Lu pour vous

J. Michaud, Conscience subalterne, conscience identitaire. La voix des femmes assistées au sein des organisations féministes et communautaires, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, collection Études des femmes, 2005.[Notice]

  • Marie-Luce Garceau

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  • Marie-Luce Garceau
    Professeure, École de service social, Université Laurentienne

Depuis plusieurs années, Jacinthe Michaud, professeure à l’École d’Études des femmes au Collège Glendon de l’Université York, s’intéresse au discours des femmes et des groupes de femmes. Dans cette veine, son livre traite, avec beaucoup de justesse, du discours des assistées sociales au sein des organismes féministes et communautaires. Le livre repose sur le postulat que « le workfare [travail obligatoire] affecte les femmes différemment et beaucoup plus durement que les hommes » (p. 6). Plus qu’une analyse sexuée selon le genre, ce livre cherche à montrer comment la politique de travail obligatoire instaure une dynamique particulière entre les assistées et les groupes féministes dont il s’agit de faire l’analyse critique (p. 5). À cette fin, elle a effectué des entrevues auprès d’assistées sociales (19) et d’intervenantes féministes travaillant dans des groupes de femmes ou des groupes communautaires (17). D’emblée, l’auteure pose les assistées comme des sujets ayant un discours qui s’inscrit dans des rapports sociaux qui sont rarement égalitaires. On les considère trop souvent comme des subordonnées, donc en position d’infériorité. À tort, faut-il le préciser. Car si elles ne se racontaient pas, on ne connaîtrait pas leurs conditions de vie déplorables. On ne pourrait pas parler en leur nom ou défendre leurs droits, comme elles défendent les leurs au sein d’organismes féministes et communautaires. L’auteure amorce son premier chapitre en retraçant les principaux justificatifs au fondement de la réforme de l’aide sociale et la mise en place du programme de travail obligatoire en Ontario. Elle montre que cette réforme souhaitait restaurer l’éthique du travail et établissait un principe de réciprocité selon lequel l’assistée avait l’obligation de s’insérer le plus rapidement possible dans le marché du travail en échange des prestations. Toutefois, les prestataires d’aide sociale n’ayant accès, la plupart du temps, qu’à des placements de bas niveau, elles ont beaucoup de difficulté à se trouver un emploi qualifié et à sortir du cercle de la précarité et de la pauvreté. Cela dit, l’auteure évoque que la notion de réciprocité avancée par le gouvernement est dénaturée. En effet, pour Michaud, si l’aide sociale doit être revendiquée comme un droit individuel et collectif, alors la réciprocité doit être comprise comme l’obligation sociale et étatique de permettre à toutes d’assurer leur bien-être et celui de leurs enfants et de conserver leur dignité en ayant accès à des moyens pour pouvoir assurer leur retour sur le marché du travail. Le chapitre deux présente brièvement la loi qui régit Ontario au travail (travail obligatoire ou workfare). L’auteure montre comment cette loi a été modifiée afin de mettre en place de nouvelles règles sur la cohabitation, la judiciarisation croissante de la vie des prestataires et la place et l’importance des placements communautaires d’Ontario au travail. Ce que nous retenons dans ce mouvement de la droite conservatrice, c’est l’absence de protection des prestataires. Par ailleurs, la présence intrusive des agents d’Ontario au travail ne semble pas avoir de fin. Les assistées font face à des agents dont les approches sont moralisatrices, coercitives, punitives et axées sur la performance et le redressement individuel. Ainsi, l’auteure montre que le régime d’aide sociale combiné au travail obligatoire, tel qu’on le connaît actuellement, fait porter le poids de la pauvreté sur les individus, en plus de les rendre victimes d’oppression et de racisme. Le chapitre trois présente les voix des assistées sociales dans leurs rapports aux institutions, plus particulièrement, Ontario au travail. Dans un premier temps, l’auteure indique que, peu importe le milieu qu’elles côtoient, les femmes feront tout en leur pouvoir pour cacher leur condition d’assistées sociales et la misère dans laquelle elles vivent. Ce qu’elles espèrent, …

Parties annexes