Éditorial

Les inégalités sociales de santé affectant les communautés francophones en situation minoritaire au Canada[Notice]

  • Monique Benoit,
  • Louise Bouchard,
  • Anne Leis et
  • Marie-Luce Garceau

…plus d’informations

  • Monique Benoit
    Université Laurentienne

  • Louise Bouchard
    Université d’Ottawa

  • Anne Leis
    Université de la Saskatchewan

  • et la collaboration spéciale de
    Marie-Luce Garceau
    Université Laurentienne

Les inégalités sociales de santé constituent un important domaine de recherche qui a abouti en 2008 à la publication du rapport de la Commission sur les déterminants sociaux de santé de l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2009). L’OMS révélait alors que les inégalités de santé non seulement persistaient, mais s’accentuaient au niveau mondial. Au Canada, plusieurs rapports ont fait état des disparités de santé au sein des collectivités (Wilkins, et collab., 2002). Les populations minoritaires, plus spécifiquement les communautés autochtones, les immigrants et réfugiés et les locuteurs d’une des langues officielles sont, à des degrés divers, les plus affectées par cet état de fait (Bowen, 2001; Frohlich, et collab., 2006). Dès lors, il est important que les politiques de santé publique et des populations prennent acte de ce constat et suggèrent des interventions qui limitent les effets des inégalités sociales sur la santé. Évaluées à près d’un million de personnes, les communautés francophones vivant en situation minoritaire au Canada sont surtout concentrées en Ontario, où elles sont estimées à 537 595 personnes, et dans les provinces de l’Atlantique, à 274 425 personnes. Dans l’ouest du pays, on dénombre 43 120 francophones au Manitoba, 14 850 en Saskatchewan, 62 785 en Alberta et 61 735 en Colombie-Britannique. Enfin, les Territoires du Nord-Ouest comptent 2 615 francophones (Statistique Canada, 2007). Ces communautés sont en général moins jeunes, moins scolarisées et moins nombreuses sur le marché de l’emploi. Elles sont également plus souvent concentrées dans des régions éloignées des grands centres, soit des régions rurales et nordiques, compliquant par le fait même l’accès aux ressources existantes (Picard, et collab., 1999a; 1999b; 1999c; 2005; Bouchard, et Leis, 2008). Ces constats démographiques ont contribué au développement de la recherche sur l’impact potentiel de la situation linguistique minoritaire sur la santé. C’est donc sous l’angle des inégalités sociales de santé affectant la population francophone vivant en situation linguistique minoritaire qu’est consacré le présent numéro de Reflets. La recherche sur la santé des communautés francophones en situation minoritaire au Canada s’est progressivement développée depuis la première étude recensée, celle de Jean-Bernard Robichaud intitulée Objectif 2000, Vivre en santé en français au Nouveau-Brunswick (1985). Au cours des années 1990, sous l’impulsion de la Table féministe francophone de concertation provinciale de l’Ontario (Andrew, et collab, 1997), l’Ontario marquera une avancée notable quant à la problématique de l’accès aux services sociaux et de santé en français. En découleront deux numéros de Reflets — Revue d’intervention sociale et communautaire (1995; 1999), deux rapports sur la santé des francophones de l’Ontario (Picard, et collab., 1999; 2005) et une enquête sur les minorités de langues officielles au Canada (Corbeil, et collab., 2006). Au cours des années 2000, une seconde phase connaît un essor considérable, en raison principalement de la feuille de route pour la dualité linguistique canadienne, de la création du Consortium national de formation en santé, de la Société Santé en français et de la prise en compte par les organismes subventionnaires de recherche de la problématique « langue et culture » comme déterminant de la santé. Un premier Réseau interdisciplinaire de recherche sur la santé des francophones en situation minoritaire (RISF) voit le jour, financé par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Son programme de recherche vise à documenter les disparités en matière de santé et de services, à comprendre les mécanismes en jeu et à identifier des stratégies et des interventions efficaces, susceptibles de réduire les écarts en matière de santé. Prenant comme base les sources de données nationales de Statistique Canada, certaines enquêtes révèlent un différentiel de santé en défaveur de la minorité linguistique …

Parties annexes