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Cet ouvrage analyse les dynamiques historiques, culturelles, institutionnelles, juridiques, partisanes et électorales qui forgent la politique québécoise et canadienne contemporaine. Il s’agit de la seconde édition de l’ouvrage paru en 2014 et alors intitulé La politique québécoise et canadienne : une approche pluraliste. Cette nouvelle édition, en revendiquant toujours une approche pluraliste, a pour ambition, comme le souligne son nouveau sous-titre, de se recentrer sur les acteurs, les institutions et les sociétés qui constituent la fédération canadienne. Cette édition a été revue, actualisée et est désormais structurée autour de quatre grandes parties : 1) les traditions démocratiques et les cultures ; 2) les institutions ; 3) les partis politiques, les mouvements et les groupes ; 4) les politiques publiques.

Les directeurs du collectif, Alain-G. Gagnon et David Sanschagrin, revendiquent de contribuer aux études québécoises et canadiennes qui se sont, selon eux, trop souvent cantonnées « à une vision institutionnelle et constitutionnelle des problèmes politiques dans la fédération » (p. 1). Ils souhaitent refléter le pluralisme de ces études et mettre en avant une perspective plus comparée. S’il s’agit sans aucun doute d’un ouvrage de science politique, plusieurs approches y sont représentées, entre autres la pensée politique, la sociologie politique, la sociologie du droit, l’analyse des politiques publiques ou encore la sociologie électorale. Construit sous la forme d’un collectif puisqu’il regroupe des contributions de vingt-cinq auteur·rice·s, cet ouvrage est d’abord et avant tout un manuel. En effet, chaque chapitre est agrémenté de résumés, de points clés, de tableaux, et se clôture par une série de questions relatives aux notions présentées, par un glossaire et par des propositions de lectures complémentaires.

La première partie de l’ouvrage offre une perspective historique sur les courants de pensée et les idéologies qui ont formé le Canada. Le premier chapitre (Guy Laforest et Alain-G. Gagnon, p. 9-31) discute des principes qui fondent politiquement et normativement « l’édifice constitutionnel canadien » (p. 10), en soulignant les événements clés qui l’ont caractérisé depuis sa fondation, en portant une attention particulière au projet national québécois (p. 20-24). Le cinquième chapitre (Alain-G. Gagnon, p. 109-127), qui a à coeur d’identifier les cinq visages du Québec (à savoir les différents récits politiques et qualificatifs qui ont marqué son développement), peut d’ailleurs être lu dans le prolongement de cette discussion. Pour sa part, la deuxième contribution de cette partie (Yves Couture, p. 33-85) s’intéresse à l’histoire des idées politiques au Québec et au Canada anglais, en contrastant les différentes phases et écoles au sein de la pensée politique. Toujours selon une perspective ancrée dans l’histoire, les chapitres trois et quatre circonstancient des problématiques actuelles, notamment la place des Autochtones dans l’espace politique canadien (Nicolas Houde et Benjamin Pillet) et le concept d’identité à travers ses différents usages scientifiques et politiques.

La deuxième partie de l’ouvrage porte, de manière plus classique, sur les institutions et étudie l’évolution de l’État canadien et de ses relations avec les citoyens (chap. 6, Peter Graefe, p. 133-152), le fonctionnement du parlementarisme et des assemblées législatives, que ce soit à l’échelon fédéral ou provincial (chap. 7, Hubert Cauchon, p. 153-177), et la domination de la branche exécutive dans le régime politique canadien (chap. 8, Donald J. Savoie, p. 179-195). Le neuvième chapitre (Maude Benoit, p. 197-216) analyse l’administration publique au Québec et au Canada en caractérisant ses différentes périodes, son organisation et ses composantes, mais aussi certains débats contemporains tels que l’impératif de transparence ou l’exigence d’efficacité. Après les pouvoirs législatif et exécutif, c’est finalement le pouvoir judiciaire et ses instances qui sont analysés, avec un examen critique de la judiciarisation du politique au Québec (chap. 10, Louis-Philippe Lampron, p. 197-240). Cette partie institutionnelle se conclut avec une étude des relations intergouvernementales entre les niveaux fédéral et provincial (chap. 11, Xavier Dionne et Alain-G. Gagnon, p. 241-261), basée sur la littérature sur le fédéralisme canadien et contrastant ses ancrages théoriques et conceptions divergents – ce qui fait écho à des événements et des enjeux évoqués dans la première partie.

La troisième partie, qui est la plus longue avec près de 150 pages, porte sur les « sociétés » en interaction et en examine plusieurs ensembles. D’abord les partis politiques et les différents systèmes partisans qui se sont succédé (chap. 12, Xavier Lafrance, p. 267-301), à lire en lien avec le chapitre 17 qui détaille le fonctionnement des systèmes électoraux canadien et québécois (Allison Harell et Philippe Duguay, p. 395-411). Ensuite, les mouvements sociaux, avec un aperçu des cadres théoriques et des approches mobilisés pour les étudier (chap. 13, Francis Dupuis-Déri, p. 301-330), ainsi que des contributions plus spécifiques sur la place des femmes dans la démocratie (chap. 15, Geneviève Pagé, p. 353-374), mais aussi sur le rôle politique et social des syndicats au Québec (chap. 16, Pascale Dufour, p. 375-393). Finalement, le chapitre 14 porte sur le nationalisme, avec une perspective comparée, et identifie le Québec comme étant une « société globale » (Alain Dieckhoff, p. 331-351).

La quatrième partie, beaucoup plus brève, se concentre sur plusieurs « politiques publiques ayant contribué à transformer le Québec et le Canada de même que la dynamique Québec-Canada de façon appréciable au cours du dernier demi-siècle » (p. 415). Le chapitre 18 (Chevrier et Sanschagrin, p. 417-444) s’intéresse à la genèse de l’enjeu politique que constitue la langue au Canada, mais aussi aux effets et aux limites des politiques linguistiques. Pour sa part, le chapitre 19 (Alain Noël, p. 445-464) se penche sur les inégalités (de revenu, catégorielles, territoriales) et leur gestion par province. L’immigration et ses politiques sont également abordées, avec une contribution (chap. 20, Mireille Paquet, p. 445-481) qui présente les théories qui cherchent à comprendre les flux et les politiques migratoires, avant de s’intéresser plus en détail à celles en vigueur au Québec et au Canada. Finalement, au dernier chapitre, Justin Massie et Stéphane Roussel (p. 483-504) étudient « les principaux facteurs qui influencent l’orientation, l’élaboration et de l’exécution de la politique étrangère du Canada ».

De manière générale, cet ouvrage brosse un tableau très large des dynamiques, à la fois historiques mais aussi contemporaines, qui animent la politique canadienne et québécoise. Ce manuel se distingue par l’importante présence d’outils pédagogiques – que ce soient les points clés, les glossaires, les schémas ou les questions de réflexion – à destination des étudiant·e·s (en particulier du premier cycle) afin de faciliter l’apprentissage. De plus, cette seconde édition s’illustre par l’addition de nouveaux chapitres, qui mettent en avant une nouvelle génération de chercheur·e·s. Vouloir couvrir à la fois la politique québécoise et canadienne dans une perspective pluraliste est une entreprise d’envergure, comme en témoignent les 509 pages et les 21 chapitres de l’ouvrage. La limite inhérente à ce format tient dans l’énorme effort de condensation dont il faut faire preuve, qui est la fois nécessaire pour couvrir un champ aussi large mais qui pourra parfois sembler incomplet sur certains aspects à des lecteur·rice·s plus averti·e·s.

Au-delà de son aspect introductif à différents aspects de la politique québécoise et canadienne, le coeur de l’ouvrage tient dans la mise en avant continue des tensions qui caractérisent les rapports Québec-Canada. Il s’agit d’un choix revendiqué par les directeurs de l’ouvrage, qui font le pari de proposer également une approche historiographique francophone (en particulier dans la partie 1) et contrastant souvent le Québec avec le niveau fédéral ou le « Canada hors Québec ». Ce prisme colore l’ouvrage qui fait ainsi preuve d’un engagement appuyé et orienté dans le champ des études canadiennes. De cette manière, à un deuxième niveau de lecture, ce collectif participe à soutenir l’importance de ce clivage (dont certains interrogent la pérennité), au-delà des rapports politiques, dans la sphère universitaire et dans les sciences sociales, avec des divisions d’écoles et de chercheur·e·s qui traversent encore les études canadiennes et québécoises. En conclusion, La politique québécoise et canadienne : acteurs, institutions, sociétés, par son ampleur et sa focale, relève certainement le défi de mettre en avant la pluralité des approches et des sujets qui caractérisent les études québécoises et canadiennes.