FR :

L’expression « écologie politique » ne désigne pas tant un positionnement politique dans l’ordre des débats publics, mais un spectre politique avec sa gauche et sa droite. Les positions qui en découlent reposent de manières variées sur deux grands partis pris philosophiques. Tendanciellement : fait-on partie de la nature ou en dispose-t-on à sa convenance ? En sous-main, ces considérations politiques tiennent d’un engagement de nature théologique trouvant sa genèse au xviii^e siècle, à l’époque où les tenants de « l’économie de la nature » tels que Carl von Linné et Gilbert White – les Arcadiens – contemplaient le monde comme l’oeuvre du Souverain créateur, et les Impériaux voyaient en lui une oeuvre inaboutie et chaotique, que Dieu leur avait donné la mission d’organiser et de parachever.

EN :

The expression “political ecology” does not designate as such a political positioning in the public debate, but a political spectrum left-right. The involvement within are based in various ways on two major philosophical approaches. Tendentially: are we part of nature or do we have it at our convenience? These political considerations proceed from a commitment of a theological nature, finding its genesis in the 18th century, at the time when the proponents of the “economy of nature” such as Carl von Linnaeus and Gilbert White – the Arcadians – contemplated the world as the work of the Creator Sovereign, and the Imperials seeing in it an unfinished and chaotic work, which God had given them the mission to organize and complete.

FR :

Depuis quelques décennies, la position de l’être humain dans le cosmos et son rapport à la nature sont de plus en plus au coeur des interrogations. Adolphe Gesché propose, à travers sa théologie du cosmos, une nouvelle manière d’habiter le monde. Cette théologie du cosmos invite à établir un équilibre harmonieux entre les trois régions théologiques qui sont Dieu, l’être humain et le cosmos. Il estime que cette théologie est nécessaire et urgente à l’heure actuelle. Sa pertinence et sa particularité se trouveraient dans la manière dont Gesché présente l’éthique du cosmos qui s’enracine dans la dogmatique ; mais aussi l’auteur met en évidence les liens qui pourraient exister entre la théologie du cosmos et la sacramentaire ainsi que la sotériologie. La théologie du cosmos présente un itinéraire qui va de la création à la rédemption en passant par l’éthique et la sacramentaire en offrant un regard nouveau sur ces divers aspects de la théologie.

EN :

In the last few decades, interest in humanity’s place in the cosmos and its relationship to nature has stirred much investigation. The Belgian theologian Adolphe Gesché proposes a new way of thinking about how we ought to inhabit the world. His theology of the cosmos – which he believes is both necessary and pressing in our current age – seeks to establish a harmonious balance between God, humanity, and the cosmos. The relevance and originality of Gesché’s work are found in his rooting of an ethics of the cosmos in dogmatics and in his highlighting of certain links between a theology of the cosmos, the sacramentary, and soteriology. Gesché’s theology of the cosmos moves from creation to redemption, passing through ethics and the sacramentary, offering a new look at these various aspects of theology.

FR :

Hildegarde de Bingen a posé les bases d’une théologie de la Création et elle exerce une influence sur la façon d’envisager le monde – leur engagement et leurs relations à la planète –des membres des communautés religieuses dites les « green sisters ». L’objectif de cette publication est de reprendre des éléments des écrits d’Hildegarde de Bingen sur la notion de « viriditas » et de faire des parallèles entre ce qu’il y a de commun entre la pensée de de Bingen, et le mouvement des « green sisters ». Pour y parvenir, nous présenterons sommairement les écrits de cette femme mystique du Moyen-Âge sur la théologie de la Création, centrée autour de la notion de viriditas. Après avoir exposé ces fondements conceptuels, nous prendrons le temps de circonscrire l’évolution de l’écospiritualité dans l’univers contemporain actuel des « green sisters ». Finalement, nous tenterons d’illustrer, à partir d’exemples d’initiatives écologiques développées par ces religieuses, comment l’écospiritualité au sens de la « viriditas », devient un moteur d’action pour ces dernières.

EN :

Hildegard of Bingen laid the foundations for a theology of Creation, and she has had an influence on the way the “green sisters” religious communities view the world, their commitment and relationship to the planet. The aim of this paper is to outline the evolution of ecospiritual theory, as thought by Hildegard of Bingen and the parallels between this thinking and the “green sisters” movement. To achieve this, we will briefly present the writings of this medieval mystic on the theology of Creation, centered on the notion of “viriditas”. After outlining these conceptual foundations, we’ll take a moment to circumscribe the evolution of ecospirituality as it applies to the current contemporary world of the “green sisters”. Finally, I will use examples of ecological initiatives developed by these nuns to illustrate how ecospirituality is becoming a driving force for them.

FR :

Dans le Nouveau Testament, Rm 8,18-30 constitue un des trois textes phares de l’herméneutique écologique de la Bible (avec Col 1,15-20 et 2 P 3,1-13). Or, le texte est de facture théo-logique, eschatologique et mythique. D’où la question : comment recevoir ce texte mythologique prémoderne en (post)modernité ? Après avoir proposé quelques observations sur le texte (ses indéterminations et points de tension, puis l’importance des métaphores de l’enfantement et de la filiation, une symbiose métaphorique négligée par la recherche), l’article expose quatre modèles qui cherchent à résoudre le problème du langage mythologique eschatologique. Cette typologie est empruntée à Jean-Daniel Causse, avec des adaptations : démythisation, démythologisation, perspective narratologique et perspective psychanalytique. En finale, ces quatre modèles sont appliqués à Rm 8 dans le contexte de l’écothéologie, en prenant appui sur les observations textuelles du début de l’article.

EN :

In the New Testament, Romans 8:18-30 is one of the three key texts in the ecological hermeneutics of the Bible (along with Col 1:15-20 and 2 Pet 3:1-13). But the text is theo-logical, eschatological and mythical. Hence the question: how is this premodern mythological text to be received in (post)modernity? After offering a few observations on the text (its indeterminacies and points of tension; then the importance of the metaphors of childbirth and filiation, a metaphorical symbiosis neglected by research), the article sets out four models that seek to resolve the problem of eschatological mythological language. This typology is borrowed (with adaptations) from Jean-Daniel Causse: demythization, demythologization, narratological perspective and psychoanalytical perspective. Finally, these four models are applied to Rom 8 in the context of ecotheology, building on the textual observations made at the beginning of the article.

FR :

Dans la foulée des travaux menés par le groupe Earth Bible, cet essai applique les principes de lecture écoresponsable à trois traductions courantes en français de 1 Jn 2,15-17. La terminologie traditionnelle peut choquer les sensibilités des lectrices et lecteurs contemporains, notamment par rapport à la valeur du monde et au temps des vivants. La crise écologique invite à repenser les mots employés pour rendre le texte biblique. Cet essai propose une traduction alternative, qui respecte les idées-forces de l’épître, tout en dissipant les malentendus que l’emploi de vocables tels que « monde » et « éternité » pourrait susciter dans l’esprit d’un lectorat non averti.

EN :

Inspired by the six Ecojustice principles developed by the Earth Bible team, this essay reviews three widespread translations of 1 Jn 2:15-17 in French and finds them problematic. The use of words like “world” or “forever” may mislead unlearned readers into an unfair assessment of the value of Creation in Johannine theology. Careful study of the Johannine use of Greek vocabulary points toward a more specific use of kosmos and aiôn, among other terms, that a fresh and bold translation may render in ways more sensitive to the Earth’s muted voice. The purpose of this paper is to forward an Earth-sensitive translation of 1 Jn 2:15-17 in French and to argue in favor of such an endeavor in these times of ecological crisis.

FR :

Quel est l’animal que je suis (être/suivre) ? Cet article répond à l’invitation du philosophe Jacques Derrida (2006) de prendre en compte l’animal, en l’occurrence l’agneau johannique, de le regarder, de se laisser regarder par lui et de le suivre pour discerner de nouvelles possibilités ontologiques. À partir de la description du Jésus johannique plus qu’humain de Stephen Moore (2017) et du concept d’agencement de Deleuze et Guattari, je cartographie la configuration des disciples et du lectorat de l’Évangile selon Jean comme un agencement qui brouille les frontières cartésiennes entre humains, animaux et végétaux. L’objectif est de formuler une réponse créative à la crise écologique qui s’inscrit dans la ligne du modèle d’indistinction délimitée par Calarco (2015) pour abandonner la prétention des humains à l’unicité en concevant de nouvelles dynamiques interespèces pour permettre aux animaux (humains et non-humains) de se développer ensemble dans un monde en difficulté.

EN :

What is the animal that I am (being/following)? This article responds to the invitation of the philosopher Jacques Derrida (2006) to consider the animal, in this case the Johannine lamb, to look at it, to let oneself be looked and to follow it to discern new ontological possibilities. Drawing from Stephen Moore's (2017) description of the more-than-human Johannine Jesus as well as Deleuze and Guattari’s concept of assemblage, I map the configuration of John’s Gospel disciples and readership as an assemblage that blurs the Cartesian boundaries between humans, animals and plants. The aim is to formulate a creative response to the ecological crisis based on the model of indistinction described by Calarco (2015) to abandon the claim of humans to uniqueness and crafting new interspecies dynamics to allow animals (humans and otherwise) to grow together in a troubled world.

FR :

La notion de spécisme est de plus en plus présente dans les débats sur la défense des animaux. Des défenseurs des animaux affirment que l’importance de la notion de spécisme au sein du mouvement animaliste actuel et de la crise écologique est une manifestation d’un phénomène ancien qui remonte à l’Antiquité grecque. La croyance en la métempsychose de certains philosophes de l’Antiquité montre que l’idée d’une continuité spirituelle entre les êtres humains et les animaux existait dans l’Antiquité grecque. L’idée existait-elle aussi chez certains rédacteurs des textes bibliques ? L’auteur examine le cas de Qohélet 3,1621. Après une mise en contexte historicocritique du livre de Qohélet, il procédera à une analyse comparative entre Qohélet 3,1621 et l’antispécisme de Peter Singer afin de voir si la Bible ne pourrait pas, à l’instar de certaines philosophies grecques, inspirer un plus grand respect des animaux.

EN :

The concept of speciesism is growing stronger in animal advocacy debates. Some animal advocates argue that the rise of speciesism in the current animal rights movement and in the ecological crisis embodies an ancient phenomenon that dates back to Greek Antiquity. The belief in metempsychosis held by some ancient philosophers shows that the idea of a spiritual continuity between human beings and animals existed in Greek Antiquity. Did the idea also exist among writers of the biblical texts? The author reviews the case of Qohelet 3:16-21. After a historical and critical contextualization of the book of Qohelet, he will proceed to a comparative analysis between Qohelet 3:16-21 and Peter Singer’s anti-speciesism in order to examine if the Bible, akin to certain Greek philosophies, could inspire a greater respect for animals.

FR :

D’un bout à l’autre du récit, le fugitif Jonas transporte le lecteur dans l’écosystème de Yhwh, le Dieu prétendument bon (4,2). La mer, ses humains, leurs dieux. La terre, ses humains, ses bêtes. Au‑delà des péripéties du voyage, un drame émerge : Jonas a mal, très mal, au point de vouloir mourir. L’exilé de Dieu n’arrive plus à concilier ses credo de foi avec les affects de sa réalité. Heureusement, il rencontre deux personnages éminents : un Poisson-prophète qui lui apprend à prier, et un Qiqayon-libérateur qui communie à sa douleur. Cette relecture éco‑théologique de Jonas puise aux principes d’éco-justice du Earth Bible Project et poursuit les ambitions théologiques du Exeter Project. En soulignant la valeur intrinsèque et la fonction théologique et affective du poisson et du qiqayon, je montrerai comment ces figures narratives nous invitent à repenser l’enjeu théologique de la théodicée.

EN :

Throughout the story, the fugitive Jonah transports the reader into the ecosystem of Yhwh, the supposedly good God (4:2). The sea, its people, their gods. The earth, its people, its beasts. Beyond the adventures of the journey, a drama emerges: Jonah is in pain, so much so that he wants to die. God’s exile can no longer reconcile his credo of faith with the affects of his reality. Fortunately, he meets two eminent figures: a Fish‑prophet who teaches him to pray, and a Qiqayon-liberator who communes with his pain. This eco-theological rereading of Jonah draws on the eco-justice principles of the Earth Bible Project and pursues the theological ambitions of the Exeter Project. By underlining the intrinsic value and theological and affective function of the fish and the qiqayon, I will show how these narrative figures invite us to rethink the theological stakes of theodicy.

FR :

Perçue pendant longtemps au sein de l'Église comme une perversion de la vraie religion, la religiosité populaire semblait compromise, en partie à cause de la charge péjorative associée à ces deux mots qui désignent un concept complexe. Cependant, pour d'autres observateurs, elle représente au contraire une richesse pour l'Église, s'appropriant le message de foi et constituant une lex orandi. Depuis Paul VI, le Magistère s'est emparé de ce phénomène qui ne pouvait plus être ignoré ni rejeté. Ainsi, leur enseignement sur le sujet se décline en un triptyque : reconnaître/évangéliser/promouvoir. Ce triptyque trouve son apogée avec l'arrivée du Pape François, qui évoque la force évangélisatrice de la religiosité populaire et encourage à la considérer comme un lieu théologique pour comprendre pourquoi et comment elle parvient à survivre à toutes les époques. En particulier, dans ce siècle annoncé comme celui de la sécularisation, elle émerge comme ce que le Pape appelle le "système immunitaire de l'Église". Cela témoigne de la nature profonde de l'homme, que les sciences des religions désignent comme l'homo religiosus. Comparable à la syndérèse en morale chrétienne, cette disposition innée rend l'être humain capable de percevoir le numineux et le sacré. Ainsi, la piété populaire devient le lieu où l'âme de l'homme contemporain discerne et reçoit les signes de la présence de Dieu.

EN :

Perceived within the Church for a long time as a perversion of true religion, popular religiosity seemed compromised, in part due to the pejorative connotation associated with these two words that denote a complex concept. However, for other observers, it represents, on the contrary, a richness for the Church, appropriating the message of faith and constituting a lex orandi. Since Paul VI, the Magisterium has taken hold of this phenomenon that could no longer be ignored or rejected. Thus, their teachings on the subject unfold as a triptych: recognize/evangelize/promote. This triptych reaches its climax with the arrival of Pope Francis, who speaks of the evangelizing force of popular religiosity and encourages considering it as a theological place to understand why and how it manages to survive through all epochs. Particularly in this century, announced as the era of secularization, it emerges as what the Pope calls the "immune system of the Church." This attests to the profound nature of humanity, referred to by the sciences of religion as homo religiosus. Comparable to syndereis in Christian morality, this innate disposition enables humans to perceive the numinous and the sacred. Thus, popular piety becomes the place where the soul of contemporary man discerns and receives the signs of the presence of God.