Comptes rendus

Andrée Dufour et Micheline Dumont Brève histoire des institutrices de la Nouvelle-France à nos jours. Montréal, Boréal, 2004, 220 p.[Notice]

  • Jocelyne Murray

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  • Jocelyne Murray
    Université du Québec à Trois-Rivières

Des milliers de femmes, laïques ou religieuses, ont exercé le métier d’institutrice depuis les débuts de la Nouvelle-France. Que savons-nous du cheminement de toutes ces travailleuses dévouées à la scolarisation des enfants et de leur attachement à cette profession? Est-il possible de tracer un lien entre toutes celles qui ont oeuvré dans l’enseignement du XVIIe siècle jusqu’à nos jours? Quel sera le fil conducteur? Depuis plus de trois siècles, « l’école change; les enfants changent; l’institutrice, elle, demeure toujours le maillon indispensable de l’ensemble du système éducatif » (p. 202). Cette phrase, en clôture de l’ouvrage d’Andrée Dufour et de Micheline Dumont, résume l’ensemble de cette recherche qui explore la place occupée par l’institutrice dans l’instruction publique et dans la société au fil des ans. Aussitôt que l’État vote ses premières lois scolaires, le métier d’enseignant, d’abord dévolu aux hommes, devient rapidement dans la province de Québec une profession féminine. D’où le titre de l’ouvrage. Cette étude bien documentée, ayant comme toile de fond l’histoire de l’éducation, explore de nombreux sujets, notamment, le métier d’enseignante, ses aléas, la formation des candidates, les régimes pédagogiques, les possibilités de carrière, la rémunération et la syndicalisation. Ainsi, de chapitre en chapitre, le lecteur ou la lectrice est en mesure de saisir l’évolution de la profession, des élèves, de l’organisation scolaire, voire de son financement. Si la situation de l’institutrice catholique et francophone domine, celle de l’enseignante protestante et anglophone permet des comparaisons intéressantes. L’ouvrage de Dufour et Dumont adopte une base chronologique qui partage l’histoire des institutrices en six périodes clés qui constituent autant de chapitres. Comme leur étude traite plus de 360 ans, il n’est pas superflu de rappeler succinctement ici le contenu de chacun. En traçant à larges traits cet itinéraire, nous pourrons mieux faire saisir l’évolution du parcours des institutrices et, par la suite, revenir sur certains éléments en particulier. Le premier chapitre, « L’émergence d’un métier (1639-1801) », est consacré aux pionnières de l’enseignement, les Ursulines puis les Soeurs de la Congrégation de Notre-Dame. À cette époque, à l’instar de la situation en France, l’Église détient en Nouvelle-France la responsabilité des écoles. Les unes cloîtrées, les autres non, ces religieuses dispensent alors à des jeunes filles d’une dizaine d’années un enseignement individuel. Le deuxième chapitre, « Institutrices des villes, institutrices des champs (1801-1845) », s’intéresse aux premières enseignantes laïques qui entreprennent le métier à la faveur des premières lois scolaires établies par le Régime britannique. Au milieu des années 1830, elles composent la moitié du personnel enseignant. Leur arrivée coïncide avec le départ des instituteurs. Ceux-ci délaissent un métier mal rémunéré, tandis qu’elles viennent à l’enseignement parce qu’il « représente une des rares occasions de gagner leur subsistance » (p. 42). De plus, elles sont à l’aise avec les jeunes élèves, qualité qui justifiera bientôt leur présence massive dans l’enseignement. Le milieu de travail des institutrices diffère selon les lieux d’appartenance. À la ville, les institutrices francophones adoptent le modèle véhiculé par les enseignantes laïques protestantes et elles ouvrent des écoles privées. Quant aux religieuses enseignantes, elles accaparent les écoles de filles selon les voeux de l’épiscopat. À la campagne, les institutrices laïques accueillent filles et garçons dans leurs écoles de rang ou de village. « L’acceptation de l’institutrice (1846-1899) » devient enfin réalité. Au troisième chapitre, on assiste à la reconnaissance de ce métier, puisqu’il faut détenir un brevet pour l’exercer. Cette exigence formulée dans un premier temps pour les seuls instituteurs sera bientôt obligatoire pour les institutrices. C’est durant cette période que s’ancre définitivement le processus de féminisation de la profession. Les conditions de travail se …