Comptes rendus

Pierrette Daviau (dir.)Pour libérer la théologie. Variations autour de la pensée féministe d’Ivone Gebara. Québec, Les Presses de l’Université Laval, Corporation canadienne des sciences religieuses, 2002, 212 p.[Notice]

  • Anita Caron

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  • Anita Caron
    Sciences religieuses
    Université du Québec à Montréal

L‘ouvrage sous la direction de Pierrette Daviau rassemble cinq textes d’Ivone Gebara, philosophe et théologienne écoféministe du Brésil. Trois de ces textes reprennent des propos tenus lors de conférences prononcées au Québec, en Ontario et en France : Par ailleurs, deux de ces textes sont inédits : Au regard de chacun de ces textes, des féministes québécoises et canadiennes ont été invitées à réagir en proposant un commentaire, un questionnement ou un prolongement : Denise Veillette, professeure de sociologie à l’Université Laval (chapitre deuxième) ; Pierrette Daviau, professeure à la Faculté des sciences humaines de l’Université Saint-Paul (chapitre quatrième) ; Yvette Laprise, membre du Réseau oecuménique des femmes du Québec et membre de la collective L’Autre Parole (chapitre sixième) ; Miriam K. Martin, professeure de théologie à l’Université Saint-Paul (chapitre huitième) ; et Heather Eaton, professeure à l’Université Saint-Paul (chapitre dixième). L’ouvrage né de l’initiative du Centre de recherche femmes et traditions chrétiennes de l’Université Saint-Paul se veut un dialogue de femmes de l’Amérique du Nord avec une théologienne de l’Amérique latine qui, depuis plus de 25 ans, « remet en question les structures patriarcales de l’Église institutionnelle » et « cherche à investir d’un sens nouveau et de symboliques renouvelées l’anthropologie de la personne humaine déchirée… mais aussi sauvée dans le concret de son existence » (p. 61). Il en résulte une source impressionnante de pistes qui ouvrent la voie à une manière de « faire théologie » et de remettre en question « l’imaginaire religieux dans son expression du mal, du péché, du salut, de l’incarnation, de la rédemption » (p. 2), la première de ces pistes étant précisément de « penser l’humain au-delà des religions » (p. 27). Selon Gebara, il faut reconnaître que « l’institutionnalisation des religions, ses codes de lois, ses dogmes et son credo ont trop souvent enlevé à l’imagination la possibilité de s’exprimer » (p. 30-31). Il importe donc, propose-t-elle, de « redonner sens » à l’angoisse existentielle qui « est source d’humanisation, de proximité, de compréhension, de solidarité, de réciprocité » (p. 31). On en arrive alors à découvrir que « l’expérience religieuse naît de nous, de la chaîne des relations de l’humain avec lui-même et avec le monde » (p. 31). Cette expérience partagée, conclut-elle, est déjà elle-même un salut. Ces propos d’Ivone Gebara amènent Denise Veillette à réexaminer « la transcendance en dehors des catégories métaphysiques habituelles » de façon à la vivre, ainsi que le suggère la théologienne brésilienne, comme « une relation incluant les humains, les animaux, les plantes, la terre, le cosmos » (p. 41). C’est une invitation à l’urgence « de retrouver un sens à notre humanité et à définir un nouveau mode de vie collectif » (p. 46) à l’instar de ce que propose Jean-Claude Guillebaud dans l’ouvrage La refondation du monde (Paris, Seuil, 1999) cité par Denise Veillette. C’est ainsi, constate Ivone Gebara, dans le chapitre troisième intitulé : « La spiritualité du quotidien comme source », que nous assistons à « une quête de spiritualité dans les différentes couches de la société » (p. 55) et cette quête, observe-t-elle, est nécessairement plurielle. « Il n’y a plus un centre de sens en dehors de nous. Il y a des centres, des racines, des sources, des puits » (p. 56) et le quotidien en constitue le lieu d’émergence. Pour Ivone Gebara, le quotidien est « une réalité qui crée du sens, qui est génératrice de sens, qui a du sens » (p. 60). Ce quotidien ne peut pas être « seulement l’histoire dans laquelle nous sommes » (p. 62) mais « le moi » …