Éditorial

L’exclusion : pistes de réflexion en contextes minoritaires[Notice]

  • Madeleine Dubois et
  • Michèle Kérisit

Intégré au vocabulaire des sciences sociales depuis une quinzaine d’années, le concept d’exclusion est investi de significations diverses, associées tant à la pauvreté, à certaines formes plus marquées de chômage, à la discrimination et au racisme, qu’aux phénomènes de rejet social qui marquent certains rapports entre groupes. Bien que critiquée pour son caractère vague et mouvant et objet de nombreux débats dans diverses disciplines des sciences sociales, l’exclusion demeure un concept important pour baliser la réflexion sur les liens qui caractérisent une société, les rapports de pouvoir et les processus de marginalisation qui s’y développent. La présentation d’un numéro de Reflets sur le thème de l’exclusion appelle d’abord à une analyse plus approfondie des concepts qui y sont étroitement associés. Dans un numéro de la revue Lien social et politique de 1995 ayant pour thème « Y a-t-il des exclus? », Robert Castel déplore l’usage non qualifié du terme et suggère certains éléments pour mieux cerner les caractéristiques qu’il recèle. Il souligne ainsi l’importance de nommer en quoi consiste le manque ou les manques auxquels se heurtent les personnes qu’on nomme des exclus afin d’en comprendre les origines. Cette mise en garde demeure pertinente et d’actualité. Le sens qu’on accorde au terme d’exclusion se construit autour de deux dimensions principales qui seront accentuées en fonction des analyses proposées par les auteurs qui l’ont utilisé. Ces deux dimensions sont, d’une part, la participation, ou la non-participation, au marché du travail et, d’autre part, le fait de participer ou non à des réseaux sociaux (familiaux, mais aussi communautaires ou même politiques). Par exemple, les recherches de Paugam (1993) sur la pauvreté et sur les personnes recevant des prestations d’aide sociale reposent sur une vision de la pauvreté comme « produit d’une construction sociale ». Selon cette vision, l’exclusion est avant tout liée à l’intégration dans les multiples niveaux de participation au monde du travail. La façon de cibler les individus pour les intégrer au travail, à travers des dispositifs d’aide, est donc essentielle pour comprendre les effets de l’exclusion qui se situe sur le plan de la « disqualification ». Des études des rapports entre les individus et les institutions d’assistance en France l’amènent ainsi à suggérer un modèle de disqualification comportant trois catégories, chacune représentant un type idéal qu’il nomme les « fragilisés », les « assistés » et les « marginaux ». L’accent mis sur la création d’exclus à travers leurs rapports avec les institutions comporte cependant un risque : celui de catégoriser, voire d’étiqueter, les personnes comme ayant peu de capacité d’agir sur leur condition. D’un autre côté, selon la perspective avancée par de Gaulejac et Leonetti dans La lutte des places, l’exclusion est associée à un processus de désinsertion vécu selon des trajectoires de vie individuelles et profondément marquées par la manière dont les abordent les personnes qui y sont confrontées. Ainsi, la désinsertion se structure autour de deux axes, le premier comprenant les multiples lieux où se situent les ruptures (travail, famille) et le second se situant sur le plan des réactions face à ces dernières, influencées notamment par la valeur symbolique qu’elles accordent à ces ruptures. Moins marquée par un déterminisme social et institutionnel, l’expérience de l’exclusion s’inscrit donc dans la recherche d’une reconnaissance sociale, d’une dignité qui serait inhérente à la personne humaine, laissant une place à la subjectivité et à la possibilité de révolte contre l’exclusion. Castel propose aussi une approche de l’exclusion axée sur un processus comportant divers éléments se structurant autour d’une « dégradation par rapport à une situation antérieure ». Par contre, pour comprendre le phénomène et sa portée, il …

Parties annexes