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Le présent ouvrage d’Évelyne Diebolt constitue une retombée de sa thèse de doctorat sur les Françaises dans l’action sanitaire, sociale et culturelle de 1901 à 2001[1]. Les associations étudiées dans le contexte de ses études doctorales étaient composées essentiellement de célibataires et de veuves. Or le mouvement Jeunes Femmes, croisé au cours de ses recherches, avait retenu son attention, car il est composé majoritairement de femmes mariées avec des enfants. Après sa soutenance, elle a donc eu envie de se pencher sur cette association féminine protestante oecuménique sur laquelle porte l’ouvrage publié en 2010.

Ce dernier n’est pas une monographie du mouvement Jeunes Femmes. Le titre même en résume d’ailleurs le contenu : il s’agit bien de matériaux pour qui voudrait mener une analyse sur le sujet. Une courte introduction fait état de la naissance du mouvement au lendemain de la guerre en 1946. Dans un contexte social et économique difficile, un petit groupe de jeunes mères au foyer se tournent vers les Églises protestantes pour obtenir des réponses à leurs interrogations sur la vie et leur rôle en société, mais elles prennent aussi leurs distances de ces institutions. À partir de 1947, elles organisent réunions et congrès dans lesquels elles abordent sans tabou des questions allant de la contraception à l’acquisition d’une culture politique et, le 20 septembre 1957, elles déposent des statuts d’association estimant nécessaire de se structurer davantage. Leur nom est alors « Association des groupes Jeunes femmes et les cercles féminins »; il deviendra le mouvement Jeunes Femmes en 1975. Ces rencontres de femmes entre elles leur permettent de s’exprimer oralement dans un groupe; des conférencières et des conférenciers sont aussi invités sur différents sujets et les discussions sont fort animées. Elles s’expriment également par l’écrit. En 1947 paraît un tabloïd; à partir de 1949, un bulletin ronéotypé est vendu. Ce bulletin devient une revue au contenu très riche en 1952, date à compter de laquelle elle paraît sous forme imprimée jusqu’en novembre 1981.

L’ouvrage présente ensuite quelques pages de description des publications successives du mouvement (par exemple le format, la périodicité et le prix de l’abonnement). Suit (p. 25-162) un dépouillement détaillé du contenu qui s’apparente à une table des matières. Viennent ensuite (p. 163-273) des tableaux des auteures et des auteurs selon l’ordre alphabétique et selon l’ordre des articles, le tout divisé en trois périodes, soit de 1947 à 1966, de 1967 à 1973 et, finalement, de 1974 à 1981. Les rubriques « Que lire? » et « L’écran » font aussi l’objet de tableaux mentionnant tous les ouvrages et les films recommandés.

Diebolt résume ensuite deux articles publiés sur le mouvement et l’ouvrage se termine par la présentation de 65 portraits de « jeunes femmes ». Ces courtes notices biographiques sont de longueur variable, allant de quelques lignes à une dizaine de pages, et d’intérêt également variable, dépendant de la pauvreté ou de la richesse de l’information obtenue. Elles reposent pour la plupart sur des entretiens entre l’auteure et différentes personnes ayant connu l’une ou l’autre des militantes présentées. On peut imaginer que la somme de travail pour retrouver les témoins et pour mener ces entretiens a vraisemblablement été lourde. Certains renseignements proviennent par ailleurs de dictionnaires ou de divers ouvrages biographiques ou autres. Un index des noms de personnes et de sociétés complète le tout.

L’aspect très factuel et technique de l’ensemble n’en font évidemment pas un ouvrage qui se lit comme un roman. Quelques lacunes peuvent par ailleurs être signalées du côté de l’introduction qui est muette sur le nombre de membres du mouvement, sur les années récentes et sur les raisons de l’arrêt de la publication en 1981. C’est par l’information fournie dans le résumé de l’un des articles concernant le mouvement que l’on apprend que le mouvement a failli se dissoudre en 1981 faute de fonds, pour des raisons d’essoufflement de l’équipe de bénévoles responsables et à cause d’une structure trop lourde pour le nombre de militantes. La majorité des groupes de province, engagés dans des actions locales et sensibles à l’importance du mouvement national, entrevoient alors avec une petite équipe de Parisiennes de belles possibilités avec le nouveau ministère des Droits des femmes. Elles allègent les structures, précisent l’orientation féministe modérée du mouvement et le relancent. Cet article mentionne aussi que la revue continuera à paraître de façon espacée.

Pour compléter le tout, on aurait souhaité une conclusion résumant les différentes possibilités ouvertes par cette masse de matériaux, car l’ouvrage fournit une information systématiquement colligée et qui peut sans conteste servir de base à une étude monographique du mouvement Jeunes Femmes ou à une étude prosopographique de ses membres. Ceux et celles qui s’intéressent aux mouvements de femmes y trouveront une matière riche et des pistes de recherche qui ne demandent qu’à être exploitées.