parole dans ce débat étant des hommes, à quelques exceptions près. Par ailleurs, dans le tome 3 on néglige complètement l’apport des études féministes dans les débats sur la participation politique et le relatif renouvellement de ce champ d’analyse sous l’influence de chercheures féministes. Nous n’avons pas le temps d’entrer dans les détails, mais cela illustre le relatif aveuglement de la science politique par rapport à son sexisme. Faut-il en déduire pour autant que la critique féministe est à l’origine d’une méthode féministe dans la discipline ? Pas encore, dirions-nous, et nous irions même jusqu’à penser : surtout pas ! Le féminisme nous semble un outil de critique sociale qui tire sa force du côté polymorphe de sa démarche. S’il opère par déconstruction, ce n’est pas pour substituer un nouveau savoir positif à celui en place. Le féminisme tire sa force d’une problématique, de sa volonté d’introduire partout un questionnement qui tienne compte de la réalité vécue par la moitié féminine de l’humanité. Mais cette moitié étant de facto aussi diversifiée que son pendant masculin, cela implique une réponse nécessairement non univoque aux questions posées. Il s’agit précisément d’en découdre avec le simplisme réducteur d’une définition de l’éternel féminin qui exclurait les femmes du terrain mouvant des affaires publiques. Nous voulons également attirer l’attention sur le fait que la politique du « diviser pour régner » fait fureur au plan de la déconsidération des courants critiques à l’intérieur de la discipline. Nous reviendrons sur ces questions à la fin du texte, mais d’ores et déjà, on peut dire que parler, actuellement, d’une approche féministe unifiée et systématisée en science politique relève, au mieux, du volontarisme et, au pire, de l’imposture. Cependant, entre le volontarisme et le banal, il y a place pour des critiques féministes de certains aspects de la science politique, sans que toutefois nous prétendions à l’exhaustivité en la matière. Les points que nous avons choisi d’examiner sont ceux qui correspondent à notre pratique …

Parties annexes