Recensions

Histoire mondiale des féminismes, de Florence Rochefort, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 2018, 128 p.[Notice]

  • Thierry Dominici et
  • David Bertrand

…plus d’informations

« L’émancipation des femmes au XXe siècle est un événement majeur qui bouleverse toutes les sociétés, à plus ou moins grande échelle et sans continuité dans le temps et dans l’espace » (p. 3). C’est pourquoi la professeure d’histoire Florence Rochefort revendique l’intérêt d’une approche globale, « d’une vue à haute altitude […] d’élargir le point de vue dans l’espace » (p. 5). Si les différentes formes du féminisme peinent à unifier clairement une histoire mondiale ou globale (commune), il est évident pour l’auteure « [que ces féminismes] ont désormais une histoire, ou plutôt des histoires » (p. 3). Aussi souligne-t-elle combien les progrès de l’historiographie des féminismes en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient ou en Amérique du Sud imposent de mentionner et de croiser ces traditions riches mais encore peu connues, traversées par des « dynamiques transnationales et internationales » (p. 11). Son ambition principale est d’exposer comment la problématique de l’égalité des sexes née en Occident s’est enracinée précocement dans « des contextes non occidentaux, non pas comme une implantation exogène mais selon une appropriation et des ressorts spécifiques » (p. 6), et avec des rapports paradoxaux et ambigus avec la domination coloniale et la question des États postcoloniaux. C’est pour cela que Rochefort justifie dès la première page de l’introduction la mise au pluriel des « féminismes ». En effet, l’usage du singulier masque l’hétérogénéité révélée par « les débats internes autour des définitions, des objectifs et des moyens mis en oeuvre » (p. 3) par les mouvements, variables localement, mais également par la grande diversité des contextes dans lesquels ils s’incarnent, ce qui se traduit notamment par une diversité incompressible de courants et de groupes. Les féminismes sont définis comme « des combats en faveur des droits des femmes et de leurs libertés de penser et d’agir […] [ce qui implique] une critique de la subordination et de la domination des femmes, mais aussi des normes de genre » (p. 4). Ces combats ont pris selon l’auteure des formes mais aussi des contenus divers en fonction des contextes historiques et culturels, ce qui complique d’autant plus leur étude, étant donné que l’autodéfinition n’est pas un critère satisfaisant, que ce soit en vertu du paradoxe de l’identité féministe – le fameux « Je ne suis pas féministe, mais… » – ou du fait de l’appropriation de l’étiquette par des groupes aux velléités ambiguës. Pour autant, l’ouvrage ne prétend nullement à l’exhaustivité que ne permet pas le petit format. Il s’agit d’offrir aux lecteurs une « vision synthétique concernant un espace global sur une temporalité longue » (p. 12). L’ouvrage est découpé en trois chapitres, intitulés « Revendiquer l’égalité des sexes, affranchir les femmes » (1789-1859), « Le temps de l’internationalisation » (1860-1944) et « Pour l’égalité des sexes et la libération des femmes » (1945-2000). Le premier chapitre rappelle les prémisses des pensées féministes, à partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. L’auteure évoque Olympe de Gouges, qui questionne l’hypocrisie d’une philosophie des Lumières universaliste qui ne s’appliquerait qu’à une moitié de l’humanité, ou encore, favorable à l’éducation des femmes aisées en vue de les émanciper. En comparant les deux récits de vie, on peut observer combien ces deux femmes, par leurs discours et écrits, ont permis de « penser les femmes en tant qu’individus abstraits et comme une catégorie politique qui peut prétendre à l’égalité, et ce, contre les privilèges masculins » (p. 17). Elles seront porteuses toutes les deux d’une pensée et d’un message d’émancipation qui inspireront l’ensemble des mouvements féministes du XIXe siècle. Alors qu’on note en France l’influence des …