Recherches féministes des années 2000-2005 : transmission et passages[Notice]

  • Estelle Lebel

Après trois numéros très ciblés « Également mère », « Femmes et sports », « Mondialisation et altermondialisation », la revue Recherches féministes rassemble ici des textes originaux offerts par ses lectrices et lecteurs et qui ont traversé les filtres rigoureux de ses politiques d’édition. La métaphore du passage les englobe tous et peut être filée pour les présenter tour à tour. Chacun de ces textes exprime en effet un passage, vu comme une transition, mais aussi comme un ensemble de faits communicationnels de transmission qui sollicitent l’analyse féministe pour décrire, dire, et transformer en savoir ce qui est ou n’est pas, ce qui pèse ou manque, dans l’expérience collective des rapports sociaux de sexe. Selon Pierrette Bouchard et Natasha Bouchard qui poursuivent l’observation du phénomène occidental actuel de la sexualisation précoce des toutes jeunes filles, le passage se fait par imprégnation idéologique. Des magazines ciblent les fillettes pour le profit immédiat et à long terme d’industries de la consommation. L’article analyse les conséquences en réception : 32 entretiens ont été réalisés auprès de préadolescentes âgées de 9 à 12 ans. Il met en évidence les modalités de leur adhésion aux contenus offerts, l’impact sur leurs pratiques vestimentaires ainsi que sur leurs représentations d’elles-mêmes et des femmes. La récurrence de plusieurs contradictions est frappante : « un style à soi » mais proposé à toutes, « avoir l’air naturel» mais en utilisant des produits de maquillage et en portant des vêtements inconfortables. Ces messages contradictoires sont des injonctions paradoxales (Watzlawick, Helmick-Beavin et Jackson 1967) et font entrevoir les voies insidieuses que prend l’inculcation idéologique dans l’appropriation des discours tenus par ces revues. Les auteures mettent aussi en évidence les formes possibles de résistance. Le texte de Manon Boulianne explore un passage peu étudié, celui de la cohabitation intergénérationnelle. Pourtant, cette modalité résidentielle élargit l’offre de logement adapté aux besoins des personnes âgées en misant sur des pratiques fortement ancrées dans les rapports de genre et de parenté. La démarche comparative adoptée par l’auteure lui permet de distinguer les similitudes et les particularités entre les situations de cohabitation au Québec et au Japon. À ces deux endroits, les femmes sont les premières responsables des personnes âgées ou dépendantes. Cependant, alors qu’au Japon il est souvent difficile, surtout en milieu rural, pour une belle-fille de se soustraire à la règle patrilocale de résidence chez les parents de son mari, au Québec, où la pratique est plus marginale et plus consensuelle, ce sont surtout les filles (et non les brus) qui s’engagent dans la prise en charge de leur propre père et mère. Soulignons aussi qu’il n’est pas rare que le parent cohabitant, encore là, le plus souvent une femme, soit mis à la tâche avant d’être objet de soin. Un passage plus étroit, un passage protégé, est examiné par Audrey Baril dans son texte sur la sous-représentation des professeures de philosophie dans les universités québécoises : bien qu’elles soient encore peu nombreuses dans toutes les disciplines soit moins du tiers, en philosophie les professeures ne sont qu’environ 15 %. Force est de constater que les hommes ont créé une philosophie masculine qui se prétend neutre, universelle et asexuée mais qui marginalise les femmes et le féminin. L’auteure avance cinq hypothèses explicatives et met en lumière plusieurs dimensions qui révèlent les mécanismes pervers dont use le pouvoir pour se perpétuer. Le dernier article traite d’un thème qui apparaît de plus en plus souvent sur la scène médiatique, celui de la violence des femmes. Vanessa Watramez analyse les discours explicatifs et leurs enjeux politiques à travers la violence chez des lesbiennes. Le discours …

Parties annexes