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Une théorie pour l’économie sociale et solidaire ?[Notice]

  • Jérôme Blanc

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David Hiez et Eric Lavillunière ont dirigé la publication d’un livre dont le titre, Vers une théorie de l’économie sociale et solidaire , d’emblée, attire et interpelle. Il doit en effet être question d’une théorie de l’économie sociale et solidaire (ESS), horizon vers lequel l’ouvrage permettrait d’avancer. Il va de soi que cette ambition impose autre chose que de simples actes de colloque. De fait, ce livre se présente comme un travail ne se réduisant pas à des actes, même si les textes proviennent de deux événements organisés en 2010 par le Réseau interuniversitaire de l’économie sociale et solidaire (Riuess) : d’une part, une double journée d’étude autour d’une réflexion très orientée et intensive sur la question théorique (Marne-la-Vallée, 4-5 février 2010 ) ; d’autre part, le colloque annuel du Riuess (Luxembourg, 2-4 juin 2010 ), dont l’appel avait été centré sur la même problématique. La première partie vise à « la définition de [la] structure interne » d’une théorie nouvelle de l’ESS (p. 9), produisant des « ébauches d’une théorie de l’économie sociale et solidaire » (c’est le titre de la partie), pour l’essentiel au moyen de contributions aux journées de février 2010 ; la seconde partie, quant à elle, a pour objectif « l’élucidation de [la] place [de l’ESS] vis-à-vis de l’extérieur » (p. 9) et s’alimente surtout de textes présentés lors du colloque annuel. Deux textes dans chacune des deux parties produisent une interpénétration de ces deux manifestations scientifiques (Dacheux-Goujon et Gardin dans la partie de l’élucidation interne, Ricard Lanata et Corcuff dans la partie de l’articulation externe) . Ce texte ne cherche pas à porter la critique aux codirecteurs du livre quant aux insuffisances d’une théorie de l’ESS, qu’il ne vise de toute façon pas à produire . Il s’agit de discuter la pertinence et les conditions de possibilité d’une telle théorie, en partant de ce qu’apportent et laissent voir les textes du livre. Pour cela, je n’entreprendrai pas ici un examen exhaustif de ces textes (leur variété rend l’exercice difficile pour le rédacteur, qui devrait se contenter de délivrer ce que l’on voit déjà dans la table des matières), mais je centrerai ma réflexion sur l’ambition première du livre en tant que totalité : cette ambition est-elle réalisée ? Est-elle réalisable ? Est-elle même souhaitable ? Repartons pour cela des termes du titre, car ils sont essentiels. Il y aurait un objet, l’ESS, qui pourrait donner lieu à une théorie (au moins) ; théorie qui n’existerait pas encore, mais à laquelle on pourrait et il faudrait tendre. Théoriser un objet peut requérir une première étape de mise à jour de la variété de ses formes et de la diversité des conceptions existantes. A ce titre, la confrontation des approches développées dans l’ouvrage est assez passionnante et le panorama qui en ressort est d’une grande variété. Mais alors, comment cheminer vers une approche théorique unifiée ? Un point essentiel devrait être la reconnaissance d’une histoire et de prédécesseurs communs. Or, un examen comparatif des auteurs mobilisés dans les chapitres du livre permet de comprendre assez vite combien ces fondements sont divers : si à première vue, et sans surprise, l’économie sociale et solidaire apparaît plonger ses racines dans des expériences et des pensées déployées au fil du xixe siècle, les références ultimes de chacun ne sont pas les mêmes. La racine associationniste revendiquée par Jean-Louis Laville n’est pas la racine coopérativiste revendiquée par Jean-François Draperi. Le texte d’Amélie Artis et Danièle Demoustier permet d’ailleurs d’identifier une série de racines différentes ainsi que des « phases », entendues comme des étapes d’émergence et de déploiement de …

Parties annexes