Entrevue

Une lutte constante pour contrer les violences faites aux femmes et leur assurer des services en français de qualitéEntrevue avec Ghislaine Sirois[Notice]

  • Marie-Luce Garceau,
  • Sébastien Savard et
  • Stéphane Richard

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  • L’entrevue a été réalisée par
    Marie-Luce Garceau
    Sébastien Savard
    Stéphane Richard

Ghislaine Sirois est directrice générale d’Action ontarienne contre la violence faite aux femmes, Ottawa, Ontario

Les grands principes qui animent le travail de madame Ghislaine Sirois sont nombreux. Dans les domaines de l’intervention communautaire et du changement social, son travail se caractérise par la liberté de parole et d’examen, le dialogue ouvert et rationnel ainsi que la probité intellectuelle et éthique. Au cours des années, Action ontarienne contre la violence faite aux femmes (AOcVF) a su développer, en collaboration étroite avec d’autres collègues et groupes sociaux, de nombreux partenariats qui ont mené au développement de recherches et surtout au développement de nouveaux services en français en matière de violence faite aux femmes. Tous ces partenariats ont été établis dans le respect des partenaires, et tous sont marqués par l’importance que madame Sirois accorde à la responsabilité sociale des partenaires et au développement des collectivités afin qu’elles puissent elles-mêmes répondre aux besoins des femmes et de la société. Elle a réussi à créer des liens étroits et solides avec les organismes sociaux et communautaires et avec plusieurs ministères et institutions. Depuis des années, madame Sirois travaille souvent dans l’ombre; pourtant, elle influence beaucoup le bien-être des femmes et, par ricochet, celui de leur famille, et ce, quel que soit le coin de la province où ces femmes habitent. Finalement, ce qui caractérise madame Sirois, c’est qu’elle croit fermement en la capacité des femmes et des hommes d’aujourd’hui ainsi que des groupes sociaux de se prendre en main afin d’améliorer leur bien-être et de vivre dans une société plus juste et égalitaire. G. Sirois : En fait, il faut remonter dans le temps, lorsque j’étais bénévole dans un centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. Alors, tout était à faire… Ç’a été une bonne école. C’est à cette époque que j’ai acquis les fondements de l’intervention féministe auprès des femmes, mais aussi que l’on a beaucoup discuté sur le changement social et sur les moyens à utiliser pour éliminer la violence envers les femmes. Depuis mon arrivée à AOcVF, c’est le concept de la « reprise de pouvoir » qui est à l’origine des actions proposées. En effet, les femmes francophones de l’Ontario se sont souvent senties exclues du « mouvement des femmes », car on n’y comprenait pas pourquoi la langue et la culture prenaient une aussi grande place; comme si elles étaient des éléments secondaires à la « lutte ». On peut aisément comprendre les raisons pour lesquelles les femmes immigrantes, les femmes noires et les femmes autochtones ont pu aussi se sentir « exclues » du mouvement, car on prêtait peu oreille à l’intersectionnalité des oppressions, à l’impact cumulatif des différentes formes de discrimination vécues par les femmes. Je me souviens avoir participé à une rencontre à Toronto, vers 1992 ou 1993. Les femmes francophones du réseau m’y ont envoyée en disant « Vas-y! C’est à ton tour! » Naïve, j’y suis allée, pour : 1. me faire engueuler copieusement quand j’ai osé parler de services en français, et 2. constater à quel point nous étions coupées des informations qui circulaient sur les enjeux, les projets de loi, les développements des programmes, etc. À l’époque, nous avions peu d’alliées, et nous n’avions pas accès à l’information qui nous permettrait d’avoir le sentiment d’avoir une emprise sur les défis à relever. Je crois que notre réseau était en mode survie, non seulement à cause du financement inadéquat, mais aussi à cause du peu de pouvoir qu’il avait sur l’ensemble des situations qui touchent les femmes : les tribunaux, les programmes, l’accès aux ressources, l’accès aux décideurs, etc. On avait du travail à faire! L’intervention communautaire consiste donc à faire en premier …

Parties annexes