Recensions

Fascist Interactions. Proposals for a New Approach to Fascism and Its Era, 1919-1945, de David D. Roberts, New York et Oxford, Berghahn, 2016, 319 p.[Notice]

  • Michel-Philippe Robitaille

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L’histoire comparée des fascismes s’est consolidée comme champ d’étude entre les années 1970 et 1990. Un des fondements sur lesquels se sont construits les « fascist studies » est la distinction, théorisée par Juan Linz, entre les totalitarismes, desquels le fascisme serait un type, et les autoritarismes, qui toléreraient un « pluralisme limité ». Certains chercheurs, Emilio Gentile en tête, ont mis de l’avant l’idée de « religion politique » pour distinguer ces catégories. D’autres, comme Roger Griffin, ont remis en question l’idée que le fascisme serait intrinsèquement et ontologiquement totalitaire. La typologie de Linz a cependant inspiré la grande majorité des chercheurs, qui ont jusqu’à récemment considéré le fascisme comme un phénomène différent par nature des dictatures qui ont vu le jour entre les deux guerres mondiales, comme celles de Miklós Horthy en Hongrie, d’Engelbert Dollfuss en Autriche, de Ioánnis Metaxás en Grèce et de Francisco Franco en Espagne. Au cours des dernières années, plusieurs chercheurs se sont montrés insatisfaits face aux approches qui font une distinction hermétique entre autoritarisme et totalitarisme. Ces historiens notent que l’analyse du phénomène fasciste bénéficierait de la comparaison avec un plus large éventail de conceptions autoritaires de droite, et que les dictatures non fascistes ne peuvent être comprises sans référence à un processus de fascisation de la politique conservatrice dans les années 1920 et 1930. C’est dans ce contexte qu’est publié l’ouvrage de David D. Roberts, Fascist Interactions. Ce dernier apporte des éléments clés à la discussion théorique sur l’histoire du fascisme et de son époque, à partir d’une réflexion prenant en compte un éventail impressionnant d’écrits. La thèse de Roberts est que la recherche de la vraie nature du fascisme est contre-productive et qu’il est préférable de considérer celui-ci comme un objet disputé, à l’interne comme à l’externe, et dont le devenir fut incertain pendant toute la durée de son histoire. Pour rendre compte du caractère disputé et « open-ended » du fascisme, l’auteur propose de se concentrer sur les interactions à travers lesquelles les trajectoires du fascisme et d’autres phénomènes politiques de son époque se sont tracées. Roberts présente quatre types d’interactions pour démontrer la pertinence de son approche : l’interaction au sein de la droite à l’échelle nationale ; l’interaction à l’échelle internationale au sein de ce qu’il qualifie de nouvelle droite – et qui inclut le fascisme et les mouvements et régimes autoritaires ; l’interaction entre les fascistes et les démocraties libérales ; et l’interaction avec la gauche. À l’échelle nationale au sein de la droite, l’historien montre que la prise du pouvoir des fascistes à travers des alliances avec la droite conservatrice, l’absorption des uns par les autres ou la suppression d’un mouvement fasciste par un régime autoritaire, s’inscrit dans des stratégies concurrentes dont il est parfois difficile, voire impossible de distinguer les succès et les échecs. La droite monarchiste a-t-elle neutralisé le fascisme de Falange Española dans l’Espagne des années 1930 en adoptant une part de ses idées et de son discours ? Le parti de José Antonio Primo de Rivera a-t-il au contraire réussi à imposer ses idées en devenant une force incontournable à l’intérieur du camp nationaliste lors de la guerre civile au point de devenir l’un des fondements du parti unique du régime franquiste ? Il y a sans doute un peu de vrai dans chacune de ces propositions. Roberts prétend qu’il n’est pas possible de trancher sur de telles questions et que le plus éclairant reste d’observer et de contextualiser les stratégies adoptées par chacun des camps et chacun des acteurs qui les forment au sein de ces interactions. À l’échelle internationale, …