Recensions

L’ordre hiérarchique international, de Vincent Pouliot, Paris, Presses de Sciences Po, coll. « Relations internationales », 2017, 198 p.[Notice]

  • Erik Burgos

…plus d’informations

  • Erik Burgos
    Doctorant en science politique, Université du Québec à Montréal
    erjburgos@gmail.com

Avec la publication de L’ordre hiérarchique international, la collection « Relations internationales » des Presses de Sciences Po se dote une fois de plus d’un opus aussi passionnant qu’érudit, dont l’ambition pédagogique est de donner à voir les effets d’intelligibilité que la sociologie de Pierre Bourdieu permet de formuler sur la nature et les fondements de la hiérarchie mondiale. Nul autre que Vincent Pouliot ne pouvait, avec une telle clarté de vue et une limpidité remarquable, mettre à la disposition d’un public francophone une vision aussi schématique du mécanisme de production de la hiérarchisation des États à l’échelle internationale. Auteur d’un vaste corpus d’études sur la théorie des pratiques dans le champ des relations internationales et instigateur d’une entreprise féconde de raffinement de la pensée constructiviste au sein de cette même discipline, Pouliot se propose ici d’approcher la question hiérarchique à partir du point d’observation de ce qu’il nomme à plusieurs reprises « la salle des machines de la politique mondiale », c’est-à-dire les pratiques de la diplomatie multilatérale. Partant du constat de l’inégalité des rapports internationaux à la table des négociations multilatérales et d’un profond malaise vis-à-vis d’une lecture dominante essentiellement centrée sur les ressources matérielles des États, l’auteur engage dès les premières lignes de son ouvrage une discussion sur l’espace social international en axant son analyse autour des modes de stratification et de différentiation étatique au sein des organisations internationales. Selon lui, cette structuration hiérarchique serait à la fois relationnelle et dynamique : le rang positionnel et symbolique de chaque État n’existerait pas en soi, mais bien en comparaison de leur « compétence (diplomatique) pratique » sur le terrain, laquelle comparaison entraînerait des luttes de légitimation de rang et, donc, des rapports de force fluctuants, en constante évolution. Cette thèse est savamment défendue en quatre chapitres distinctifs portant chacun sur un type de structures sociales (les interactions situationnelles, les logiques relationnelles, la disposition des agents à incarner leur État et les stratégies positionnelles des capitales) qui contribuent, de l’avis de Pouliot, à forger les ordres hiérarchiques internationaux. La démonstration de cette proposition s’appuie plus particulièrement sur une étude de cas des pratiques diplomatiques déployées par les représentations permanentes auprès de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Le premier chapitre interroge les interactions inter-groupales comme pratiques constitutives de l’ordre hiérarchique. En exécutant quotidiennement leurs tâches professionnelles, les diplomates détachés contribuent à faire émerger « un monde doté de sens » (p. 37) dont les codes sociaux, sorte de règles du jeu, se doivent d’être maîtrisés afin qu’ils puissent parvenir habilement à leurs fins. Cette capacité pratique est de nature, selon l’auteur, à susciter une lutte incessante des agents diplomatiques pour la légitimation de leur compétence parmi leurs homologues. La distinction hiérarchique des rôles et des rangs découlerait donc de « jeux de coulisses » (p. 46) visant le plus souvent à dominer la salle de négociations à sa guise et à se montrer plus rusé que son adversaire. Ainsi, pour le diplomate en mission, il ne s’agit pas simplement de connaître les procédures, mais de bien connaître ses interlocuteurs et de maîtriser son sujet. L’ouvrage aborde dans un second temps la question des logiques relationnelles des professionnels exerçant dans les missions permanentes, structurés en « clique de la diplomatie multilatérale » (p. 61). Pouliot estime que la taille d’une représentation permanente, ses connexions avec le monde extérieur, la densité de ses liens et la présence en son sein d’une position distinctive sont les principales caractéristiques qui façonnent les logiques pratiques des diplomates en distribuant le champ des possibles. À l’ONU, …