Recensions

Militer chez les Verts de Vanessa Jérome, Paris, Presses de Sciences Po, 2021, 304 p.[Notice]

  • Hugo Bouvard

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À l’heure où les succès électoraux des écologistes en France font l’objet d’une couverture médiatique soutenue, Vanessa Jérome nous invite dans cet ouvrage à prendre du recul vis-à-vis des jugements journalistiques et politiques qui abondent sur le Parti vert, renommé Europe-Écologie-Les Verts (EELV) depuis 2010. Cette attention médiatique et politique est en effet sans commune mesure avec la petitesse d’une organisation partisane composée de quelques centaines d’élu·es et de milliers d’adhérent·es, et caractérisée par un fort renouvellement de ses effectifs militants (jusqu’à un tiers d’une année sur l’autre). C’est à la compréhension de ces trajectoires d’engagement et de désengagement ainsi qu’aux pratiques concrètes des membres de ce parti que Militer chez les Verts est consacré. Pour cela, l’auteure s’appuie sur un matériau particulièrement diversifié. D’abord, une enquête ethnographique menée entre 2006 et 2012 au sein de l’organisation partisane, support d’une thèse de doctorat en science politique soutenue en 2014. Ensuite une seconde enquête, réalisée entre 2014 et 2016, auprès des Jeunes écologistes, l’organisation de jeunesse du parti. Enfin, des recherches ponctuelles réalisées jusqu’en 2019 sur les commissions internes à EELV. Au total, ce sont des archives et de la documentation produites par le parti, des observations ethnographiques répétées au sein des groupes locaux et un corpus d’entretiens biographiques approfondis portant sur une centaine de membres du parti qui sont mobilisés par Jérome dans cette somme couronnant une quinzaine d’années d’investigation. L’auteure propose une sociologie dispositionnaliste et interactionniste de l’engagement partisan et de la professionnalisation politique. Dispositionnaliste dans la mesure où le concept d’« habitus minoritaire » (p. 25) est central à la démonstration : fruit d’une sédimentation dynamique d’héritages familiaux et de socialisations diverses, il « dispose à l’empathie avec les minorités en lutte » (p. 28) et permet le retournement de certains stigmates (liés à l’identité verte) en fierté. Interactionniste, car la dimension processuelle du militantisme vert est soulignée tout au long de l’ouvrage à travers l’usage du concept de « carrière », ce qui se reflète dans l’organisation même du livre. Après un premier chapitre retraçant fort utilement les grandes lignes de l’histoire du parti, Jérome suit ainsi au fil des chapitres les militant·es vert·es, de leur entrée à EELV (chap. 2) à leurs premiers pas au sein du parti (chap. 3), de leur prise de responsabilités en interne (chap. 4) à leurs premières campagnes électorales en tant que candidat·es (chap. 5), et enfin de leur prise de rôle d’élu·e aux conditions de leur (non-)professionnalisation politique (chap. 6). Les deux derniers chapitres (7 et 8), qui portent sur les Jeunes écologistes, reproduisent en quelque sorte ce déroulement, et ne seront pas évoqués ici. « Comment devient-on adhérent du Parti vert ? » (p. 89) Pour répondre à cette question, le deuxième chapitre s’appuie sur une analyse localisée d’un groupe écologiste d’une ville de région parisienne, ce qui permet à l’auteure d’entrer dans le détail des déterminants de l’engagement partisan. À rebours d’une analyse fétichisant la « prise de carte », elle est attentive à l’étanchéité toute relative des frontières partisanes : l’adhésion vient ainsi souvent couronner un processus de « partisanisation » (p. 102) d’un engagement entamé dans la nébuleuse des associations qui gravitent autour d’EELV. Jérome confirme les acquis de la sociologie de l’engagement, notamment l’importance des réseaux d’interconnaissance, tout en les affinant : ainsi, la socialisation primaire catholique est matrice d’engagement écologiste surtout lorsqu’elle a été suivie d’une rupture vis-à-vis de l’institution ecclésiale. L’engagement chez les Verts constitue alors une « actualisation de dispositions à l’ascèse et/ou à la privation diversement acquises » (p. 119) et souvent héritées : une originalité de l’enquête réside dans la …