Résumés
Résumé
Les organismes administratifs ont été constitués pour être différents des cours de justice. Les cours doivent donc éviter d’imposer aux organismes administratifs leur mode de fonctionnement, mais respecter l’autonomie et l’expertise des organismes.
En l’absence en droit fédéral comme en droit québécois de législation sur la procédure et la preuve administrative, la jurisprudence a élaboré un important corpus de règles de procédure et de preuve inspiré des principes de justice fondamentale.
En matière de procédure, les cours d’appel ont énoncé la règle de l’autonomie de la procédure administrative par rapport à la procédure judiciaire : les organismes sont maîtres de leur procédure sous réserve des principes de justice fondamentale. L’application de cette règle d’or doit cependant se faire de façon modulée, en tenant compte de la nature des pouvoirs exercés, de l’existence ou non d’un lis inter partes et de degré de judiciarisation envisagé par le législateur.
Lorsque la loi impose la tenue d’une audience publique, celle-ci devra être précédée d’un préavis dont le degré de précision varie suivant les circonstances. Le droit de faire valoir ses moyens inclut celui de contredire la preuve, mais pas nécessairement celui de contre-interroger.
L’autonomie de la procédure administrative se manifeste aussi au stade du délibéré.
En certaines circonstances, la jurisprudence accepte que des décideurs se fassent aider de conseillers juridiques aux fins de la mise en forme juridique de leur opinion ou de la compréhension d’un dossier, mais aucune théorie cohérente de la décision institutionnelle n’a encore été élaborée en droit canadien.
Les cours d’appel ont également reconnu l’autonomie des organismes administratifs au plan des règles de preuve. Les règles techniques de preuve appliquées au Canada par les cours sont le produit du système de procès par jury. Rien ne justifie de les imposer aux organismes administratifs; ceux-ci doivent cependant fonder leurs décisions quasi-judiciaires sur la preuve soumise à l’audience et non sur des informations obtenues à l’insu des parties.
La jurisprudence canadienne n’a pas non plus élaboré une théorie cohérente de la connaissance d’office (official notice) et aurait peut-être intérêt à s’inspirer de l’expérience américaine. Tout au plus peut-on suggérer que les cours d’appel sont en cette matière relativement tolérante à l’égard des agences de régulation.
L’auteur évoque finalement les inconvénients et avantages de la codification des règles jurisprudentielles de procédure et de preuve administrative. Le droit administratif canadien et québécois n’a peut-être pas encore atteint un degré suffisant de développement et de maturité pour supporter d’être codifié.
Abstract
Administrative organisms were meant to be different than judicial tribunals. Thus, courts must avoid imposing their own modus operandi: rather, they should respect the autonomy and expertise of such organisms.
In the absence of federal or Québec legislation specifically concerning administrative procedure and evidence, the courts have elaborated a body of procedural and evidentiary rules based on principles of fundamental justice.
For questions of procedure, appellate courts have certified the autonomy of administrative organisms vis-à-vis judicial rules. Such organisms are masters of their own procedure, as long as principles of fundamental justice are respected. The application of this basic rule is tempered in several cases, depending on the nature of the organism's powers, the existence of a lis inter partes, and the degree of court-like formalities provided for by the enabling statute. Thus, when a statute requires a public hearing, advance notice (of varying degrees of detail, depending on the case) must be given. The right to present one's case includes that of contradicting one's adversary, but does not necessarily include the right of cross-examination.
The autonomy of the administrative organism is also apparent once its "case" is under advisement. In certain circumstances, courts permit decision-makers to obtain legal counsel concerning the form of their decision or their understanding of a dossier. No coherent theory of institutional decision has, however, been elaborated in Canadian law.
Appeal courts have also recognized administrative autonomy in evidentiary matters. The technical rules of evidence applied by Canadian courts are the product of a jury system, and nothing justifies their transfer to the administrative level. Nonetheless, administrative decisions must be based on evidence produced at the hearing, and not on privately obtained facts. Canadian courts have not elaborated a coherent theory of judicial notice, and might be well advised to emulate the American experience. At the very least, appellate courts might be more tolerant of such notice taken by regularoty agencies.
The author discusses, in conclusion, the advantages and drawbacks of a codification of the case-law rules of administrative procedure and evidence. He concludes that Canadian and Québec case-law have perhaps not yet reached a degree of maturity sufficient to enable such codification.
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