Entrevue

L’héritage de Roland Lecomte : points de vue d’un collègue (Nerée St-Amand) et d’un étudiant (Marc Molgat)[Notice]

  • Marguerite Soulière

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  • Cette entrevue a été réalisé par
    Marguerite Soulière
    Professeure, École de service social, Université d’Ottawa

On arrive dans une université qui décide de créer un programme en français en Ontario, programme de travail social. Dans ce temps-là, on appelle ça le service social, mais disons que c’est le programme de travail social. En anglais c’était social work et, en français, ça devenait service social. C’est pour ça que c’est appelé de même, mais ça n’a pas de raison d’être comme ça. Alors on s’implique dans la communauté. Roland va vers la recherche et vers certains secteurs comme les négociations avec l’administration, et moi, je m’en vais au Centre familial catholique. C’était ça mon premier endroit, mon premier pied-à-terre dans la communauté. J’arrive là puis il y avait à ce moment-là peut-être une dizaine d’intervenantes ou d’intervenants — intervenantes surtout — mais le Service familial catholique était créé et dirigé par un membre du clergé catholique. La réunion commence par une prière. Or, je suis renversé… la première chose qu’on fait c’est la prière !? Moi, j’arrive du Nouveau-Brunswick puis, là-bas, depuis un bon bout de temps déjà, le travail social faisait pas de prière. On n’était pas confessionnels, mais ici, je pouvais voir que c’était confessionnel. Mais le Service familial catholique apportait beaucoup d’argent et fournissait une agence. (Rachel Maillet, tu l’as peut-être pas connue, mais elle était là elle aussi.) Toujours est-il que tout cela reflétait une très forte idéologie catholique. Par exemple, la plupart des personnes qui travaillaient là, je dirais des femmes, celles dont je me rappelle sont des femmes, et les gens qui venaient là parce qu’ils avaient des problèmes sérieux au niveau familial. Les problèmes de famille dans ce temps-là c’était de la violence, surtout. C’était de l’agression, mais ça ne se disait pas de même. Et puis plusieurs femmes qui venaient avaient souvent besoin d’un avortement. Mais il n’était pas question qu’on en discute. Pendant plusieurs années même, pas question qu’on discute au bureau de direction de l’avortement. On est dans les débuts des années 90. On arrive ici en 1990, Roland puis moi ; en juillet 90. En passant, c’est à l’invitation de Caroline Andrew qui voyait qu’à la Faculté des sciences sociales il manquait le travail social et qui a regardé un peu à l’entour pour faire en sorte que le service social ou le travail social soit institué à l’Université d’Ottawa, à la Faculté des sciences sociales. Caroline à ce moment-là était professeure en sciences politiques, elle a été doyenne des sciences sociales par la suite. Avant notre embauche c’est elle qui m’a invité chez elle, avec Roland et nos deux conjointes. On s’est retrouvés à six chez Caroline qui nous a préparé un souper et qui nous a invités (un peu) formellement à l’Université d’Ottawa. Alors c’est un peu là que ça a commencé. Puis finalement, on remplit tous les deux nos contrats avec la faculté, et puis on est embauchés le 1er juillet 1990, puis on arrive à Ottawa dans une vieille, vieille, vieille bâtisse sur 12 Henderson, qui a été détruite depuis. Mais en tous cas, c’est ça les débuts de l’École. Il n’y avait pas de secrétariat, il n’y avait personne d’autre que nous deux. Il y avait Julie, ma fille, qui faisait nos enseignes puis qui avait initialisé le répondeur. C’est comme ça qu’on était. On était dans une vieille bâtisse démantibulée. Je pense que Roland n’est jamais monté à l’étage parce qu’il trouvait ça trop lugubre… en tous cas. Ça, c’est un peu le contexte de notre arrivée à l’Université d’Ottawa. Mais en arrivant ici, qu’est-ce qu’on fait ? Il n’y a pas de programme. Nous autres on a dans …