Comptes rendus

Résistances culturelles et revendications territoriales des peuples autochtones, Karen Hoffmann-Schickel et Éric Navet (dir.). Actes de la journée d’étude de l’Université de Strasbourg, Connaissances et Savoirs, Paris, 2015, 398 p.[Notice]

  • Marie-Dominik Langlois

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  • Marie-Dominik Langlois
    Doctorante en sociologie, Université d’Ottawa

Si le recueil présente, certes, des études de cas portant sur des peuples autochtones, il demeure cependant éloigné de qu’il est convenu de nommer en Amérique du Nord les « études autochtones », et encore plus du champ des études autochtones critiques. Ainsi, pour les personnes qui s’intéressent à des thèmes comme la décolonisation de la recherche (voir Smith 2013 [1999]), les féminismes autochtones ou les méthodes de recherche en contextes autochtones, ou encore à des analyses produites par des Autochtones, cet ouvrage n’est pas une lecture indiquée. En revanche, le livre s’offre bien comme première introduction à certains thèmes relatifs aux peuples autochtones. Il s’adresse particulièrement à un public européen et présente différentes études de cas où des peuples autochtones ont usé de stratégies souvent innovatrices face à des changements affectant leur rapport au territoire et leurs pratiques culturelles. L’ouvrage couvre l’ensemble des continents où vivent des peuples autochtones. On y aborde l’Amérique latine, en commençant par la Mésoamérique et les Mayas au Guatemala (José Morales Gramajo). L’Amérique du Sud est présente dans une plus grande proportion, et c’est sur l’Amazonie que les travaux se concentrent : les Mundurukus au Brésil (Maria Soeli Farias-Lemoine), les Tekos et les Wayãpis en Guyane (Vincent Brailly et Éric Navet), ainsi que les Awajúns au Pérou (Sébastien Baud). Par contre, les peuples autochtones d’Amérique du Nord sont absents du recueil. L’ouvrage couvre également l’Océanie par le truchement du peuple kanak en Nouvelle-Calédonie (Stéphanie Graff). Quant à l’Europe, il est question des Saamis en Norvège (Karen Hoffmann-Schickel) et des Sakhas en Russie (Émilie Maj). On peut toutefois s’étonner de retrouver dans le recueil certaines populations qui ne sont pas typiquement considérées en tant que peuples autochtones, par exemple les communautés serbes de la vallée de la Tisz (Benjamin Landais), les Gourmantchés (ou Gulmanceba) au Burkina Faso (Alexis Kaboré) et les Jawis en Thaïlande du Sud (Pierre Le Roux). Il aurait été bienvenu d’avoir davantage d’explications pour justifier leur présence dans cet ouvrage collectif consacré aux peuples autochtones. Dans la préface, Hoffmann-Schickel et Navet ont plutôt choisi de réunir les catégories de peuples autochtones et de minorités ethniques en une seule, soit celle des « peuples traditionnels » compris comme des « sociétés qui visent, à tous les niveaux de leur culture, à entretenir un triple équilibre » (p. 11) dans leurs relations sur le plan 1) écologique et spirituel, 2) humain (avec les membres du groupe et avec d’autres groupes) et 3) individuel. Autant il peut être dangereux d’étendre la catégorie de « peuples autochtones » à des populations qui ne s’en revendiquent pas, il peut être également hasardeux de rassembler des groupes aussi différents que ceux à l’étude dans l’ouvrage sous l’appellation de « peuples traditionnels », vu les effets essentialisant qu’une telle catégorisation pourrait comporter et le risque de gommer ou d’évacuer les considérations politiques des expériences des peuples autochtones. Guimond, Robitaille et Sénécal (2009 : 241) rappellent que l’autochtonie est dynamique et comporte plusieurs dimensions subjectives qui occupent une place croissante. La dimension subjective se réfère à l’idée qu’un peuple se fait de lui-même, à l’appartenance d’un individu à un groupe, à la reconnaissance de ce groupe, ainsi qu’à l’auto-identification autochtone. Dans le contexte actuel où la décolonisation de la recherche s’impose de plus en plus dans le champ des études autochtones pour renverser les écueils de l’anthropologie (post)coloniale, il est de moins en moins recommandable d’apposer verticalement (top-down) une catégorie de « peuples autochtones » à des groupes, sans que ces groupes affichent eux-mêmes une appartenance à l’autochtonie. Dans le même sens, on s’étonne de voir des appellations …

Parties annexes