Réflexion sur le droit et les autochtones

La disparition des Montagnais et la négation des droits aborigènes ?Réaction au commentaire de Paul Charest[Notice]

  • Nelson-Martin Dawson

L’anthropologue Paul Charest signait récemment un compte rendu de Feu, fourrures, fléaux et foi foudroyèrent les Montagnais (Dawson : 2005). Inscrit dans la catégorie « Commentaires critiques », le texte du réputé amérindianiste provoque quelques étonnements. Le premier est de constater qu’il paraît six ans après la publication de l’ouvrage qu’il recense. Quel intérêt de signaler l’existence d’un livre « aussi vieux », quand on sait que certaines maisons d’édition n’hésitent pas à pilonner des livres parus cinq ans plus tôt ? La NDLR publiée sous le titre tente bien de légitimer ce long délai, mais quand on sait lire entre les lignes… le justificatif scientifique voile bien mal des considérations d’un autre ordre. Le second porte sur sa longueur qui défie les normes de R.A.Q. pour les notes critiques : de 3000 à 3200 mots, lit-on sur le site de la revue. Or, le pavé de ce professeur retraité qui a formé plus d’une génération d’anthropologues compte 16 pages, soit pas moins de 7500 mots, si on fait abstraction de la volumineuse bibliographie qui sert surtout à bien marquer la différence entre l’érudit chercheur et sa cible « peu ou pas connu » (p. 81). Mais l’étonnement est à son comble lorsqu’on réalise qu’une partie de la critique de cette sommité en indianité porte non seulement sur l’ouvrage de 2005 mais aussi sur Fourrures et forêts métissèrent les Montagnais, qui n’est sorti qu’après la publication de cet articulet. N’a-t-on pas appuyé un peu trop vite sur la gâchette ? Pour le professeur Charest comme pour d’autres qui ont fait carrière universitaire, sont d’emblée suspects tous travaux de chercheurs autonomes sur le seul fait que leurs auteurs sont effectivement autonomes, sauf lorsqu’ils corroborent leurs brillantes thèses. Pourtant, comme l’a remarquablement démontré Andrée Lajoie, professeure à l’Université de Montréal, dans son ouvrage intitulé Vive la recherche libre ! rien n’est moins libre aujourd’hui que la recherche universitaire, soumise depuis une trentaine d’années aux contraintes des organismes subventionnaires. Qu’elles soient ciblées ou concertées, ces recherches sont de plus en plus guidées dans leur thématique et asservies aux priorités des autorités politiques. Qui est alors le plus libre ? Le travailleur autonome qui choisit ses clients et ses mandats ou l’universitaire qui, embrigadé par la tendance utilitariste cultivée par les organismes subventionnaires, tente par toutes les ruses de la prose de concocter un projet qui saura plaire aux pairs tout en respectant les paramètres des concours (équipe, réseau, ciblage, multidisciplinarité, méthode prisée, recherche appliquée) ? Comme le cheminement de toute carrière universitaire est directement lié à la somme des subventions décrochées, la réponse ne laisse aucun doute. L’autre critique récurrente porte sur ma méthodologie. Monsieur le professeur Charest ne saisit pas que la « lecture attentive des sources » est la première qualité de l’historien et il me reproche d’en faire la trop simple base de ma pratique historienne. Ce déni semble trahir le peu de respect qu’il accorde aux sources. Attitude qui, dans certains des textes publiés au cours de sa mémorable et glorieuse carrière, le conduit à soutenir, par exemple, que les Montagnais, malgré une diminution démographique marquée de l’ordre de 70 à 95 %, avaient été peu affectés dans leur organisation sociale et avaient réussi « à contrôler leur territoire, leur immigration et leur citoyenneté » (Charest 2001 : 47-48). S’il avait pris le temps de comprendre les témoignages des jésuites, plutôt que de les persifler en les qualifiant de « biaisés par des préjugés et des incompréhensions » (p. 90), de les balayer du revers de la main et de s’en désintéresser sous prétexte qu’ils sont …

Parties annexes