Éditorial

Paternités, discours et pratiques sociales : quelles passerelles possibles?[Notice]

  • Jean-Martin Deslauriers

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  • Jean-Martin Deslauriers
    Professeur, École de service social, Université d’Ottawa

La paternité suscite beaucoup de discussion depuis quelques années. Reflets s’est penché sur la question et notre quête d’articles a bénéficié d’une très bonne réponse de la part d’auteurs, à un point tel que deux numéros porteront sur ce thème. D’ailleurs, au cours des dernières décennies, la réflexion sur la paternité s’est beaucoup développée. Elle s’est transformée, tant sur le plan de la recherche, des politiques que sur celui des pratiques sociales. En effet, le sujet est devenu non seulement un objet d’étude, mais aussi une préoccupation à inclure dans les objectifs des politiques sociales destinées aux familles. Également, des campagnes de promotion du rôle du père ont été déployées, puis des formations ont été offertes dans les services sociaux et de santé sur la spécificité de l’intervention auprès des hommes, et plus particulièrement auprès des pères. D’ailleurs, ces derniers sont maintenant beaucoup plus présents dans le discours des intervenants. Somme toute, les pères sont-ils vraiment mieux desservis par les services sociaux destinés aux familles? Il est permis d’en douter. En effet, il semble difficile de traduire ces énoncés de principes dans la prestation des services sociaux et de santé (Comité de travail en matière de prévention et d’aide aux hommes, 2004). Cette observation m’a amené à poser la question autrement et tenter d’y répondre : pourquoi est-il difficile de travailler auprès des pères (Deslauriers, 2008)? En effet, quand on pose la question sous l’angle des facteurs susceptibles de nuire à l’établissement de passerelles entre les pères et les services sociaux et de santé, on constate qu’ils sont si nombreux qu’il est prévisible que cette rencontre soit difficile à créer. Ce constat s’explique par la présence de plusieurs facteurs, notamment la présence d’idées préconçues qui présentent les pères sous un angle souvent défavorable (Dulac, 1999). Ainsi, sous un consensus apparent sur « l’importance du rôle du père », se tapissent des questionnements, des hésitations, voire un choix délibéré de ne pas travailler avec les pères. Être pour la présence des pères va de soi, comment aller contre la vertu?! Toutefois, des réserves parfois aussi sourdes qu’importantes, de même que des contraintes extérieures aux travailleurs sociaux font en sorte que les pères demeurent peu présents dans les services sociaux et de santé. Les services offerts aux pères, comme à l’ensemble de la population masculine, le sont souvent dans des contextes où soit ils sont soupçonnés, soit il a été déterminé qu’ils représentaient un danger pour ses proches. Il en est ainsi de la présence des pères dans les services de protection de l’enfance et de la jeunesse et des services pour hommes ayant des comportements violents. Ainsi, il apparaît nécessaire de créer des occasions pour que soient exprimés des arguments tenus par les sceptiques, ou ceux qui suggèrent d’éviter d’intégrer les pères aux interventions. Pour ouvrir un réel débat, il doit y avoir confrontation d’idées. Ce numéro se veut un pas dans cette direction. Afin de faire la promotion de l’engagement paternel et de nouvelles stratégies d’interventions communautaires, groupales, familiales ou individuelles, il faut aborder les écueils que présente le travail auprès des pères. Par exemple, il faut l’admettre, il est difficile de travailler avec certains pères, particulièrement ceux en situation de pauvreté et de marginalité. En effet, il est souvent ardu de les rejoindre, de créer un lien de confiance avec eux et de les aider à jouer leur rôle (Ouellet, Milcent et Devault, 2006). Ainsi, être réaliste dans les difficultés à relever est pertinent afin de poursuivre la recherche de nouvelles pratiques auprès des pères. À ce propos, il faut mentionner que différents courants de pensée ont influencé les …

Parties annexes