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Quand l’exclusion intervient avec la retraite : l’expérience tunisienne[Notice]

  • Lassaad Labidi

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  • Lassaad Labidi
    Enseignant en Service Social
    Institut National du Travail et des Études Sociales, Tunis, Tunisie

Apparu en 1974 en France (Lenoir 1974), le concept d’exclusion est devenu ces dernières années d’une utilisation très fréquente, aussi bien dans les milieux de recherche que dans les milieux d’intervention. C’est un concept qui permet d’expliquer les diverses formes d’inégalité et les phénomènes de rupture et de crise identitaire. Le succès qu’il a connu est en grande partie lié « à la prise de conscience collective d’une menace qui pèse sur des franges de plus en plus nombreuses et mal protégées de la population » (Paugam 1996 : 15). Dans ce qui suit, nous allons d’abord tenter de démontrer comment le concept retenu a été approché dans le champ spécifique de la gérontologie. Dans un deuxième temps, il sera question de démontrer comment la retraite, dans le contexte particulier de la société tunisienne, ouvre la voie à l’exclusion. Mentionnons au départ que ladite société a commencé depuis une vingtaine d’années à connaître l’arrivée de ses premières générations de retraités et elle verra le poids de cette catégorie de la population devenir de plus en plus important pour lui poser de nouveaux problèmes. Il s’agit, dans cet article, de faire le bilan de l’état d’exclusion vécue par certaines personnes retraitées en Tunisie, à partir d’une recherche que nous avons entreprise sur l’état de l’intégration des personnes âgées tunisiennes (Labidi 2003). Dans une première partie, nous allons rappeler brièvement notre approche méthodologique et mettre la question de la vieillesse en Tunisie dans son contexte. Dans une deuxième partie, il sera question d’analyser les différentes dimensions de l’exclusion des personnes retraitées en Tunisie. La recherche en question est une étude exploratoire qualitative réalisée dans le district de Tunis. Pour opérationnaliser notre démarche, nous avons recueilli une douzaine de récits de vie de personnes âgées de 60 ans et plus, vivant à domicile, appartenant au milieu rural et au milieu urbain. Il s’agit d’un échantillon non probabiliste composé de cinq femmes et de sept hommes choisis selon l’échantillon de cas typiques reflétant la réalité de l’ensemble de la population âgée tunisienne. Il s’agit de personnes à qui nous avons expliqué les objectifs de la recherche et qui ont accepté volontairement de nous livrer leurs expériences. La taille de l’échantillon a été déterminée à partir du critère de la saturation. Celle-ci est un critère de la constitution de l’échantillon qui peut se produire lorsque le chercheur se rend compte qu’à un certain temps de la collecte des données, rien de nouveau, de plus significatif et de différent ne vient s’ajouter aux données recueillies. Par ailleurs pour le chercheur qui opte pour la méthode des récits de vie, « le nombre ne fait rien à l’affaire, c’est la qualité et la profondeur qui comptent, c’est là qu’on peut atteindre la signification profonde des choses » (Santerre 1989 : 35). Pour la collecte des informations recherchées, nous avons choisi comme instrument la technique d’entretien semidirigée, et ce, en utilisant un protocole d’entrevue. En ce qui concerne l’analyse des données recueillies, elle a été faite selon la méthode de l’analyse qualitative du contenu, en trois phases. Dans un premier temps, nous nous sommes consacrés à une analyse préliminaire, ensuite nous avons procédé à une opération de codage; dans une troisième phase, nous avons procédé à la catégorisation en fonction des principaux thèmes de la recherche. L’analyse qualitative des données obtenues nous a permis de nous rendre compte de la diversité des images de l’exclusion des personnes retraitées en Tunisie. Cette réalité peut être saisie à travers un ensemble de dimensions que nous analyserons dans la deuxième partie de ce travail. Dans le champ spécifique de la gérontologie, …

Parties annexes