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Principes d’économie solidaire, Eric Dacheux et Daniel Goujon. Ellipses, septembre 2011[Notice]

  • David Hiez

Eric Dacheux, professeur en communication, et Daniel Goujon, maître de conférences en économie, ont donné un nouveau fruit de leur collaboration scientifique, déjà ancienne de plus de dix ans. Forts de leur attachement à l’économie solidaire, ils nous en ont proposé les Principes. Formellement, ce livre comporte 220 pages de texte, auxquels s’adjoignent un répertoire des initiatives solidaires citées, un glossaire et une bibliographie sélective. Le répertoire est utile pour quelques informations de base, quoiqu’il ne fournisse pas la chair des expériences, ce qui d’ailleurs n’est pas son rôle. Le glossaire a pour nous un statut ambigu : extrêmement utile pour un lecteur non averti, qui peut au fil de sa lecture trouver aisément des points de repère pour la compréhension des termes employés qui ne lui seraient pas familiers, il présente l’inconvénient d’osciller entre la définition didactique du dictionnaire et l’expression de l’analyse des auteurs. En ce sens, il risque toujours d’être une redite des développements du texte proprement dit. On sera beaucoup plus enthousiaste sur la bibliographie sélective, qui oriente vers quelques lectures complémentaires choisies. Le cheminement des auteurs est celui-ci : tout d’abord, définir l’économie solidaire ; ensuite, démontrer qu’elle peut constituer une réponse à la crise démocratique ; enfin, mettre en évidence la faiblesse de sa reconnaissance internationale. Le coeur du propos n’est toutefois pas mis en lumière par l’intitulé de ces trois parties. En s’appuyant sur un détour par une redéfinition de l’économie pour échapper aux modes de pensée propres au courant dominant, orthodoxe, les auteurs insistent sur les deux visages de l’économie solidaire : tiers secteur, fondé sur des principes et des mécanismes hétérodoxes, ou modèle alternatif, porteur d’une volonté de remise en cause du système capitaliste. C’est à partir de là que le coeur du message peut se développer. Certes, il s’agit de montrer que l’économie solidaire est porteuse d’une réponse à la faillite démocratique, mais cette faillite n’est pas celle de l’abstention électorale ou de toute autre manifestation strictement politique. Dès lors que l’économie n’est pas définie comme la lutte contre la rareté, mais par référence à la monnaie et donc à la répartition des richesses, l’opposition traditionnelle entre économie et politique se déplace et bon nombre de questions ne relèvent plus de discussions techniques ou de négociations sur le marché, mais de débats démocratiques. La crise démocratique ici visée est ainsi beaucoup plus profonde que celle que l’on évoque habituellement. Pour les auteurs, la société se fonde sur l’imbrication de trois dimensions : politique, économique et symbolique. Or la société démocratique se caractérise par un double trait : d’une part, le surgissement d’un espace public ; d’autre part, une nouvelle façon de réguler les conflits entre les trois éléments constituant la société. Dès lors, les apports de l’économie solidaire à la crise démocratique doivent s’apprécier sous ces trois aspects. Sur le plan politique, l’économie solidaire fait émerger dans la sphère publique, par militantisme, de nouveaux besoins, mais aussi des pratiques alternatives au capitalisme qui renouvellent le débat politique, en même temps qu’elle vivifie la politique publique locale. Sur le plan symbolique, l’économie solidaire fournit une nouvelle utopie, qui a pour particularité d’être une utopie en acte, c’est-à-dire qu’elle n’est pas seulement la proposition d’un autre monde (ce qu’elle assume), mais qu’elle prétend essayer de construire dès à présent des éléments de cet autre monde. Sur le plan économique, l’économie solidaire se situe en alternative au libéralisme et au keynésianisme et fournit au moins pour partie d’autres modèles dans l’organisation de la production ou de la distribution de richesses. Dans tous ces aspects, l’accent est mis sur la délibération à laquelle …