Colloque international

« Luttes autochtones pour le territoire : Amérique latine et Québec », Université du Québec à Montréal, 12-13 octobre 2017[Notice]

  • Pierre Beaucage et
  • Colin Scott

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  • Pierre Beaucage
    Département d’anthropologie, Université de Montréal

  • Colin Scott
    Département d’anthropologie, Université McGill

Le 12 octobre dernier, soit cinq cent vingt-cinq ans, jour pour jour, après l’arrivée à l’île de Guanahani, dans les Antilles, des trois navires commandés par Christophe Colomb, s’ouvrait à Montréal un colloque international dont le but premier était de donner la parole à des autochtones provenant de divers point du continent au sujet des luttes actuelles qu’ils mènent contre la destruction de leurs territoires ancestraux par des compagnies minières, majoritairement canadiennes, et des entreprises hydroélectriques ou d’exploitation d’hydrocarbures. En effet, l’entreprise coloniale persiste, même si elle a changé de visage. Présentement, c’est la soif de matières premières qui pousse les entreprises transnationales à exploiter ces territoires, grâce de nouvelles techniques d’extraction (mines à ciel ouvert, fracturation hydraulique) particulièrement destructrices et qui mettent en cause la survie même des peuples autochtones des Amériques et d’ailleurs. Sans un territoire où préserver et développer leur mode de vie, c’est la disparition à court terme qui les guette. Cependant, les Premières Nations ont résisté et résistent encore aux formes brutales ou subtiles de la domination coloniale. Et elles savent de mieux en mieux utiliser les instruments légaux et politiques à leur disposition pour faire valoir leurs droits, dans les différents pays qui constituent les Amériques. Face à la mondialisation de l’offensive contre leurs territoires, les autochtones perçoivent également la nécessité d’internationaliser leurs expériences de luttes, ce à quoi voulait précisément contribuer le récent colloque de Montréal. Comme le rappellera Réal McKenzie, ancien chef du peuple innu de Schefferville, tel était le sens de la participation de leaders innus, dont Jean-Charles Piétacho, chef du conseil d’Ekuanitshit, au blocage de l’oléoduc de TransCanada par les Lakotas à Standing Rock, l’hiver dernier. Comme il est impossible de résumer en quelques pages ces deux journées de présentations, nous nous en tiendrons aux points qui nous sont apparus comme les plus marquants dans les apports des quatorze conférenciers autochtones. Ces apports mettent en lumière trois des axes principaux de leurs luttes contemporaines : la contestation juridique, la pression politique et l’action directe. Ces trois axes s’enracinent dans les rapports qui unissent les autochtones à la communauté et au territoire, et que l’on rend diversement par les expressions « ontologie politique » ou « cosmopolitique ». Ainsi, Pedro Nola Flores a souligné comment le respect pour la cosmovision des Ngäbe-Buglés (Panama) est indissociable de la question de la souveraineté et de l’autonomie. De façon complémentaire, Miguel Melín et Pablo Mansilla Quiñones ont montré brillamment comment le territoire mapuche du sud du Chili possède une riche texture de vie, d’histoire et d’identité. Miriam Bautista Ramírez, de la Sierra Nororiental de Puebla (Mexique), a déclaré : « La Terre n’est pas une marchandise, c’est notre mère. » Ces modes de vie qui se fondent sur le territoire ne peuvent être réduits à des rapports marchands, pas plus que le « bien-vivre » (buen vivir) ne peut être réduit au Produit intérieur brut (PIB). Sergio Campusano, de la communauté diaguita du nord du Chili, a exposé de façon éloquente les soins qu’on doit apporter au terroir et au territoire et la responsabilité des humains face à leurs parents autres qu’humains, que sont la flore et la faune. Pour sa part, Manari Ushigua a présenté la compréhension qu’ont les Sáparas (Amazonie équatorienne) d’un monde vivant imprégné d’esprit : « Nous ne sommes pas des pauvres ! » a-t-il déclaré. Cette responsabilité des humains à maintenir des rapports équilibrés avec ces autres communautés d’êtres qui peuplent le territoire a comme corollaire le chaos qu’entraîne la rupture de ces liens : déplacement, appauvrissement, pollution de l’environnement. L’autonomie des territoires autochtones est donc un …

Parties annexes