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Les origines

Le Réseau québécois des chercheuses féministes (RQCF) a été créé officiellement en mai 1991, lors du congrès de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences (Acfas), qui se tenait cette année-là à Sherbrooke. L’idée de former un tel réseau était née deux ans auparavant d’échanges et de discussions durant les activités organisées par le Groupe d’enseignement et de recherche féministe (GIERF) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), pendant le congrès de l’Acfas de 1989. Il s’agissait, dans l’esprit des initiatrices du projet, de créer un lieu susceptible de réunir des femmes faisant de la recherche dans une perspective féministe, et souhaitant s’identifier comme telles, quel que soit leur milieu d’appartenance.

À la suite du congrès de 1989, un groupe de travail dirigé par Maria De Koninck, alors titulaire de la Chaire d’étude sur la condition des femmes de l’Université Laval et professeure au Département de médecine sociale et préventive, a jeté les bases sur lesquelles le RQCF s’est ensuite établi : modalités de fonctionnement, objectifs, statuts et règlements du RQCF ont été définis par ce groupe de travail pour être officiellement adoptés en mai 1991, lors de la réunion de fondation au cours de laquelle Claire V. de la Durantaye, professeure à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), a été élue comme première présidente du nouveau réseau.

Les objectifs du RQCF sont restés constants au fil des ans : favoriser le regroupement et la communication entre les chercheuses de différents milieux ; faciliter la circulation de l’information et la diffusion des résultats de la recherche féministe ; promouvoir l’avancement de la recherche féministe et lui donner une plus grande visibilité. S’est éventuellement ajouté le souci de créer un lieu d’échange, d’analyse, d’action, de stratégies, de solidarité et de complicité entre les personnes qui font et utilisent la recherche féministe. Adhérer à ces objectifs et s’acquitter d’une cotisation annuelle ont toujours été les seules exigences à l’égard des membres.

Si l’intention de départ était de rendre le RQCF financièrement autonome grâce à une cotisation annuelle et à une organisation souple et mobile, il est vite apparu qu’un encadrement logistique et un soutien administratif régulier étaient nécessaires pour que les objectifs du RQCF soient atteints. C’est ainsi qu’en 1993 le conseil d’administration du RQCF a demandé au bureau de direction de la Chaire d’étude sur la condition des femmes de l’Université Laval de soutenir officiellement son infrastructure secrétariale. Depuis cette date, l’envoi des documents aux membres, les convocations aux réunions du conseil d’administration, la mise en forme du bulletin de liaison, la conservation des archives, etc., ont été des tâches assumées par le secrétariat de la Chaire d’étude en la personne de France Bolduc, avec l’aide de l’adjointe à la titulaire, Micheline Beauregard.

Le mode de fonctionnement

Dès le départ, le conseil d’administration du RQCF s’est voulu représentatif des différentes origines régionales des membres, de même que des divers lieux où se fait de la recherche féministe. C’est ce conseil, formé en premier lieu des membres du groupe de travail à l’origine du projet, qui s’est occupé de définir (ou, plus tard, de redéfinir au besoin) les orientations et les activités récurrentes ou ponctuelles du RQCF. Les membres du conseil d’administration ont par la suite été élues lors de l’assemblée générale annuelle du RQCF.

Le bulletin de liaison

Dès février 1992, un bulletin de liaison était mis en circulation. La première présidente du RQCF, Claire V. de la Durantaye, y faisait alors un tour d’horizon sur l’état de la recherche féministe et constatait déjà un phénomène de « ressac » ou de « creux de vague » qui ne semble guère s’être résorbé à ce jour, il faut bien l’avouer.

Envisagé comme un moyen de faire circuler l’information concernant la recherche faite par les membres, ce bulletin comporte également, d’une parution à l’autre, des comptes rendus de journées d’étude, des informations plus générales concernant les activités du RQCF et des chroniques dont le contenu a varié au fil des ans. Quelques constantes : le mot de la présidente ouvre tous les numéros, et l’on trouve aussi dans chacun d’eux une rubrique concernant les arrivées de livres féministes sur le marché, particulièrement ceux qui sont écrits par les membres du RQCF. Le bulletin de liaison devient aussi avec le temps le lieu privilégié où la présidente fait annuellement un rapport des activités de son équipe.

Le rythme de publication des bulletins a fluctué selon les activités du RQCF, et aussi suivant la disponibilité des membres du conseil d’administration, qui en ont toujours assumé bénévolement la rédaction. De deux publications annuelles en général, il est arrivé que, le besoin s’en faisant sentir, le nombre passe à quatre numéros dans l’année, par exemple en 1995. Un virage technologique est par ailleurs survenu en octobre 2001 : l’envoi du bulletin par courrier électronique est alors devenu la norme après une vérification auprès des membres pour s’assurer de leur accord avec cette nouvelle manière de faire les choses. Seulement quelques-unes ont préféré recevoir une version papier du bulletin et leur choix a été respecté.

Un réseau « consulté »

Depuis sa création, le RQCF a toujours été un organisme auquel on faisait appel pour diverses consultations. Que ce soit en effet à la demande du Secrétariat à la condition féminine du gouvernement du Québec ou encore du Conseil du statut de la femme, la présidente (ou une des membres du conseil d’administration) a été appelée à participer à diverses réunions de discussion en vue de planifications stratégiques. Le Secrétariat d’État à la condition féminine du Canada a lui aussi organisé de grands forums de consultation auxquels le RQCF a participé, généralement par l’entremise de sa présidente (notamment les 28 février et 1er mars 2003).

Les temps de rencontre et les activités du RQCF

Les journées d’étude, ateliers, conférences ou colloques, de même que les assemblées générales annuelles, ont été les principaux points de rencontre et d’échange entre les membres depuis le tout début des activités du RQCF. Les thèmes abordés visitées au cours de ces diverses activités ont varié, mais elles avaient en commun l’objectif d’éclairer un ou des aspects de la recherche féministe, recherche qui se fait dans différents milieux et qui analyse et prend en considération la condition des femmes et les rapports sociaux de sexe.

1993-1995

Le coup d’envoi des journées d’étude a eu lieu à Québec, le 16 octobre 1993, sous la forme d’une sorte de bilan et de prospective concernant le développement de la recherche féministe au Québec. Coiffée du titre « Recherche féministe et développement de la connaissance », cette journée d’étude s’est révélée un franc succès et, partant, un encouragement à poursuivre le même genre d’activités. Il s’était agi en quelque sorte de lancer la réflexion et de saisir l’occasion de faire le point sur la recherche féministe menée dans les milieux universitaires et collégiaux, certes, mais aussi dans d’autres lieux, tels le gouvernement et les groupes de femmes. La professeure Anita Caron, de l’UQAM, était devenue entre-temps la deuxième présidente du RQCF lors d’une assemblée générale tenue à Rimouski.

Dans la foulée de cette première réussite et à l’occasion des activités du RQCF lors du Congrès de l’Acfas, à Montréal, le 17 mai 1994, Mme Dominique Payette a été invitée à prononcer une conférence : « Le sens et la portée d’un projet féministe de société ». On était à ce moment-là au coeur des discussions concernant la « ghettoïsation » versus l’« intégration » des connaissances féministes. Devant les réticences, voire les résistances des collègues masculins à la diffusion des connaissances féministes dans les activités courantes des disciplines, la question se posait en effet quant au meilleur moyen d’assurer le développement et la diffusion de ces connaissances féministes.

L’automne 1994 a vu naître ensuite les préparatifs pour la Quatrième Conférence mondiale de l’Organisation des Nations Unies (ONU) sur les femmes (Beijing). Étant donné l’importance de cette conférence au regard de la situation des femmes dans le monde, y compris celles du Québec, et considérant le peu d’informations transmises sur l’événement dans les milieux de recherche respectifs de ses membres, le RQCF a choisi d’en faire le sujet d’une journée d’étude à Québec, le 5 novembre 1994. Des contacts se sont développés par la suite entre le RQCF et le Comité Québec-Beijing mis en place par les organismes non gouvernementaux (ONG) en préparation de cette importante conférence mondiale.

En décembre 1994, une étudiante inscrite au deuxième cycle en communications à l’Université Laval, Ingrid Pux, s’est par ailleurs intéressée au RQCF et a décidé d’en faire l’objet d’étude de son essai de maîtrise. Cette jeune étudiante venue de France avait de l’intérêt pour le féminisme québécois en général, mais c’est surtout l’aspect « circulation de l’information », de même que les moyens d’assurer la diffusion des recherches qui devaient retenir son attention dans son essai. Micheline Beauregard a alors accepté de lui servir de directrice de stage jusqu’à la production de l’essai intitulé : Le rôle de la communication dans les organismes à but non lucratif : le cas du Réseau québécois des chercheuses féministes. Ingrid Pux s’est aussi penchée sur les contacts établis avec d’autres organismes par le RQCF, par exemple le Réseau des chercheuses féministes de l’Ontario Français (RCFOF), l’Association canadienne des études sur les femmes (ACEF), l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI), l’Institut canadien de recherches sur les femmes (ICREF), la Fédération canadienne des sciences sociales. Les résultats de son travail de recherche lui ont permis d’obtenir sa maîtrise en avril 1996. Elle concluait son travail d’analyse sur la communication au sein du RQCF en insistant sur le fait qu’il fallait favoriser la circulation des informations, notamment par le bulletin de liaison et par Internet.

1995-2000

Le 3 juin 1995, une table ronde animée par la présidente Anita Caron a servi d’ultime préparation à la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes : plusieurs des personnes qui y assistaient s’apprêtaient à participer au grand rendez-vous organisé parallèlement à la Conférence officielle de Beijing par des ONG féministes de tous les coins du monde. Cette table ronde, intitulée À l’heure de la Conférence de Beijing, la nécessaire interaction entre les chercheuses féministes et les groupes de femmes tombait pile ! Dès janvier 1995, Micheline Beauregard avait par ailleurs demandé l’accréditation officielle du RQCF en tant qu’ONG québécoise autorisée à déléguer quelques membres à cette conférence. C’est ainsi qu’à titres divers (et surtout privés) quelques membres du RQCF se sont effectivement retrouvées à Beijing à la fin de l’été 1995. Sur le programme officiel de la conférence parallèle, NGO Forum on Women, qui s’est déroulée à Huairou, à 55 km environ de Beijing, apparaît, en page 38, la tenue d’une table ronde organisée par le RQCF prévue le vendredi 1er septembre 1995 à 13h sous le titre suivant : « Contribution de la recherche féminine[1] à la société québécoise ». Une vingtaine de personnes ont assisté à cette activité officielle du RQCF en Chine, dont plusieurs Françaises, des Africaines francophones, des Polonaises, des Américaines et des Chinoises. C’est la présidente Anita Caron qui avait participé, au nom du RQCF, à la rencontre du Comité québécois préparatoire à Beijing et elle a fait de même au moment où ce dernier est devenu, après cette conférence, le Comité québécois de suivi à Beijing.

Pour répondre au souhait émis par les membres lors de l’assemblée générale du 3 juin 1995, une journée d’étude a été organisée le 25 novembre de la même année concernant l’impact de la montée des intégrismes sur la situation des femmes du Québec et d’ailleurs. La poursuite de la réflexion sur ce sujet préoccupant a été facilitée par la publication dans le bulletin de liaison suivant cette journée d’étude d’une brève bibliographie préparée par l’une des membres du conseil d’administration.

Le colloque « La recherche féministe dans la francophonie », organisé en septembre 1996 par la Chaire d’étude sur la condition des femmes de l’Université Laval, a été l’occasion pour le RQCF d’être l’hôte d’une activité préparée par le Réseau mondial d’échange d’information, de solidarité, de mobilisation et de formation entre groupes de femmes autonomes utilisant la langue française comme outil de travail. Ce réseau, issu directement du Forum des ONG de Huairou, en parallèle de la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes de Beijing, a ensuite été pris en main par le Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine (CDECAF) de Montréal. Il est utile de préciser que sa mise sur pied avait paru nécessaire à la suite d’un constat de marginalisation du français comme langue de communication sur la scène internationale, particulièrement lors des rencontres de Vienne, du Caire et de Copenhague. Jugeant en effet que la situation devenait de plus en plus problématique d’une conférence à l’autre, plusieurs groupes de femmes, alertés par le CDECAF, avaient lancé ce projet de réseau. Une tournée de consultation avait même été organisée (en mai et juin 1995), soit juste avant la Conférence de Beijing, et des représentantes du Mali, du Burkina Faso, du Cameroun, du Togo et du Rwanda s’étaient alors jointes aux Québécoises, ainsi qu’aux autres Canadiennes francophones, pour discuter de la pertinence du projet.

Ce même automne de 1996, une table de travail a été formée par le RQCF dans le but de mieux comprendre les enjeux de la promotion de l’économie sociale et les implications en découlant pour le travail des chercheuses féministes. Les revendications des femmes au moment de la Marche des femmes contre la pauvreté, « Du pain et des roses », en 1995 avaient donné lieu à la mise en place, par le gouvernement du Québec, d’un comité d’orientation et de concertation sur l’économie sociale. C’est à partir du rapport produit par ce comité, entre autres, que les participantes à la table de travail du 22 novembre devaient examiner, en premier lieu, les différentes avenues à explorer pour que le développement de l’économie sociale puisse éventuellement contribuer d’une façon significative à résoudre le problème de la pauvreté des femmes et faire en sorte, en deuxième lieu, que leur participation soit effective dans tous les secteurs de l’activité économique. Il était entendu au départ que les pistes de recherche et d’action mises en évidence lors de cette rencontre seraient par la suite soumises à l’attention des chercheuses de différents horizons disciplinaires à l’occasion d’une journée d’étude consacrée à cette problématique.

Le 21 février 1997, la journée d’étude organisée par le RQCF, « [L]’économie sociale : situation actuelle et enjeux pour les femmes du Québec », réunissait plus de 100 femmes venues de toutes les régions du Québec. Les semaines suivantes, une demande de subvention était acheminée au Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) par la présidente Anita Caron et par Marielle Tremblay, membre du conseil d’administration du RQCF et professeure à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). Il s’agissait d’un projet de développement de partenariat stratégique entre des chercheuses du RQCF et d’autres instances, comme Relais-femmes et le Service aux collectivités de l’UQAM, ayant acquis une expertise reconnue dans l’aménagement de projets de formation et de recherche répondant à des besoins précisés par différents groupes de femmes. C’est ainsi que le 13 juin suivant, 27 chercheuses et spécialistes de diverses questions participaient à une autre rencontre qui avait pour objet, cette fois, d’explorer des possibilités de mise en réseau de travaux en cours ou en projet sur la problématique de l’économie sociale et de ses enjeux sur les conditions de vie et de santé des femmes. Anita Caron rapporte dans le bulletin de liaison paru cet automne-là que cette dernière rencontre a finalement permis de prendre connaissance d’un certain nombre de recherches portant sur la place des femmes dans des projets dits d’économie sociale et de mettre en lumière les questionnements suscités dans les groupes de femmes par la réalisation de ces projets. L’évaluation de l’apport des centres de femmes au développement de leurs régions et les effets combinés de l’économie sociale et du virage ambulatoire sur les conditions de vie des femmes comme soignantes et travailleuses de la santé et des services sociaux étaient également des points considérés par les recherches des participantes à la rencontre. Il en était de même pour la culture organisationnelle des groupes de femmes et les analyses comparatives de programmes d’assistance et d’intégration à l’emploi élaborés aux États-Unis, en France et au Québec.

Après avoir examiné un certain nombre de modalités de réseautage, le RQCF a retenu une formule consistant en des ateliers stratégiques auxquels une trentaine de personnes avaient annoncé leur intention de participer. La demande de subvention adressée au CRSH prévoyait donc l’organisation de trois ateliers dont le premier a eu lieu à l’automne 1998 autour du thème de l’économie sociale. Le deuxième atelier était prévu pour le printemps 1999 et devait tenter un questionnement féministe de l’évaluation du modèle néolibéral toujours présent dans les politiques et les pratiques d’économie sociale. Il était entendu que le troisième atelier s’articulerait autour de l’exploration de stratégies pouvant permettre aux femmes et aux groupes de femmes d’infléchir les politiques et les pratiques en vigueur dans ce domaine. Ce dernier atelier était prévu pour le printemps 2000. Anick Druelle était alors la membre du conseil d’administration chargée de faire le suivi de la démarche pour le RQCF. Finalement, une subvention a été accordée par le CRSH pour la tenue de deux ateliers stratégiques plutôt que trois. Ceux-ci ont eu lieu en octobre 1998 et en juin 1999 dans la région de Montréal, avec les partenaires pressenties en 1997, et dans la suite logique de la rencontre organisée par le RQCF en février de cette année-là. Entre-temps, le RQCF avait adhéré à Relais-femmes (janvier 1999) et un réseau de chercheuses et de spécialistes en matière d’économie sociale prenait forme.

Le 20 mars 1998, une journée d’étude a réuni quelque 80 personnes particulièrement désireuses d’échanger sur le thème de la rencontre : « Féminisme et pluralisme : où en sommes-nous ? » Le bulletin de liaison du mois d’avril suivant a fait longuement rapport des propos tenus à cette occasion. On y soulignait aussi la nécessité de favoriser la création d’espaces de débats facilitant l’émergence d’un « nous inclusif » dans lequel pourraient se retrouver de multiples sujets-femmes aux orientations et aux sensibilités les plus diversifiées. Une table de travail formée de personnes ayant manifesté le désir d’approfondir la problématique s’est par la suite réunie le 18 septembre 1998. Comme plusieurs chercheuses autonomes y ont alors manifesté beaucoup d’intérêt pour le multiculturalisme, une rencontre de plus ample envergure a aussitôt été envisagée. C’est ainsi qu’en mai 1999 le RQCF a tenu, lors du congrès annuel de l’Acfas, à Ottawa, le colloque « Pluralisme et recherches féministes ».

Le RQCF s’étant rendu à l’évidence que trop peu de ses membres venaient de l’ensemble des communautés culturelles québécoises, les membres du conseil d’administration ont dès lors senti la nécessité de recentrer leurs interrogations sur la question précise du pluralisme « ethnique ». Afin d’aider à clarifier les besoins de part et d’autre sur cette question, un certain nombre de chercheuses d’origines diverses ont été invitées à partager leurs vues et leurs réflexions sur les modalités de réseautage pouvant être envisagées. Des rencontres ont donc été organisées les 2 et 3 décembre 1999 entre les membres du conseil d’administration du RQCF et six ou sept chercheuses d’origine ethnoculturelle autre que celle dite « de souche québécoise ». Il en est ressorti que les préoccupations de recherche de ces chercheuses féministes sont très orientées vers des problématiques spécifiques, souvent rattachés à l’immigration et à la marginalisation de ces groupes culturels, et que ce sont avant tout des considérations d’ordre socioéconomique liées à leur situation le plus souvent précaire qui entravent leur participation au développement de la recherche féministe selon leurs perspectives.

2000-2004

À la suite de plusieurs activités et rencontres, dont celle du 24 février 2000 qui réunissait des chercheuses d’origines diverses ainsi que des membres du conseil d’administration du RQCF, ces chercheuses ont créé leur propre réseau pour analyser et comprendre l’état de l’insertion des femmes immigrantes dans le milieu de la recherche au Québec. Ce deuxième lieu de réseautage né du RQCF a bénéficié d’une aide financière accordée par l’Alliance de recherche IREF/Relais-femmes (ARIR) permettant la réalisation d’une recherche exploratoire menée sous forme d’entrevues auprès de chercheuses et d’étudiantes originaires de l’Afrique, du Moyen-Orient et de l’Amérique latine. Anita Caron, présidente du RQCF, et Maria Elisa Montejo, membre du conseil d’administration, ont assumé la coordination de cette recherche réalisée par Naïma Bendris, Amel Belhassen et Célia Rojas.

C’est par ailleurs à peu près à ce moment-là que le RQCF a commencé à explorer les possibilités offertes par Internet pour la mise en réseau des chercheuses. Les membres étaient entre autres invitées par l’entremise du bulletin de liaison à entrer en contact avec PAR-L, liste d’envoi électronique permettant l’échange d’information sur les politiques, l’action et la recherche sur toutes questions touchant les femmes au Canada. De son côté, Claudie Solar informait le groupe « Internet au féminin » de l’intérêt du RQCF pour le projet d’inforoute et surtout de l’adhésion du RQCF à titre de partenaire. Finalement, le site Netfemmes a été inauguré le 24 novembre 1998 et les chercheuses du RQCF ont été intégrées à la banque des ressources.

C’est aussi à ce moment-là que les rencontres en vue de la Marche mondiale des femmes en l’an 2000 ont commencé un peu partout au Québec. Anick Druelle s’est alors vue mandatée par le conseil d’administration pour représenter le RQCF aux réunions de la Coalition nationale contre la pauvreté, aussi bien qu’aux réunions de stratégie du volet international de la Marche mondiale des femmes. Au nom de ses membres, le conseil d’administration a d’ailleurs exprimé rapidement son appui aux revendications formulées par la Coalition et Anick a même représenté le RQCF lors de la délégation des ONG canadiennes à New York à l’occasion de la 44e session de la Commission des Nations Unies sur la condition des femmes.

Une journée d’étude en vue de procurer aux participantes un lieu propice aux interrogations entourant l’instauration de l’analyse différenciée selon le sexe dans l’élaboration des politiques sociales, l’octroi de subventions ou tout projet de loi et de réglementation a eu lieu à Trois-Rivières le 19 mars 1999, avec le concours de Louise Lafortune, professeure à l’UQTR et membre du conseil d’administration. La sous-ministre associée au Secrétariat à la condition féminine, Léa Cousineau, a profité de l’occasion pour présenter aux participantes l’évolution du projet du point de vue des stratégies mises en avant et de l’instrumentation en cours d’élaboration. Le bulletin de liaison du mois d’avril suivant a rendu compte de façon extensive de cette journée d’étude et, en novembre 1999, Hélène Massé, membre du conseil d’administration, soulignait, toujours dans le bulletin de liaison, la sortie et l’adoption par les autorités gouvernementales du rapport de la première étape des travaux. Les recommandations de ce premier rapport devaient constituer des éléments importants pour guider la deuxième étape des travaux du comité interministériel.

À la suite de subventions obtenues pour un développement de partenariats stratégiques (1997-1998) et pour la tenue d’ateliers de recherche stratégique (1998-2000), des chercheuses et des spécialistes qui avaient dans un premier temps été réunies par le RQCF et qui avaient par la suite participé à des travaux touchant des créneaux de plus en plus précis ont décidé de constituer un nouveau réseau ayant comme objectif d’explorer de quelle façon un renouvellement des théories et des pratiques économiques et politiques pourrait contribuer au développement d’un projet démocratique de société et à la transformation des rapports sociaux de sexe. Ces chercheuses et spécialistes étaient fermement convaincues que l’appauvrissement des femmes actuellement observé à des degrés divers dans l’ensemble des pays du monde est dû en grande partie à un partage inégal du pouvoir entre les hommes et les femmes, partage inégal fondé sur une organisation patriarcale des sociétés. Elles reconnaissaient aussi comme une certitude le fait que l’élimination de la pauvreté et l’accès au développement durable ne sauraient en conséquence être possibles sans une pleine participation des femmes à la formulation d’un modèle de distribution des richesses qui reposerait sur des valeurs de justice et d’équité. Les travaux poursuivis (ou projetés) par celles qui ont alors manifesté leur intérêt à participer à un tel réseau portaient déjà sur des objets pouvant contribuer à mettre en question un mode de développement capitaliste fondé quasi exclusivement sur la croissance économique et la mondialisation. Leurs travaux de recherche montraient également une attention à la promotion de politiques assurant l’égalité des droits en matière de distribution des richesses.

Une demande de subvention, faite en partenariat avec Relais-femmes et le Service aux collectivités de l’UQAM, a alors été acheminée au CRSH en vue du financement des activités projetées par le nouveau réseau. Cette demande de subvention préparée par la chercheuse principale et présidente du RQCF, Anita Caron, en collaboration avec des collègues chercheuses chevronnées, a été favorablement accueillie par l’organisme subventionnaire sollicité et une subvention leur a été accordée pour trois ans. Une équipe de coordination a alors été mise sur pied en 2000 pour assurer la bonne marche des activités du Réseau féministe pour un renouvellement des théories et pratiques économiques et politiques. Autonome, ce nouveau réseau a tenu ses activités, tel que cela avait été prévu, sous la forme de trois ateliers régionaux suivis d’un colloque international. Le premier atelier a eu lieu à Chicoutimi les 5 et 6 avril 2001 sous la responsabilité commune de Marielle Tremblay, de l’UQAC, et de Nicole Thivierge, de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). Il avait pour thème : « Régionalisation et démocratie : les défis d’une citoyenneté active pour les femmes ». Le deuxième atelier, pris en charge par Francine Saillant et Manon Boulianne, deux professeures au Département d’anthropologie de l’Université Laval, s’intitulait : « La transformation des systèmes de services sociaux et de santé et le mouvement pour la santé des femmes : enjeux contemporains, résistances et pratiques novatrices ». C’est Sylvie Morel, également professeure à l’Université Laval, qui a mis sur pied le troisième atelier : « Sécurité économique des femmes et politiques sociales : perspectives théoriques et voies de prospective », alors que le colloque international « L’accès des femmes à l’économie à l’heure de l’intégration des Amériques : quelle économie ? » a été organisé conjointement par le RQCF et l’ARIR, sous la responsabilité de Lucie Lamarche, professeure de sciences juridiques à l’UQAM et Margie Mendell, professeure à l’École des affaires publiques et communautaires à l’Université Concordia.

Tout au cours des trois années de travaux menés en commun par les chercheuses engagées dans le Réseau féministe pour un renouvellement des théories et pratiques économiques et politiques, divers projets de recherche et de formation ont pris forme, dont un projet pilote de formation orienté dans une perspective de recherche-action, destiné à des groupes de femmes du Québec, de la France et de la Belgique. Ce projet en cours de réalisation est sous la responsabilité de Sylvie Morel, Marie-Lise Semblat, Ruth Rose, Louise Brossard, Nadine Goudreault et France Tardif. Il peut compter sur la collaboration de Relais-femmes, du réseau Actrices sociales des territoires européens ruraux (ASTER), du Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail (CIAFT) et de la Marche mondiale des femmes.

On peut certes voir là les résultats très concrets d’une multiplication efficace de mises en réseau successives de chercheuses féministes québécoises dont le RQCF est vraiment à l’origine. Cependant, c’est avant tout une preuve évidente, s’il en était besoin, de l’activité incessante et extrêmement productive de la présidente Anita Caron pendant toutes les années qu’elle a consacrées au RQCF.

En mai 2001, Claudie Solar acceptait de prendre la barre du RQCF. Ce dernier avait déjà dix ans d’existence officielle, et il a semblé opportun de procéder à une sorte de radiographie de l’organisation. Le portrait des chercheuses inscrites au RQCF, dont le détail est présenté dans le bulletin de liaison d’octobre 2001 et repris dans celui de décembre 2002, était celui de chercheuses féministes essentiellement inscrites dans le champ des sciences sociales, tout particulièrement la sociologie.

Dans un autre ordre d’idées, les années 2000 sont marquées par une évolution fulgurante des modes de communication. Les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont devenues dès lors des outils incontournables dans le cas de la recherche. Cela invitait en quelque sorte le RQCF à s’adapter à de nouvelles façons de joindre ses membres, entre autres par un bulletin de liaison désormais passé du côté de l’électronique. Le changement a été bien accepté, mais, en revanche, l’expérience d’une première rencontre virtuelle du conseil d’administration par l’entremise d’une liste de discussion, créée sur le serveur Netfemmes du CDEACF, s’est révélée plus mitigée en raison de la durée, de la dispersion et de l’asynchronie des échanges qui rendaient le suivi de la discussion et la prise de décision difficiles. Par ailleurs, la diffusion du bulletin sur Internet commandait de créer un nouveau logo, plus « léger » pour la transmission en ligne, ce qui se concrétisera, sous le graphisme de Guillaume Solar-Pelletier, en mars 2003.

Pendant l’année 2001-2002, deux séminaires-ateliers ont été organisés à l’Université de Montréal par la présidente Claudie Solar, en collaboration avec quelques partenaires d’autres milieux de recherche. Le premier, en décembre 2001, portait sur les femmes et les TIC et était offert sous le titre « Des souris et des femmes : les TIC apprivoisées ». Une trentaine de femmes ont participé avec enthousiasme à cette activité subventionnée par le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie. Le deuxième, en février 2002, s’intitulait « Crises politiques et femmes arabes au Québec : les effets du 11 septembre ». Naïma Bendris, l’une des membres du conseil d’administration du RQCF, était alors la conférencière de la rencontre. Les échanges entre les quelque 30 personnes qui s’étaient déplacées pour y assister ont été animés.

En mai 2002, le RQCF orchestrait un colloque à l’occasion du congrès annuel de l’Acfas qui se tenait à Québec. Claudie Solar et Marie-José Nadal, respectivement présidente et membre du conseil d’administration, en assumaient la responsabilité et invitaient les conférencières et conférenciers à répondre à la question suivante : « La formation continue a-t-elle du genre ? » Des participantes du Québec, de la France et du Mexique, tant du milieu de la recherche que des groupes de femmes, ont partagé leurs connaissances et leurs pratiques pour tenter d’apporter des réponses à la question. Cette rencontre a été rendue possible grâce à un soutien financier du Centre de recherche interdisciplinaire sur la profession et la formation enseignante (CRIFPE). Une autre subvention de l’Université de Montréal a permis à Claudie Solar d’organiser un atelier sur le même thème lors du Troisième Colloque international de la recherche féministe francophone qui se tenait à Toulouse l’automne suivant. Des communications du Québec, de la France et de la Suisse ont permis d’approfondir la problématique, d’une part, et de consolider le réseautage international, d’autre part[2].

Toujours sous l’angle de la recherche et de la formation, le RQCF s’est également intéressé aux espaces de la définition, de la construction et de la diffusion du savoir. Si la recherche féministe est là pour témoigner de la conquête de ces espaces, on n’en sait toutefois que très peu sur le contexte de travail des chercheuses féministes, surtout celui des jeunes chercheuses, de celles qui sont d’origines diverses ou qui ont un statut précaire. C’est la raison pour laquelle le RQCF a consacré une journée d’étude à cette question. « Femmes et recherche : de la précarité à la permanence en passant par la marginalité » permettait d’échanger sur le statut de la recherche féministe conjointement avec celui des personnes qui la font. Entre marginalité, marginalisation et exclusion, les enjeux mis en lumière ont permis d’examiner ouvertement les conditions de travail de la relève féministe, tout particulièrement au sein des universités. Cette journée d’étude, qui s’est tenue le 29 mars 2003, à la maison Parent-Roback, à Montréal, avait en effet pour objet de faire le point sur la situation régnant dans les différents milieux de la recherche féministe québécoise, tout en offrant une possibilité de discuter de stratégies et de moyens d’action à mettre au point en vue d’assurer la place des femmes dans le domaine de la recherche féministe. La solidarité était à l’ordre du jour et cette rencontre s’est avérée particulièrement agréable et productive.

2004 : mission accomplie

Entre le démarrage du RQCF et aujourd’hui, quinze années se sont écoulées, années riches en évolution et en changements. En 1988, des groupes de recherche féministe tels le GIERF (UQAM) et le Groupe de recherche multidisciplinaire (GREMF) (Université Laval) avaient déjà quelques années d’existence et la Chaire d’étude sur la condition des femmes (qui se nomme depuis 1997 la Chaire d’étude Claire-Bonenfant sur la condition des femmes) venait tout juste d’être créée par le Secrétariat d’État du Canada. Il y avait aussi un groupe de liaison université-milieu (Relais-femmes), des cahiers de recherche et la revue Recherches féministes, mais il faut ajouter aussitôt que l’institutionnalisation des études féministes au Québec francophone était loin d’avoir atteint l’envergure qu’elle a à l’heure actuelle avec l’Institut de recherche et d’études féministes (IREF) à l’UQAM, l’ARIR, l’Observatoire sur le développement régional et l’analyse différenciée selon les sexes (OREGAND) à l’Université du Québec en Outaouais (UQO), les chaires CRSNG/Alcan sur les femmes en génie (Université Laval) et Marianne-Mareschal (École polytechnique de Montréal), l’Université féministe d’été de l’Université Laval et Netfemmes. Sans compter la multiplication des sites Internet des groupes de femmes ou de recherche et les divers programmes d’études féministes dans les universités.

Il faut insister sur le fait que les TIC ont joué un rôle important dans les changements soulignés ici : elles favorisent désormais les communications et, par conséquent, le réseautage et elles facilitent du coup la diffusion de l’information sur une plus grande échelle. C’est donc dans ce contexte, celui d’une ère numérique évoluant sans cesse, accompagnant une institutionnalisation plus marquée des études et des recherches féministes, tout au moins dans quelques universités, que ce bilan des activités a été présenté aux membres du RQCF en assemblée générale le 11 mai 2004. Cela a alors été l’occasion de se pencher sur les besoins actuels à la lumière d’une relecture des objectifs qu’avait définis le RQCF au moment de sa création.

Objectif 1 Favoriser le regroupement et la communication entre les chercheuses de différents milieux

Le réseautage des années 90 a permis aux chercheuses de se connaître, de repérer le champ d’expertise et d’intérêt de chacune ainsi que de construire des groupes de recherche, des formes de collaboration appréciées et multiples. En milieu universitaire, les effets ont été vite ressentis, car le RQCF permettait d’aller chercher des appuis nécessaires pour faire avancer l’entrée ou la consolidation de la recherche et des études féministes dans les universités, particulièrement à l’UQAM et à l’Université Laval, ainsi que dans le monde scientifique. Il faut se rappeler ici la section « Études féministes » obtenue de haute lutte au début de la décennie, section bien définie et très visible lors des congrès de l’Acfas pendant un temps, mais qui a subrepticement glissé depuis quelques années dans la disciplinarité.

Le réseautage de ces années-là impliquait aussi la construction d’échange et de solidarité avec le milieu gouvernemental et les groupes de femmes. Or, le veto de l’assemblée générale de 1995, au moment d’entériner une transformation du RQCF en RQRF (Réseau québécois de la recherche féministe), proposition qui devait principalement permettre de remplacer le terme « chercheuse » par celui, plus large, de « recherche », semble avoir rendu moins attrayante aux personnes du milieu gouvernemental la participation aux activités du RQCF. Le nombre de membres issues de ce milieu a en effet régulièrement diminué, surtout à partir de ce moment-là.

Un portrait du RQCF pris en deux temps montre qu’en 1995 celui-ci comptait 113 membres dont la répartition entre les différents milieux de recherche se lisait ainsi : 79 universitaires, 3 membres issues du milieu collégial, 15 du milieu gouvernemental et 16 chercheuses autonomes ; en 2001, l’effectif était passé de 113 à 92 membres : 53 venant des universités, 10 du milieu gouvernemental, 8 chercheuses autonomes, 16 étudiantes et 5 membres individuelles sans rattachement défini. Entre ces deux dates, on peut constater qu’une baisse dans la participation est intervenue de manière générale, même si une plus grande ouverture aux étudiantes a été reçue positivement et qu’ainsi la visibilité du RQCF s’en est trouvée améliorée pour un temps.

Le nombre de membres, avant relance toutefois, se situait au début de 2004 à 42, dont des représentantes de divers regroupements : l’Association nationale des études féministes (France), le CDEACF, le RCFOF et Femmes regroupées en option non traditionnelle (FRONT). L’ensemble de la situation montre donc une chute importante dans le nombre de nouvelles adhésions, de même qu’un fléchissement tout aussi apparent dans le renouvellement annuel.

Force est de constater qu’aujourd’hui, avec l’omniprésence des TIC, la situation est bien différente comparativement à celle du début des années 90. Internet a une capacité de démultiplication telle qu’il est désormais aisé pour chacune de lancer un appel sur la toile numérique et d’obtenir une réponse ou une collaboration pertinente en provenance d’ici ou d’ailleurs, d’une membre d’un réseau ou de la chaîne qui se sera construite à partir de l’une des membres du groupe. Internet fait fi des lieux, des milieux, du temps et de l’espace. En somme, les TIC favorisent si bien les communications que le RQCF n’a plus vraiment de rôle à jouer dans ce nouveau cadre. En concentrant par ailleurs les chercheuses principalement dans deux villes, Montréal et Québec, sinon dans deux institutions, l’institutionnalisation progressive de la recherche féministe a paradoxalement contribué à ce que le premier objectif du RQCF soit en quelque sorte atteint.

Objectif 2 Faciliter la circulation de l’information et la diffusion des résultats de la recherche féministe

Ici aussi Internet est venu changer le contexte. La multiplication des sites de femmes, des groupes de femmes, des centres de recherche et autres organisations a rendu caduc l’effort de mise en circulation de l’information du RQCF. Sans son propre site, ce qui ne pouvait absolument pas être envisagé à ce moment-là en raison d’un évident manque de moyens, il est grandement préférable que le RQCF cède le pas sur ce point à des organismes qui assurent déjà très bien la diffusion des savoirs féministes. C’est le cas notamment du CDEACF et de Netfemmes. Tout comme il appartenait aux membres de communiquer les résultats de leurs travaux au RQCF pour qu’il les diffuse, elles devront dorénavant prendre contact avec l’un ou l’autre de ces sites pour voir leur recherche diffusée sur Internet.

Objectif 3 Promouvoir l’avancement de la recherche féministe et lui donner une plus grande visibilité

Le RQCF a inlassablement visé l’avancement de la recherche féministe, lui assurant une plus grande visibilité dans la mesure de ses moyens. Les ateliers, journées d’étude et colloques en font foi, de même que les diverses participations à des rencontres, forums, débats et autres événements orchestrés par les membres. La collaboration avec différents milieux est également très significative. Les groupes et les organisations qui travaillent à promouvoir l’avancement de la recherche féministe se sont par ailleurs multipliés pendant que les chercheuses elles-mêmes se centraient davantage, pour la plupart, sur des aspects particuliers de la recherche féministe. En effet, si au début des années 90, les thèmes discutés étaient, pourrait-on dire, transversaux et interpellaient plus généralement toutes les chercheuses, une sorte de spécialisation des centres d’intérêt est intervenue au fil du temps. Par exemple, la formation continue concerne un champ spécifique de la recherche féministe appelé à toucher une catégorie bien précise de membres du RQCF. Le temps étant devenu une denrée rare, beaucoup font en définitive le choix de s’en tenir aux activités qui sont plus proches de leurs objets de recherche personnels.

Objectif 4 Créer un lieu d’échange, d’analyse, d’action, de stratégie, de solidarité et de complicité entre les personnes qui font et utilisent la recherche féministe

Cet objectif s’est ajouté aux trois autres en 1995, notamment pour tenir compte de la diversité des lieux de pratique et de statut des membres. Les chercheuses autonomes, les personnes-ressources et spécialistes dans les groupes de femmes ou les chercheuses qui travaillent dans des organismes gouvernementaux sont généralement loin des universités, tant des chercheuses féministes qui y travaillent que des étudiantes qui y apprennent à faire de la recherche féministe. Il s’agissait avant tout d’unir les forces vives du mouvement des femmes. Les activités menées conjointement avec le CDEACF, Netfemmes ou le Mouvement international pour les femmes et l’enseignement des mathématiques (MOIFEM) ont, entre autres, été des exemples d’efforts du RQCF en ce sens. On pourrait sans doute considérer que les activités conçues par le RQCF sous le chapeau de l’économie sociale sont parmi celles qui ont réussi à réunir le plus grand nombre d’actrices du mouvement des femmes : des ateliers ont eu lieu en région, regroupant des chercheuses universitaires, des étudiantes et des groupes de femmes ; un colloque international a ensuite élargi la participation à une plus grande échelle. Les divers travaux réalisés dans toutes les activités structurées à partir de ce thème rassembleur ont finalement conduit à une demande de formation additionnelle de la part de groupes de femmes souhaitant s’outiller davantage pour mettre au point des modèles différents d’économie solidaire.

Conclusion

On l’aura compris, les membres du conseil d’administration en sont arrivées à la conclusion que les objectifs du RQCF, tels qu’ils ont été formulés lors de sa création en 1991, ont généralement été atteints et que le contexte d’aujourd’hui, entre les TIC, Internet et les grands centres de recherche féministe, l’autorise à tirer sa révérence.

C’est pourquoi, le 11 mai 2004, l’assemblée générale des membres a adopté à l’unanimité la proposition du conseil d’administration de mettre fin aux activités du RQCF et de procéder à sa dissolution. Toutes les formalités requises par la loi ayant été accomplies, le Registraire des entreprises a déposé l’acte de dissolution au registre des entreprises le 30 juillet 2004.

Les archives seront conservées à la Chaire d’étude Claire-Bonenfant sur la condition des femmes de l’Université Laval, où elles pourront être consultées. La belle aventure du RQCF doit rester accessible à la mémoire collective des femmes du Québec.