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La réflexion sur le rôle des femmes et leur leadership en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STIM) reste un sujet de l’heure. Cet ouvrage collectif compile des données récentes et des actions accomplies en vue d’augmenter le nombre de femmes leaders dans ces secteurs souvent considérés comme réservés aux hommes. Les enjeux sont importants. L’ouvrage décrit non seulement l’importance d’encourager les filles à se diriger vers les STIM pour augmenter leur représentation, mais aussi pour contrer le manque de relève dans les STIM au Canada et, en fait, partout dans le monde.

On découvre dans cet ouvrage que le leadership des femmes en STIM peut s’exercer de diverses manières comme la pratique d’un métier, le mentorat, le rôle de modèle ou la pédagogie. Le premier chapitre ouvre rapidement la voie sur les enjeux auxquels font face les enseignantes et les enseignants dans les écoles lorsqu’ils veulent encourager les filles à envisager une carrière dans le domaine scientifique. À travers une série de situations, on explore des pistes de solution possibles qui découlent des réflexions pédagogiques. Le chapitre suivant continue le développement des concepts sur les valeurs alternatives que les femmes adoptent en matière de leadership et sur la manière dont cela se reflète dans le fonctionnement des organismes et à l’échelle du politique.

Lorsqu’on parle de leadership, le domaine de l’éducation devient un des fondements pour construire un monde où les femmes seront à l’aise dans leur rôle professionnel. Les données présentées par Gaudet et Lapointe sont troublantes pour ce qui est de la tendance au déclin de la présence des femmes dans les STIM, surtout en ingénierie, des attitudes encore masculines, surtout sur le plan scolaire, et du contenu pédagogique restreint pour encourager les femmes à choisir les STIM. Mais on y trouve aussi une lueur d’espoir à travers un nouveau paradigme éducatif dans une perspective féministe. Ce leadership transformatif devient la base dans un système qui permet aux filles d’augmenter leur niveau de confiance et ainsi de s’affirmer dans des domaines prétendument plus masculins.

Au chapitre suivant, les points de vue des jeunes filles qui étudient dans ces domaines sont présentés à travers de nouveaux yeux. Les résultats préliminaires de Pednault et Williamson permettent d’examiner la perception du leadership par les jeunes et le rôle ou la place du féminisme dans le système d’éducation actuel. Leurs résultats sont des plus intéressants : il existe peu de différences dans les perceptions entre femmes et hommes, bien que certains obstacles soient perçus différemment entre les deux sexes. Une perception importante observée dans cette étude est la rupture des liens avec les mouvements féministes du passé et, en fait, la perception que le féminisme est périmé. Les jeunes femmes d’aujourd’hui ne s’y retrouvent pas et ne s’affilient pas à ces mouvements. On y constate également que les choix de professions sont plus limités en milieu scolaire qu’en milieu industriel ou gouvernemental. Ces données sont certainement fort importantes dans la perspective d’encourager les filles à se diriger vers ces derniers secteurs où la demande, en ce moment, est plus forte.

Cette section du livre se termine par un examen historique d’une leader qui joue un rôle de modèle dans le domaine éducatif au Rwanda. À première vue, cet article semble ne pas avoir sa place dans un ouvrage qui concerne principalement le Canada. Cependant, le message qui y est livré s’avère important : nous devons trouver partout dans le monde ces femmes exceptionnelles qui, comme Marie-Jeanne Noppen, permettent de renforcer le leadership des femmes à l’échelle internationale, et ce, surtout dans le domaine des STIM. Ce chapitre examine les étapes qui ont dû être franchies pour y arriver. À retenir que ces étapes demeurent critiques, surtout lorsque nous parlons d’un pays comme le Rwanda.

La troisième section de l’ouvrage porte principalement sur la dimension du leadership en ingénierie, domaine souvent considéré comme impénétrable pour les femmes. Heap y analyse la poussée du leadership féminin en nous ramenant à l’historique de l’École polytechnique de Montréal. Il est important de souligner que ce type d’analyse est rare au Canada. Il permet d’examiner les perspectives masculines qui sont ancrées dès le XIXe siècle et donc difficiles à changer. À travers une analyse de l’évolution du journal étudiant de l’école, on y voit circuler des idéologies diverses et souvent sexistes. Cependant, avec persévérance on y observe aussi l’évolution des revendications et du positionnement des ingénieures. Et cela se reflète également dans les chapitres suivants de l’ouvrage qui décrivent des actions concrètes accomplies pour promouvoir les femmes comme leaders dans les STIM, au même titre que les hommes. Ainsi, on décrit l’importance de la création de la Chaire Marianne-Mareschal comme une des pierres angulaires pour la promotion des femmes en sciences. Les activités organisées par cette chaire, autant dans les écoles que dans les milieux universitaires et professionnels, sont devenues la base pour maintenir le nombre de femmes dans ces domaines. Il en va de même pour les autres chaires CNRSG qui ont permis de bâtir un réseau qui, on le verra plus tard, aidera à la création de réseaux plus importants pour les femmes en STIM.

Cependant, avant d’y arriver, Potvin et Sévigny décrivent le processus de sensibilisation au leadership féminin au sein de l’Agence spatiale canadienne. Ce chapitre donne une bonne idée des enjeux et des approches qui peuvent être retenues pour mieux promouvoir les femmes comme leaders dans les milieux où celles-ci sont peu présentes. Il importe de préciser que cette évolution au sein de l’Agence s’est faite avec le soutien des femmes et des hommes qui ont cru au besoin de changement. Ce chapitre démontre aussi l’importance du soutien de la haute administration dans ces changements. Une lacune à cet égard peut mener à une augmentation des barrières au lieu de les faire tomber.

Enfin, la dernière section de l’ouvrage est plus légère et comporte peu de cadre d’analyse. On y décrit ou on essaie de promouvoir les divers organismes mis sur pied au cours des dernières années afin d’intéresser les femmes aux STIM et ainsi de leur donner la possibilité de soutenir des actions concrètes dans ce domaine. L’historique et les objectifs de l’Association de la francophonie à propos des femmes en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques et du réseau INWES sont exposés dans les deux derniers chapitres.

Cet ouvrage s’avère intéressant, malgré un certain essoufflement vers la fin, car il permet de continuer une réflexion importante et urgente quant au besoin de maintenir les activités de promotion de l’éducation des femmes en STIM. Cela devient de plus en plus crucial étant donné que le nombre de femmes dans ces domaines tend maintenant à diminuer et, malheureusement, surtout dans des secteurs comme l’industrie et le gouvernement où les femmes sont moins présentes. Ce seront donc les endroits où de grands besoins se feront sentir en matière de main-d’oeuvre. Voilà qui prouve une fois de plus la nécessité de faire la promotion des femmes en STIM et qui nous rappelle que la bataille n’est pas gagnée.