Comptes rendus

Josette Brun Vie et mort du couple en Nouvelle-France. Québec et Louisbourg au XVIIIe siècle. Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2006, 185 p.[Notice]

  • Chantal Théry

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  • Chantal Théry
    Université Laval

Les essais consacrés aux femmes de la Nouvelle-France et aux rapports sociaux de sexe sont rares : « une foisonnante production sur l’histoire des femmes et du genre dans les colonies anglo-américaines côtoie celle, bourgeonnante, sur les rapports sociaux de sexe en Nouvelle-France » précise Josette Brun (note 3, p. 120). Son essai, consacré à un sujet d’ailleurs peu étudié, celui du veuvage – au féminin comme au masculin –, est d’autant plus précieux. L’auteure s’est livrée à un patient travail sur les archives notariées. Elle a analysé, en milieu urbain, à Québec et à Louisbourg (capitales du Canada et de l’île Royale), au début du XVIIIe siècle (plus précisément de 1710 à 1744), les droits et les pouvoirs des maris et de leurs épouses, d’abord au sein de couples en première union (137 couples de Québec et 25 de Louisbourg), liés ensuite au veuvage (137 veuves et 147 veufs de Québec; 43 veuves et 31 veufs de Louisbourg) puis au remariage ou non. Les professions concernées sont essentiellement celles des artisans et des marchands. Josette Brun estime que la méconnaissance de la condition féminine, certes, mais aussi celle « de la condition masculine, terrain en friche dans une historiographie pourtant centrée sur les hommes, limite grandement la portée de toute analyse des rapports de sexe dans la société coloniale » (p. 4). Bien des zones grises masquent les conditions réelles de vie et d’activité des femmes et des hommes. Si « les documents de l’époque gardent malheureusement peu de traces de la répartition du travail au quotidien et de l’influence que les femmes peuvent exercer sur la gestion de la cellule familiale » (p. 14), l’on sait toutefois que les épouses partagent plus facilement les tâches masculines que l’inverse. La chercheuse a tenté d’analyser, à partir de son corpus et de l’activité notariale des époux et des épouses, puis des veuves et des veufs, la distribution, voire la flexibilité, des rôles féminin et masculin sur le plan domestique et professionnel, financier et patrimonial, parental et familial ainsi que d’évaluer la marge de pouvoir et d’autonomie des femmes épouses ou veuves. Son analyse quantitative et statistique (28 tableaux, en annexe) permet de mieux apprécier, voire connaître, ces aspects. Le premier des quatre chapitres de cette monographie étudie les droits et les pouvoirs des maris et des épouses, des maris sur leurs épouses. Selon la Coutume de Paris (qui régit le droit civil en Nouvelle-France à partir de 1664, Coutume qui s’est attaché à réduire le pouvoir des femmes depuis le Moyen Âge), l’incapacité juridique des épouses (signer des contrats, gérer ses biens, soutenir une action en justice, etc.) est la règle. Même dans les cas, fort rares, de séparation, les femmes ne recouvrent pas la pleine capacité juridique, réservée aux célibataires âgées d’au moins 25 ans et aux veuves. La femme conserve cependant son nom (contrairement aux épouses anglo-américaines), et elle est propriétaire de la moitié des biens communs. L’activité notariale est le fait des hommes et maris à 75 % et elle concerne plus les commerçants que les artisans. Le rôle de représentation des femmes est limité : 20 % des actes notariés sont faits par le couple (indice d’un engagement solidaire quant à des dettes, par exemple, ou lorsque les actes concernent les biens propres de l’épouse) et 4 % par la femme seule (qui gère ses biens propres; et elle est parfois accompagnée de ses soeurs). Peu de femmes sont nommées procuratrices par leur mari (indice de confiance, valorisation des compétences des épouses, octroi de la capacité juridique, etc.) : 5 sur 137 à Québec, 2 …