Comptes rendus

Éticas Indígenas de los Andes y de Quebec. Aportes a filosofías interculturales en las Américas, Nicolas Beauclair. Abya-Yala, Quito, 2016, 205 p.[Notice]

  • Marie-Ève Drouin-Gagné

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  • Marie-Ève Drouin-Gagné
    Candidate au doctorat, Département de sociologie et d’anthropologie, Université Concordia, Montréal

Cet ouvrage s’inscrit dans une démarche philosophique interculturelle et comparative cherchant à établir un dialogue avec les traditions éthiques autochtones de deux régions des Amériques (l’est de l’Amérique du Nord, représenté par le Québec, et les Andes, représentées par le Pérou) pour en comprendre les fondements théoriques et pratiques, et leurs principes fondateurs. L’auteur situe la pertinence de ce travail par rapport aux défis que pose la mondialisation, particulièrement en termes d’échanges interculturels, du pluralisme grandissant de nos sociétés et des relations établies entre différentes cultures et avec notre environnement. Le livre se pose en réponse aux idées d’éthiques et de principes planétaires qui accompagnent la mondialisation, en notant que de telles idées s’inscrivent par définition dans la géopolitique du savoir, en continuité avec l’entreprise coloniale de la modernité occidentale. De ce fait, les traditions éthiques des nations et régions colonisées par l’Occident, dont les nations autochtones des Amériques, se trouvent exclues des considérations d’une éthique mondiale. Afin d’éviter de perpétuer les relations coloniales, il importe donc de ramener au centre de la discussion les considérations éthiques venant de ces traditions, ce que l’auteur cherche à faire ici. L’approche théorique qui sous-tend le livre est ainsi clairement identifiée dans le paradigme interculturel latino-américain de la décolonialité (Quijano 2004 ; Walsh 2002), tout en y intégrant des éléments propres à la philosophie interculturelle et à la littérature comparée. Par exemple, un concept central à l’analyse des textes autochtones abordés ici est celui d’éthicologie, tel que développé par Pierre Fortin (1995). C’est donc sur la base d’une grille de lecture en quatre temps, propre à ce concept d’éthicologie, que Nicolas Beauclair réalise une analyse détaillée de textes écrits au début de l’époque coloniale (xviie siècle) qui ont pour origine des traditions orales autochtones andines et nord-américaines. Dans le contexte andin, c’est l’analyse d’extraits du Manuscrit de Huarochiri (dont l’écriture est anonyme, et la date estimée à 1608), ainsi que de la chronique de Joan Santa Cruz Pachakuti Yampqui Salcamaygua (dont la rédaction est estimée à 1613), qui est présentée. Les deux textes faisant partie de deux traditions andines différentes (un manuscrit quechua décrivant les traditions huarochiries pré-incas, et une chronique en espagnol écrite par un Aymara et décrivant des traditions à la fois aymaras et incas), l’analyse comparative du discours met en lumière le principe de réciprocité qui se retrouve au coeur des deux récits. L’auteur en déduit que la réciprocité est aux fondements d’une éthique andine, sous-tendant les relations complexes établies entre les diverses entités du cosmos (p. 119). Dans le contexte nord-américain, ce sont les traditions orales innues et wendates qui sont présentées, à travers les Relations des Jésuites de Paul Lejeune (1634) et de Jean de Brébeuf (1636). Encore une fois, deux traditions autochtones différentes, et leur analyse discursive comparée, permettent d’identifier un principe commun, soit celui de respect, qui se trouve au coeur des relations établies entre tous les êtres d’un même territoire (p. 178). Ce principe est donc identifié comme le fondement d’une éthique autochtone nord-américaine. Finalement, en comparant les deux contextes, et la façon dont leurs éthiques respectives sont ancrées dans un souci d’entretenir les dynamiques relationnelles entre tous les êtres/entités d’un même territoire ou même du cosmos, l’auteur en déduit que les peuples autochtones des Andes et de l’est de l’Amérique du Nord partagent une conception de l’éthique qu’il nomme « cosmo-éthique ». Celle-ci correspond à une « façon plus globale de comprendre l’éthique, incluant les éléments non humains de l’univers » (traduction libre) [p. 193]. L’auteur entend par « cosmo-éthique » des principes éthiques qui orientent non seulement les relations qu’entretiennent les …

Parties annexes