Entrevue

Approches structurelles et formation professionnelle — Pour faire école !Entrevue avec Nérée St-Amand[Notice]

Nérée St-Amand est professeur titulaire à l’École de service social à l’Université d’Ottawa.

Cette entrevue, réalisée en décembre 2012 par Joscelyne Levesque et Simon Lapierre, présente une réflexion sur l’histoire de l’École de service social et sur la place qu’y occupent les approches structurelles. Comme pourront le constater les lectrices et lecteurs, l’expression « faire école » est utilisée ici dans son double sens : rallier autour d’idées et bâtir une école.

N. St-Amand : Lorsque je suis arrivé ici en juillet 1990, la création de l’École de service social constituait une occasion rêvée de créer un programme qui reflèterait les valeurs que je considère comme essentielles pour un travail social engagé, un travail social de transformation plutôt que de réparation. Au cours de l’hiver précédent, Caroline Andrew m’avait informé que l’Université d’Ottawa souhaitait lancer un programme de service social et créer du même coup une unité de formation. Personne ne savait alors si ce serait un département ou une école, si ce serait un programme de baccalauréat ou de maîtrise. Madame Andrew m’avait alors invité à venir rendre visite à l’équipe qui avait pris en main ce dossier. Soulignons qu’il n’existait alors rien du tout en travail social à l’Université d’Ottawa, pas d’édifice, pas de bureaux, pas de bibliothèque spécialisée, pas de cours… Absolument rien! À Moncton, nous avions lancé quelques années plus tôt un programme de maitrise en service social, en contexte francophone minoritaire. C’est peut-être pour ça que l’équipe de l’Université d’Ottawa était venue me chercher. Et j’ai accepté de relever ce défi avec beaucoup d’enthousiasme. C’était bien sûr une occasion rêvée de concrétiser — avec Roland Lecomte qui arrivait de l’Université Carleton où on privilégiait les approches structurelles — un programme de formation en français qui reflèterait des valeurs d’égalité et de conscientisation. Un autre modèle de travail social en fait. Nous sommes arrivés ici, Roland et moi, en juillet 1990. Comme c’est beau de démarrer un pareil projet, de tout commencer à neuf et de réfléchir sur ce qu’on souhaite offrir comme programme! Au départ, on a décidé de mettre sur pied un programme de deuxième cycle axé sur la recherche-intervention, avec l’accent mis sur le trait d’union entre les deux termes afin de démontrer l’importance des liens entre ces deux dimensions, pour lier théorie et pratique et essayer en même temps de répondre aux préoccupations du milieu. Dans ce contexte, une de nos premières activités a été d’organiser en mai 1991 un colloque ayant pour thème la recherche intervention. L’objectif était de faire en sorte qu’on puisse réfléchir à des façons de présenter le service social dans ses composantes principales : la recherche, la formation et les préoccupations du milieu, avec à la base une philosophie de remise en question des formes d’enseignement et de pratique conventionnelles et un esprit d’ouverture à d’autres façons de penser et de faire. Dès le départ, nous avons dû composer avec des attentes de la part de gens de la pratique, institutionnelle en particulier, pour qui l’intervention sociale devait être centrée sur le savoir-faire. Un vieux débat en fait! Mais dans le contexte de ce nouveau programme, nous voulions proposer une façon plus globale de penser le travail social. C’est là que les approches structurelles trouveraient leur place, parce que si nous faisions de la recherche en liens avec l’intervention, nous pourrions proposer un programme cohérent qui se distancerait des approches et des techniques conventionnelles pour s’attarder davantage aux lieux et formes d’oppression et aux façons de répondre aux préoccupations du terrain. Ce dernier étant entendu ici en termes de personnes ou de collectivités qui reçoivent des services plutôt que des priorités des agences de service. De la sorte, on ne voulait pas tomber dans certains pièges de l’intervention, des préoccupations immédiates, du comment faire technique. Souvent, ces préoccupations sont reliées à l’urgence du quotidien, à cette insistance sur le cas par cas, contexte où on ne se préoccupe à peu près pas des causes qui dépassent les problèmes vécus par les individus. En fait, nous voulions éviter à la …

Parties annexes