Dans le Prolongement de sa pensée

Note de rechercheLévi-Strauss et Lacan autour de l’art et de l’acte. Propositions[Notice]

  • Yvan Simonis

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En parlant de Lévi-Strauss pour évoquer l’art, l’acte, le sujet, l’inconscient et le langage, rien de moins, il faut craindre évidemment de réduire le structuralisme à une caricature pour ensuite le critiquer trop aisément. On ne peut aspirer à une opinion simple quand il s’agit de l’oeuvre magistrale de Lévi-Strauss en la soumettant à la seule critique de la psychanalyse. Ces deux approches du phénomène humain ne sont pas intégrables l’une par l’autre. Elles se croisent pourtant en quelques points sans vraiment se rencontrer. Je propose de situer les conceptions contrastées de Claude Lévi-Strauss et de Lacan à partir de l'art et des actes. Le structuralisme s'éloigne apparemment de l'acte, mais il suppose son fondement. La psychanalyse part de l’acte et cherche son art. Dans les deux cas, on ne pense pas de la même façon le sujet humain. L’exercice en annexe propose cependant un espace qui pourrait rester commun aux deux approches en les amenant à se rencontrer sur le terrain de la structure, de la logique et de son calcul. Je cherche un espace de discussions possibles, au-delà des divergences évidentes. Il ne s’agit pas ici de critiquer le structuralisme au nom de la psychanalyse, ni le contraire, mais de se faire une opinion sur le statut de l’acte, et donc du sujet, dans les deux cas. Lévi-Strauss a fréquemment hésité et s’est bien rendu compte que les actes, l’intervention humaine, produisent ce qui s’offre à l’examen de l’anthropologie structurale (organisation sociale, parenté, rituels, mythes, techniques, etc.) mais il pensait que cette production garde la trace de ce qui échappe à la conscience de ses auteurs, à un niveau qui relie toutes les oeuvres entre elles. En s’inspirant directement des travaux de Roman Jakobson et de Ferdinand de Saussure, Lévi-Strauss avance que toute production sociale est marquée par l’organisation symbolique propre aux langues humaines. Le langage implique, nous disent ces linguistes, une articulation inconsciente de phonèmes qui se différencient par des traits distinctifs en formant entre eux un système nécessaire aux possibilités mêmes de parler et d’agir avec sens, dont nous ne sommes en rien les auteurs. Lévi-Strauss part de l’hypothèse que toutes les productions humaines sont porteuses elles aussi d’un niveau d’articulation systématique qui leur échappe en restant inconscient. Retrouver les traces du travail de cette articulation inconsciente dans toutes les productions humaines devient le centre des préoccupations du structuralisme. Lévi-Strauss passe ainsi de la parenté aux rituels, aux mythes puis à la musique en s’éloignant de plus en plus de l’acte pour en souligner les conditions et la dépendance. Les mythes explorent avec brio la nature, le corps, les événements, les règles sociales, les sentiments, les discours, le bien et le mal, bref tout ce qui est humain ou naturel, et leur font jouer un rôle signifiant sous la forme des nombreux codages actifs dans la construction de leurs récits. Le structuraliste agit ici comme un acteur qui lit la logique impliquée par le travail des mythes qui se pensent à travers lui. L’enracinement historique, politique, économique, philosophique ou encore culturel, local, familial, que sais-je, de ces mythes, n’apparaît pertinent que comme accident déclencheur du travail interne à la logique des mythes. La réflexion des mythes, telle que la perçoit Lévi-Strauss, dit en clair par un détour paradoxal le secret espoir de révéler la trame de la logique qui soutient et définit, autant le réel que l’imaginaire. Paradoxal parce que l’imaginaire des mythes que l’on pourrait croire délirant s’avère réglé plus que toute oeuvre humaine par le travail constant d’une logique des différences qui déploie, au-delà de l’imaginaire mythique, la prodigieuse diversité des codes dans lesquels …

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