Des pratiques à notre image

Identité, pratiques et territoire[Notice]

  • Marc Ferron

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  • Marc Ferron, M.Scs., Mt.a., Hm.
    Anthropologue, massothérapeute, homéopathe, Unité pédiatrique interculturelle, Centre de recherche de l’Hôpital Sainte-Justine et Réseau de recherche en santé des populations du Québec — Axe éthique
    308-A Henri-Bourassa, Papineauville, Québec J0V 1R0, 819-427-6229 (Bur) 819-308-0572 (tlcp)

L’histoire et la santé des individus sont liées à leur environnement. D’abord, la famille est le premier environnement constituant le terreau du développement sociocognitif de l’enfant. Ses besoins, comblés ou non, construiront le sens de ses aspirations, et leur réalisation est dans l’ensemble liée à un environnement caractérisé par des potentialités variant selon les contextes. La qualité de la relation entre l’individu et son environnement est ainsi en grande partie déterminée par la prégnance du capital social, culturel et économique teintés par une symbolique originale à l’individu et à son milieu. C’est dans ce sens que sur le plan du capital social, identité individuelle et identité communautaire sont des concepts interdépendants où le développement de chacune des identités s’appuie sur les caractéristiques de l’autre. Ainsi, l’identité de l’individu et du groupe est le produit d’une collection de signes (Saussure, 1916) et de représentations sensibles aux influences des conventions historiques et des idéologies dominantes de l’environnement social (Gallissot, 1987). Il y a donc deux vecteurs de l’identité : une identification fondatrice de l’appartenance sociale d’origine généalogique liée à la parenté, aussi constituée par les relations sociales de proximité (famille, travail, école, amis, quartier), et une identification de référence communautaire à caractère symbolique issue d’une projection collective actualisée, entre autres, dans le statut social et dans un partage d’idéologies communes (Gallissot, 1987). C’est pourquoi la ruralité, où la normalisation est très forte (Gallisot, 2007) et constituée de réseaux sociaux denses, étendus et solidaires, est représentative d’une dynamique sociétale où l’identité des acteurs détermine l’actualisation des capitaux au sein de la communauté, laquelle influence l’activation de pratiques situées et de comportements d’adaptation caractéristiques du milieu (Giraud, 2001; Oriol, 1979; 1985; Alland, 1970; Leiban, 1973). Incorporé dans une « matrice biologique » individuée et unique, l’humain vit au sein de groupes constituant des ensembles sociaux, géopolitiques, économiques et culturels reliés entre eux et médiatisant des représentations sur l’altérité et la normalité. Sur ce plan, les définitions de la maladie et de la santé de même que les stratégies pour la maintenir ou la rétablir sont diffusées et représentées dans des systèmes symboliques polysémiques connotés de croyances et de valeurs culturelles (Rivers, 1926). Entre individus et milieux, il y a la signification que les acteurs sociaux donnent à leurs relations, à leurs activités et à leurs comportements dans le but de satisfaire des besoins. Dans ce sens, les pratiques sociales, économiques et culturelles déterminent la position de la personne au sein de la société et sa relation par rapport à cet environnement. À ce sujet, les analyses anthropologiques indiquent que les notions de santé et de maladie sont déterminées par la place symbolique que le corps occupe au sein de l’espace social (Fassin, 1996) défini par la culture dominante, à la fois celle des institutions d’État, de la collectivité et de la famille. Sur ce plan, les rapports entre les domaines social, économique, culturel et biologique (Bourdieu, 1980; Black, 1988; Wilkinson, 1996; Fassin, 1996; Nguyen et Peschard, 2003, Bibeau, 2004) semblent tisser ensemble le canevas de la santé humaine où la maladie est conçue comme l’expression d’un déséquilibre entre le microcosme de l’individu et le macrocosme de l’ordre social (Lock, 2002). À ce sujet, la ruralité est un terrain propice pour expliquer le concept des « biologies locales », lequel « éclaire en partie l’expérience incarnée, c’est-à-dire l’expérience des sensations physiques, notamment celle du bien-être, de la santé, de la maladie et qu’elles impliquent en réalité le corps matériel, mais que ce corps dépend lui-même de facteurs évolutifs, environnementaux, et autres » (Lock, 2005, p. 452). Située en Outaouais québécois, la Vallée de la Petite-Nation …

Parties annexes