Comptes rendus

Éléonore Lépinard L’égalité introuvable. La parité, les féministes et la République. Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2007, 293 p.[Notice]

  • Chantal Maillé

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  • Chantal Maillé
    Institut Simone de Beauvoir
    Université Concordia

La France a adopté en juillet 1999 une réforme constitutionnelle qui ajoutait à sa constitution la phrase suivante : « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » (p. 9-10). Cette révision constitutionnelle a été achevée en 2000 par l’adoption d’une loi ayant pour objet de modifier le fonctionnement du système électoral de façon à appliquer le principe de la parité entre les hommes et les femmes dans les candidatures à certaines élections. Ensemble, ces deux modifications constituent ce que l’on a désigné comme la « loi sur la parité ». La publication de cet ouvrage lève le voile sur les débats entourant l’adoption de cette loi et sur les dynamiques complexes qui se sont affirmées dans leur sillon. L’égalité introuvable. La parité, les féministes et la République présente un inventaire minutieusement fouillé des années « parité », en France, qui met en lumière la spécificité française de même que les stratégies utilisées par les principaux acteurs et actrices engagés dans cette lutte. Le point de départ de cette étude s’appuie sur un constat : plusieurs années après l’adoption de cette loi, l’égalité censée résulter de cette réforme majeure du système électoral français n’est pas au rendez-vous. C’est ce qui est suggéré dans le titre de l’ouvrage : L’égalité introuvable. Ce paradoxe est décortiqué à partir de perspectives multiples. Le premier chapitre, « Une généalogie internationale », revoit les éléments de contexte qui ont encadré la formulation de la revendication paritaire. On y apprend que l’expression « démocratie paritaire » est d’abord apparue au sein du Conseil de l’Europe en 1989 (p. 30), alors que la fin des années 80 a donné lieu à un ensemble d’initiatives internationales (la Conférence d’Athènes de 1989, les sommets de l’Organisation des Nations Unies (ONU) sur les femmes), qui ont permis à la revendication pour la parité de trouver sa légitimation. Si la revendication paritaire émerge d’abord dans un contexte global, les militantes féministes qui portent cette revendication, en France, vont effectuer un travail de recadrage important pour lui donner une spécificité française. Parmi les éléments de contexte qui sont étudiés dans ce chapitre, on trouve une analyse des alignements des principales institutions du féminisme français, leur positionnement sur les questions de politique institutionnelle et les changements qui vont s’y opérer à partir du moment où la revendication pour la parité se fait entendre. La Conférence d’Athènes constitue, selon de nombreuses actrices du mouvement pour la parité, le point de départ de l’organisation de réseaux militants pour la parité en France. Les associations françaises comme Ruptures et la Coordination française pour le lobby européen (CLEF), qui travaillent dans un cadre national, mais sont aussi présentes dans les grandes réunions européennes et internationales, ont ainsi servi de courroies de transmission entre les incitations européennes et la scène politique française (p. 67). Lépinard s’intéresse dans le deuxième chapitre aux structures d’occasions politiques qui ont encadré les débats sur la question, en France. Elle expose dans le détail les controverses et les réorientations que la parité a suscitées au sein des mouvements de femmes. Cette partie de l’ouvrage vient combler des lacunes importantes dans la littérature sur les interventions du mouvement féministe français des années 90 : l’auteure décrit les groupes présents sur le terrain et leurs idéologies pour montrer comment l’émergence du débat sur la parité a constitué une occasion de repenser les liens entre le féminisme et les institutions de la démocratie représentative au moment même où la société française était traversée par une crise de légitimité à l’endroit de la politique institutionnelle. Ainsi, …