Comptes rendus

Chantal Rondeau et Hélène Bouchard Commerçantes et épouses à Dakar et Bamako. Paris, L’Harmattan, 2007, 434 p.[Notice]

  • Laurence Marfaing

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  • Laurence Marfaing
    German Institute of Global and Area Studies

Dans cet ouvrage, Hélène Bouchard, anthropologue et sociologue, et Chantal Rondeau, politologue, ont décidé de mettre en commun les données de leurs études respectives et leurs réflexions quant aux résultats. Celles-ci portent sur les commerçantes à Bamako et à Dakar. Cependant, alors que la première se concentrait surtout sur les rapports hommes-femmes, la seconde privilégiait plutôt les stratégies des commerçantes et leurs récits de vie. La présentation classique de ces résultats est entrecoupée de trois causeries, deux menées par les interlocutrices, comme une fiction basée sur leurs récits de vie, et la troisième dans laquelle les auteures font part de leurs réflexions méthodologiques. Innovation à saluer qui, alliée à un style parfois lyrique et fluide, rend l’ouvrage agréable à lire tant pour des spécialistes que pour un public plus large, comme les auteures l’ont d’ailleurs souhaité. L’étude ne se veut pas comparative : il ne s’agit pas des mêmes commerçantes ni des mêmes parcours de vie, et surtout les chercheuses n’ont pas utilisé les mêmes questionnaires. Ainsi, la composition de l’ouvrage en commun a demandé une certaine articulation des thèmes mais aussi un recentrage des questions qui ont nécessité une réactualisation sur le terrain, notamment au sujet de l’organisation du commerce ou de l’attention accordée aux relations avec le mari. De prime abord, les auteures exposent leur thématique : Cette étude comble, sans aucun doute, une lacune dans les études très parsemées sur les commerçantes africaines. Les récits de vie mettent en scène des stratégies de commerce de façon fort précise et sont particulièrement informatifs tant à l’égard des motivations des commerçantes qu’à propos de leurs perceptions de la réussite. Cela permet de suivre des trajectoires de commerçantes et de les classer en plusieurs groupes qui ne mettent pas uniquement en jeu l’envergure des affaires, petites, moyennes et grandes, lesquelles sont souvent établies en fonction de leur capital de départ (p. 157-158), mais des catégories plus différenciées. Ainsi, on trouve les vendeuses (p. 27-35), les boutiquières (p. 36), qui souvent ont commencé comme vendeuses, les grossistes (p. 42), qui gèrent des structures importantes, souvent familiales, tout comme c’est le cas dans le monde de la pêche, où les hommes partent en mer et les femmes vendent les produits (p. 31), puis les commerçantes qui vendent leurs marchandises sur une longue distance (p. 46) et, enfin, les cuisinières vendeuses d’aliments (p. 50). Sur ce plan, cette étude est particulièrement réussie. En filigrane se détachent dans les causeries (p. 207-214) les stratégies commerciales, notamment quand les commerçantes parlent des critères qui déterminent la « bonne commerçante », des relations sociales, de l’impact du mariage sur celles-ci et sur le commerce (p. 222 et 267), de la solidarité (p. 73, 89, 99 et 182) ou des stratégies de protection (p. 108) pour pallier le manque d’intégration à un réseau. Enfin, les modes de financement et de crédit (p. 214), l’importance de la tontine (p. 38 et 273), la gestion (p. 213) dans le cas des achats groupés (p. 182-187), les relations basées sur la confiance (p. 183) ainsi que les descriptions de réseaux (p. 186) sont particulièrement développés. À cet endroit, on peut se demander pourquoi les auteures n’ont pas utilisé ces données pour parfaire une définition de l’« autre économie » (p. 71), l’« informel » qu’elles établissent « par déduction » (p. 19) ou qu’elles limitent au non-paiement des taxes : taxes, impôts, patentes ne sont-ils pas ici confondus? Et ce, indépendamment du fait que le paiement d’une patente ne rend pas pour autant une entreprise du « type formel » (p. 143 et 363). Réussite également dans les précisions sur …