Comptes rendus

Danièle Kergoat (dir.) « Travail des hommes, travail des femmes – Le mur invisible », Cahiers du genre, no 32, 2002, 250 p.[Notice]

  • Geneviève Dugré

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  • Geneviève Dugré
    Hautes études commerciales
    Montréal

Les inégalités subsistant entre les hommes et les femmes sur le marché du travail sont la source de bien des réflexions. L’articulation des rapports sociaux de sexe est un point d’appui intéressant lorsqu’on s’attache à explorer les dynamiques ségrégationnistes régissant les rapports hommes-femmes. C’est ce à quoi tend ce collectif coordonné par Danièle Kergoat. Réunissant neuf articles, dont un texte hors champ, « Travail des hommes, travail des femmes – Le mur invisible » cherche à circonscrire les thèmes délimitant le rôle joué par le genre en tant qu’élément explicatif des inégalités entre les hommes et les femmes sur le marché du travail. Certains articles de ce collectif cherchent à illustrer les mécanismes de division sexuelle du travail, en s’appuyant sur le rôle joué par le genre (Messing et Elabidi ; Rosende). Ces auteures veulent approfondir les rapports sociaux de sexe pour bien saisir les mécanismes de reconnaissance de la compétence dans certains milieux, les assises de la compétence étant encore fortement corrélées à l’appartenance de genre. D’autres articles, comme ceux de Pfefferkorn et Séhili, cherchent à démontrer la portée des rapports sociaux de sexe sur les politiques publiques d’accès à l’emploi et les politiques d’évaluation des compétences dans les entreprises. Bien que ces politiques soient prises en charge structurellement, par l’État (Pfefferkorn) ou par les entreprises (Séhili), il semble impossible d’isoler les rapports inégaux subsistant entre les genres. Voyons plus en détail les thèmes centraux traités dans chacun de ces articles. Messing et Elabidi présentent une étude sur la division sexuelle du travail réalisée auprès des aides-soignants et des aides-soignantes. Ces chercheuses ont tenté de comprendre ce qui explique l’écart de perception manifesté par les hommes et les femmes quant à la tâche effectuée selon l’appartenance de genre. À partir d’une observation systématique du nombre de tâches exécutées et de l’exigence qui s’y rattache, elles ont voulu vérifier si les représentations du travail des hommes et des femmes correspondaient à la réalité. Leurs résultats ont démontré que, contrairement à la perception générale d’une productivité plus faible des aides-soignantes quant au nombre d’opérations et à l’exigence physique liée à la réalisation de ces dernières, les femmes semblaient faire leur part et même davantage. En fait, l’étude de Messing et Elabidi permet d’articuler le rôle que joue l’appartenance de genre dans la perception – autant chez les hommes que chez les femmes – de l’accomplissement de tâches requérant un effort physique. Ainsi, il semble que des idéaux types de travailleurs et de travailleuses pour des domaines d’activité particuliers perdurent et contribuent aux phénomènes de ségrégation sexuelle du travail. À cet égard, certains emplois tels que celui d’aide-soignant incarnent l’exemple d’un métier où la force physique est un préalable sans lequel il est inconcevable de réussir. En effet, bien que les tâches devant être effectuées dans ce domaine exigent un effort physique pouvant être déployé par les femmes, l’association entre les compétences requises pour effectuer le travail – en l’occurrence la force physique – et l’appartenance au genre subsiste. Pour sa part, Magdalena Rosende présente un article sur la division sexuelle du travail chez les médecins. Elle y établit le lien entre les rapports sociaux de sexe et de classe. Son texte a pour objet de démontrer l’importance de recourir à une méthode en matière de trajectoires personnelles pour mieux approfondir la diversité et la complexité des différences entre les hommes et les femmes qui exercent la médecine, puisque cette méthode permet de mieux comprendre à la fois l’influence des rapports sociaux de classe et l’influence des catégories de genre. Socialement, les genres sont encore conceptualisés dans une logique d’opposition, où le …