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La professeure Claude Zaidman, membre du comité conseil international de la revue Recherches féministes, est décédée le 27 décembre 2005, à la suite d’une longue maladie qu’elle a assumée dignement.

En 2002, Claude Zaidman, alors maîtresse de conférences en sociologie et occupant un des trois premiers postes créés en « études féministes » en France, s’était vu reconnaître son rôle de pionnière et son expertise dans ce domaine du savoir par sa nomination en tant que professeure de sociologie spécialisée en « genre et sociétés » à l’Université Paris VII Denis-Diderot. Claude Zaidman a été responsable du Centre d’enseignement et de recherches en études féministes (CEDREF) à l’Université Paris VII depuis sa création en 1984. Elle a en outre contribué, au cours des années récentes, à la mise en réseau des enseignements sur le genre avec la création d’un programme pluriformation, d’abord dans la région parisienne, puis à l’échelle nationale, avec la fondation du Réseau inter-universitaire national sur le genre (RING).

Ce matin éclatant de soleil, sur fond de première neige à Québec, me rappelle le plaisir partagé, avec Claude Zaidman, et sa fille Anna, d’une promenade à la campagne, en raquettes, lors de son séjour comme professeure invitée à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval au début des années 90. Je garde en mémoire de ce séjour son acuité et sa finesse d’analyse sociologique féministe lors des échanges intellectuels stimulants qu’elle a suscités entre les professeures et avec les étudiantes inscrites au cours de deuxième et troisième cycles « Femmes, école et société », cours que nous donnions ensemble. Elle avait une haute estime des étudiantes en question et de leurs capacités à saisir les incongruences épistémologiques et à travailler à la construction de nouvelles bases d’explication sociologique à partir de la compréhension et des contradictions découlant des rapports sociaux de sexe et de classe dans la société ainsi que dans les systèmes scolaires analysés principalement à travers les processus de socialisation. Claude Zaidman appréciait et valorisait la fonction d’enseignante et d’enseignant universitaire et y accordait un rôle essentiel dans le développement intellectuel critique des étudiantes et des étudiants et de leurs rapports au monde.

Le parcours universitaire de Claude Zaidman permet de mesurer également l’importance qu’elle accordait à la mise sur pied et à la pérennisation des institutions en études féministes auxquelles elle a contribué afin de développer et de faire reconnaître en milieu universitaire les savoirs féministes en sociologie et en sciences sociales. En outre, son cheminement et les traces écrites qu’elle a laissées en tant que chercheuse ont marqué principalement les études féministes en sciences de l’éducation. Le concept de « mixité » qu’elle a élaboré de façon originale dans La mixité à l’école primaire[1] a été enrichi au fil de sa production scientifique pour englober et comprendre les différentes « mixités sociales » dans lesquelles les femmes s’inscrivent et vivent[2]. Les divers terrains et angles d’observation de cette mixité abordés dans ses travaux scientifiques, que ce soit du côté des stratégies des actrices et des acteurs sociaux, de l’observation fine de la vie quotidienne à l’école ou de l’analyse de politiques éducatives et sociales, ont contribué à étoffer la compréhension des processus de socialisation internes et externes à l’école et à mieux faire comprendre leur importance dans la démocratie.

Dans son mémoire d’habilitation à diriger des recherches spécialisées en « genre et socialisation », la professeure Zaidman (2000) résumait son apport dans la mise en avant de la mixité, mixité scolaire et plus largement mixité sociale, comme objet d’étude sociologique pour travailler à une sociologie du genre. J’ajouterais que la professeure Claude Zaidman a marqué le domaine des études féministes en sciences sociales appliquées à l’éducation.

Mes collègues et moi-même garderons le souvenir d’une femme intellectuelle remarquable et d’une amie avec qui nous aimions partager nos analyses mais aussi nos expériences et émotions.