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Pour les communautés francophones en situation minoritaire (CFSM), l’offre active de services sociaux et de santé en français est une question de qualité, de sécurité, d’humanisation des soins et services, de droit et d’équité et d’éthique professionnelle

Extrait de la quatrième de couverture

Accessibilité et offre active — Santé et services sociaux en contexte linguistique minoritaire s’affiche comme un ouvrage collectif multidisciplinaire. Sous la direction de Marie Drolet, Pier Bouchard et Jacinthe Savard venant de multiples horizons (travail social, administration publique, ergothérapie, éducation, sociologie, politicologie, histoire, droit, audiologie, orthophonie, travail communautaire, économie et gestion) l’ouvrage se veut à la portée de tous et un condensé de la majorité des thématiques qui entourent l’offre active des services sociaux et de santé en français.

Les auteures et auteurs du livre sont pour la plupart bien connus dans le milieu de la recherche portant sur les francophones en contexte minoritaire, et plus particulièrement en ce qui a trait à leur santé. Plusieurs ont effectué des recherches qui sont en quelque sorte des phares pour toute personne qui s’intéresse à la question. Les auteures et auteurs se sont aussi associés à des groupes de recherche bien établis, à savoir, le Groupe de recherche sur la formation professionnelle en santé et en service social en contexte francophone minoritaire (GReFoPS), le Groupe de recherche et d’innovation sur l’organisation des services de santé (GRIOSS), la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques, l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques (ICRML), l’Institut franco-ontarien (IFO), le Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF) et l’Institut du savoir Montfort (ISM-Recherche). Leur collaboration à la production de l’ouvrage lui confère toute la crédibilité voulue de même que le statut d’incontournable pour toute personne s’intéressant à l’offre active de services et aux défis qui attendent les professionnelles et professionnels de soins voulant l’intégrer à leur pratique.

Intitulée Vers une compréhension des acteurs, du système et des leviers d’action, l’introduction présente les cinq parties du livre et les liens entre celles-ci. Suit la présentation de la problématique générale de l’ouvrage sous la plume de ses trois codirectrices, Marie Drolet, Pier Bouchard et Jacinthe Savard. Elles y dressent le portrait des francophones en situation minoritaire et leurs problèmes d’accessibilité à des services sociaux et de santé en français. Cela permet de bien cerner les enjeux et ce qui les entoure. Enfin, présentée dès les premières pages, une liste des acronymes facilite grandement la lecture. Ils sont nombreux et abondamment utilisés au fil des pages.

La première des cinq parties a pour titre L’engagement des acteurs : la mise à l’épreuve de l’analyse stratégique. Elle comporte deux chapitres. Dans le premier, Vézina et Savard proposent un cadre d’analyse portant sur l’offre active et les multiples composantes à prendre en compte afin de bien comprendre la problématique en tant que telle, ses défis, de même que les actrices et acteurs interpellés. Dans le second, Bouchard et collab. analysent l’engagement des futurs professionnelles et professionnels de la santé face à l’offre active. Ce chapitre offre également une rétrospective des événements qui ont conduit à la conscientisation actuelle sur la nécessité pour des francophones en contexte linguistique minoritaire de recevoir des soins en français. Le moment critique d’une telle conscientisation prend racine dans la crise de l’Hôpital Montfort à Ottawa. En effet, c’est à ce moment que s’est produite une mobilisation des francophones en contexte linguistique minoritaire, et ce, partout au Canada. Une onde de choc s’est fait ressentir et les francophones ont réalisé l’urgence de leur situation. De cet événement marquant découle la création d’organismes essentiels pour mener à bien l’offre de services en français, tels la Société Santé en français et le Consortium national de formation en santé (CNFS). Enfin, ce second chapitre décrit bien la nécessité d’utiliser la recherche-action, car elle a permis de partager de nouvelles connaissances tant sur les enjeux et les défis que sur des éléments essentiels à intégrer dans la formation des futurs professionnelles et professionnels de la santé et des services sociaux afin qu’ils soient en mesure de réaliser une offre active efficace.

La deuxième partie de l’ouvrage s’intitule Les leviers politiques et juridiques : le jeu des acteurs et compte également deux chapitres. Dans le chapitre 3, Foucher fait état du droit canadien sur les services de santé en français, alors que dans le chapitre 4, Cardinal, Normand et Plante dressent un parallèle avec ce qui s’est passé en Ontario quant à l’accès aux services juridiques en français. Ces deux chapitres démontrent qu’en ce qui concerne la santé, le partage de pouvoir entre les niveau fédéral et provincial complique la situation. En effet, afin que l’offre active des services de santé en français ait lieu de façon obligatoire pour tous les francophones en contexte linguistique minoritaire, il faut que les divers paliers gouvernementaux travaillent de concert. Certes, il reste du chemin à faire, mais tout est possible comme le prouve l’établissement de services juridiques complets disponibles en français en Ontario.

La troisième partie, L’accessibilité et l’offre active de services en français, se divise en trois chapitres. Dans le chapitre 5, Bouchard et Desmeules abordent la vulnérabilité de la population aînée francophone et ses difficultés à obtenir des services de santé dans sa langue. Conséquemment, ces personnes sont en moins bonne santé que leurs voisines et voisins anglophones. Bouchard et Desmeules dénoncent un manque d’équité entre la minorité francophone et la majorité anglophone en matière de santé. La situation est alarmante, alors que les principaux déterminants sociaux de la santé découlent directement de décisions politiques, desquelles, faut-il le rappeler, les francophones ont la plupart du temps été totalement écartés. Signé Drolet et collab., le chapitre 6 porte sur l’accès à des services sociaux et de santé dans leur langue pour les francophones de l’Est de l’Ontario. Il y est question de quatre sous-dimensions encadrant l’offre de tels services : un leadership de la communauté francophone; un équilibre entre les ressources et les incitatifs; un engagement envers la qualité des services; une responsabilité de résultats de la part des décideurs. Dans le chapitre 7, Forgues, Bahi et Michaud discutent des différents facteurs qui entrent en jeu dans l’offre de services de santé en français par les professionnelles et professionnels dans des milieux hospitaliers qui sont majoritairement, pour ne pas dire totalement, anglophones. Les auteurs conviennent que si ces facteurs concernent la gestion en général, ils dépendent aussi de relations complexes et de rapport de force entre les gens provenant de la majorité et ceux de la minorité linguistique, ainsi que de décisions politiques à respecter.

La quatrième partie, Bilinguisme et offre active de services en français, comprend trois chapitres. Dans le chapitre 8, de Moissac et collab. décrivent l’expérience de professionnelles et de professionnels de la santé et des services sociaux qui peuvent offrir leurs services dans les deux langues officielles du Canada et qui travaillent au Manitoba et dans l’Est de l’Ontario. Plusieurs défis ressortent des expériences recueillies, entre autres, le manque d’appui, le surplus de travail et le manque de reconnaissance. Les professionnelles et professionnels ont par contre des solutions à proposer afin d’améliorer la situation. Dans le chapitre 9, Savard et collab. mettent en relief une recherche portant sur la connaissance des facteurs facilitant le recrutement et la rétention de professionnelles et professionnels bilingues en analysant leurs propos. La recherche qualitative a été menée dans deux régions : celle de Winnipeg et celle d’Ottawa. De leur recherche, Savard et collab. font ressortir deux facteurs : le désir des professionnelles et professionnels de participer à l’amélioration du mieux-être des francophones en contexte linguistique minoritaire; et l’importance du climat de travail où une reconnaissance est faite envers les professionnelles et professionnels bilingues. Des recommandations visant un recrutement et une rétention plus efficaces compètent ce chapitre. Signé Vézina, le chapitre 10 dresse un portrait de l’offre active des services de santé en français en partant de la culture organisationnelle au sein d’établissements de santé du Nouveau-Brunswick. Cette province étant officiellement bilingue, on pourrait penser que l’offre active s’en trouverait grandement facilitée, mais l’auteur fait ressortir les défis rencontrés lors de sa mise en application et suggère que le discours soit axé sur la valorisation d’une culture d’offre active.

Enjeux et stratégie de formation des futurs professionnels est le titre de la cinquième et dernière partie de l’ouvrage. Ses deux premiers chapitres portent sur la prestation de l’offre active en lien avec la formation des futurs professionnelles et professionnels de la santé et des services sociaux ainsi que sur l’évaluation d’une telle offre. Ainsi, dans le chapitre 11, Dubouloz et collab. se penchent sur la mise en oeuvre d’un cadre conceptuel éducationnel touchant l’offre active des services de santé en français. Ce cadre comprend trois dimensions d’enseignement pour le développement de la compétence en offre active : le savoir, le savoir-faire, le savoir-être. Dans le chapitre 12, Savard et collab. présentent les comportements favorables à une offre efficace de services en français dans le domaine de la santé et des services sociaux afin d’en évaluer les bénéfices de façon quantifiable. En annexe à ce chapitre, ses auteures présentent une grille d’analyse réalisée par les chercheures et qui vise à mesurer les comportements d’offre active. Enfin, Lagacé et Lefebvre consacrent le chapitre 13 à l’évaluation langagière et à la compréhension du langage dans la situation où des enfants sont perçus comme des francophones alors qu’ils sont plutôt bilingues dans un contexte linguistique minoritaire. Il y est démontré que cette perception peut entraîner une mauvaise évaluation des besoins de l’enfant et des outils nécessaires pour procéder à une évaluation ciblée sur ses besoins réels.

Dans sa conclusion, Accessibilité et offre active — Santé et services sociaux en contexte linguistique minoritaire nous ramène au point névralgique de l’offre active des services sociaux et de santé en français : la sécurité des soins offerts. En effet, des soins offerts dans sa langue permettent d’assurer en tout temps la sécurité de la personne. Il importe aussi que ces derniers soient de qualité comparable à ceux offerts à la majorité anglophone. Quatre concepts-clés, évoqués au premier chapitre et transcendant tous les autres, sont repris dans la conclusion : les enjeux; les acteurs; le système; et les stratégies. La reconnaissance par les diverses instances que le bien-être des francophones en contexte linguistique minoritaire est aussi important que celui de la majorité linguistique demeure un élément capital. Il est nécessaire que toutes et tous admettent que le bien-être des francophones en situation minoritaire passe par un accès garanti aux services sociaux et de santé en français, et ce, partout au Canada.

Ce qui est intéressant dans Accessibilité et offre active — Santé et services sociaux en contexte linguistique minoritaire, c’est que l’ouvrage propose un consensus en donnant une définition bien détaillée de ce qu’est l’offre active des services de santé en français. De plus, il montre que ce concept est étroitement lié à une prestation de soins de santé sécuritaires afin d’augmenter les conditions de santé des francophones en contexte linguistique minoritaire. Les différents thèmes proposés sont des plus pertinents et permettent de mieux comprendre les multiples enjeux de l’offre active. Bien qu’il s’agisse d’un travail collectif, l’ouvrage offre une bonne cohérence dans son ensemble. Les sujets abordés au fil des chapitres sont pour la plupart issus de recherches effectuées sur le terrain et la mise en pratique de leurs recommandations s’harmonise aux résultats obtenus, ce qui est extrêmement important. Les recommandations proposées dans les différents chapitres s’appuient sur des besoins criants et bien réels de la population francophone en contexte linguistique minoritaire, tout autant que sur la réalité des professionnelles et des professionnels de la santé. L’apport de ce livre est donc considérable, car il est le premier à donner toute la place à la problématique entourant l’offre active des services de santé en français. Il réunit beaucoup d’éléments clés sur lesquels il faut continuer à travailler afin de parfaire une offre active de services en français bien réelle et systématique et d’améliorer la situation de santé des francophones vivant en contexte linguistique minoritaire. Et y sont proposées plusieurs stratégies et recommandations pour y parvenir.