Comptes rendus

Daniel ElmigerLa féminisation de la langue en français et en allemand – Querelle entre spécialistes et réception par le grand public. Paris, Bibliothèque de grammaire et de linguistique, Honoré Champion, 2008, 406 p.[Notice]

  • Fabienne Baider et
  • Edwige Khaznadar

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  • Fabienne Baider
    Université de Chypre

  • Edwige Khaznadar
    Université de Pau et des Pays de l’Adour

Son auteur, Daniel Elmiger de l’Université de Neuchâtel, déjà coauteur d’un numéro spécial avec Eva Lia Wyss d’un bilan suisse sur la féminisation en suisse francophone et germanophone (2000), peut être considéré, d’ores et déjà, comme un spécialiste de l’étude comparative de la féminisation, notamment en français et en allemand. Dès son introduction, l’auteur se pose en partisan de la féminisation et le livre représente un exemple remarquable de rédaction épicène. L’ouvrage se divise en deux grandes parties, distinguées en « discours spécialisé », c’est-à-dire des discours des spécialistes de la question (linguistes, terminologues, Académiciens, etc.) et en « discours vernaculaire », c’est-à-dire des discours de non-spécialistes (le discours dit « vernaculaire » est formé d’entretiens et de réponses à des questionnaires relevés à Berne et à Neuchâtel). Elles sont précédées d’une rapide introduction qui précise les concepts sur lesquels se fonde l’étude (notion de discours et notion de féminisation) et suivies d’une brève conclusion, d’une riche bibliographie thématique, mais non exhaustive, et de deux index (noms propres et exemples). Il faut préciser que le mot discours est appréhendé ici comme un « ensemble des énonciations à propos d’un même thème » (p. 16) et que l’étude est restreinte au champ de la féminisation du lexique et de la féminisation des textes. L’introduction met en évidence l’importance de la question abordée : la féminisation de la langue serait l’une des questions sociolinguistiques les plus discutées par le grand public, à l’instar des domaines tels que l’orthographe ou la question des anglicismes. Le débat sur le sujet est constitué d’échanges entre spécialistes et une « base » motivée. Ces échanges sont présentés comme indispensables pour un mouvement qui a pour but d’influencer le système de la langue ainsi que les usages au travers d’une action linguistique volontariste. La première partie, intitulée « Discours spécialisé », est composée de quatre chapitres, qui se décomposent en paragraphes hiérarchisés, donnant a priori une grande clarté à l’ensemble. Elle commence par un court chapitre consacré à une rétrospective historique sur la relation entre les langues et les femmes ainsi que les premières études linguistiques relatives aux spécificités du langage des femmes. Jusqu’aux années 70, la thèse du déficit domine : elle classait les formes plus employées par les femmes comme déviantes par rapport à une norme masculine. Après 1970, la recherche féministe met au jour une vision masculine du monde, remet en cause la thèse du déficit et s’investit à travailler sur les inégalités sociales. Les grandes questions linguistiques, encore d’actualité, sont alors débattues : la conception d’un féminin « dérivé » du masculin, la péjoration des noms féminins et la fonction générique du masculin. Après cette rétrospective, sont explicités dans le deuxième chapitre les concepts impliqués dans le mot genre (le « genre grammatical », le « genre socioculturel » et le « genre lexical ») et la différence de ces concepts d’avec le concept « sexe ». L’émergence du concept du genre dans les langues indo-européennes est ensuite discutée et un balayage des variations sémantiques, syntaxiques et morphologiques fait le point sur le fonctionnement du masculin et du féminin dans les deux langues, le français et l’allemand. En particulier est résumée la « formation du féminin » (Khaznadar (1989) pour le français) et sont discutés les arguments pour la féminisation ou contre celle-ci, ainsi que la légitimité d’une action volontariste sur le langage. D’un point de vue linguistique, la féminisation se heurte en effet à des problèmes sémantiques de péjoration (coureuse), de polysémie (cafetière) et de conjugalité (ambassadrice). Cependant, même si les usages sont flottants, l’emploi …

Parties annexes