Comptes rendus

Séverine Sofio, Perin Emel Yavuz et Pascale Molinier (dir.) « Genre, féminisme et valeur de l’art », Cahiers du genre, no 43., Paris, L’Harmattan, 2007, 270 p.[Notice]

  • Maria Viñolo Berenguel

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  • Maria Viñolo Berenguel
    Université de Grenade

Comment le féminisme et le concept de genre renouvellent-ils notre appréhension des arts plastiques? C’est à cette question que Séverine Sofio, Perin Emel Yavuz et Pascale Molinier, coordonnatrices du numéro 43 des Cahiers du genre ont voulu répondre en mobilisant des réflexions issues de différentes disciplines de la recherche française sur le genre et les arts plastiques mises en « perspective avec les recherches historiques anglo-américaines dont elle est redevable » (p. 8). À travers dix articles, la notion de valeur de l’art, des oeuvres et des artistes « permet d’aborder l’art à la fois comme pratique sociale et comme objet théorique » (p. 8). Dans une perspective axée sur le genre, la notion de la valeur de l’art apparaît centrale : dans leur texte d’introduction, les auteures rappellent d’ailleurs que, durant les années 70, cette préoccupation a été au coeur de la réflexion fondatrice de Linda Nochlin dans son article intitulé « Pourquoi n’y a-t-il pas eu de grandes artistes femmes? » Cette question est reprise dans le texte suivant de Fabienne Dumont et Séverine Sofio qui traitent de l’émergence de la théorisation féministe de l’art. Pour ces auteures, l’article de Linda Nochlin « marque l’invention de la pensée féministe en histoire de l’art » (p. 27). Cette théorisation féministe passe à la fois par la revalorisation de la production artistique des femmes et par la relecture de l’histoire de l’art. Linda Nochlin et Griselda Pollok, toutes deux historiennes, ont apporté un regard neuf sur l’art, une révision faite avec des yeux de femme qui a donné à l’histoire de l’art une perspective nouvelle et différente. C’est donc à juste titre que le troisième texte est une traduction, pour la première fois en français, du premier chapitre de l’ouvrage de l’historienne Griselda Pollok, Differencing the Canon : Feminist Desire and the Writing of Art’s Histories, paru en 1999. Ce chapitre remet en question le chef-d’oeuvre, le canon, créé par l’histoire de l’art et subordonné à des présupposés historiques et culturels. Comme l’affirme l’historienne, le canon est un produit de l’académie, il est créé par les artistes (non par des artisans ou des artisanes) et par les écrivains (des hommes). S’appuyant sur la psychanalyse et sur les travaux des théoriciennes féministes de l’art, Pollock met en évidence cette structure « masculine et blanche » et invite à interroger l’intérêt des femmes pour l’art et le désir des femmes artistes. Le texte suivant, titré « De chaque côté de l’Atlantique, deux parcours féministes en art », met en parallèle les témoignages recueillis auprès de deux actrices historiques du mouvement féministe en art, soit l’Américaine Patricia Mainardi et la Française Mathilde Ferrer. Nous voyons à travers leurs expériences comment elles ont concilié leur pensée politique féministe et leurs pratiques d’enseignement de l’histoire de l’art pour l’une et d’enseignement des arts plastiques pour l’autre. Ces voix et ces expériences (comme connaissances) re/créent une partie de l’Histoire, celle du mouvement féministe s’introduisant en histoire de l’art et dans les écoles d’art pendant les années 70. Mainardi précise que c’est d’abord, comme historienne, par intérêt pour l’art primitif qu’elle a réagi contre le formalisme prédominant aux États-Unis au cours de cette période en introduisant des réflexions sur le genre dans l’analyse de la création et en histoire de l’art. De son côté, Ferrer témoigne des difficultés auxquelles les jeunes artistes ont dû faire face dans un monde où le canon artistique ne leur laissait pas de place. Selon elle, la tâche a été encore plus difficile pour les artistes, chercheuses et étudiantes françaises, car elles étaient dépourvues de connaissances venant des théories féministes, en …