Comptes rendus

Katherine Roussos, Décoloniser l’imaginaire. Du réalisme magique chez Maryse Condé, Sylvie Germain et Marie NDiaye. Paris, L’Harmattan, 2007, 251 p.[Notice]

  • Paula Beaulieu

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  • Paula Beaulieu
    Université Laval

Katherine Roussos est docteure en lettres modernes, fondatrice d’Équinox, entreprise textile qui travaille avec des coopératifs féminins en Inde, ainsi que présidente de l’association littéraire et féministe Cité des dames, qui a pour objectif la promotion de la littérature féministe. Sa thèse de doctorat, soutenue à l’Université de Montpellier III, portait sur le réalisme magique. Ses recherches doctorales sont donc à la base du livre Décoloniser l’imaginaire. Du réalisme magique chez Maryse Condé, Sylvie Germain et Marie Ndiaye. Cet ouvrage de critique littéraire porte sur trois écrivaines françaises qui utilisent le réalisme magique dans leurs oeuvres. Selon Roussos, l’utilisation du réalisme magique chez ces romancières est signe d’un désir de renverser la domination masculine. Le réalisme magique est déjà reconnu comme un moyen de subvertir les vérités établies par l’imaginaire : « En transgressant les lois du réel, la magie ouvre la voie au possible » (p. 7). Cet ouvrage est constitué de trois parties, elles-mêmes subdivisées en sections. D’abord, l’auteure définit le réalisme magique et montre en quoi il sert à contrer le pouvoir dans la première partie intitulée « Réalisme magique, langage de la subversion ». Dans la deuxième partie, « Héroïnes réalistes magiques », l’auteure affirme l’existence de rôles prédéterminés pour les femmes par la société et expose la façon dont les auteures réalistes magiques arrivent à subvertir ces rôles grâce à leurs personnages. Enfin, dans la troisième partie, « Résistance et recréation », elle montre comment les femmes, dans les romans réalistes magiques, agissent pour résister à la domination masculine. Selon certains spécialistes, le réalisme magique est né en 1935 lors de la publication de l’Histoire universelle de l’infamie, de Jorge Luis Borges. Toutefois, Roussos avance que ce dernier développait plutôt le fantastique subversif et qu’une femme, Silvina Ocampo, aurait écrit des oeuvres plus représentatives du réalisme magique. Roussos s’attache donc à démontrer que plusieurs femmes sont à la base de ce type de littérature. D’ailleurs, elle ajoute que ce sont surtout des femmes qui écrivent dans les domaines du fantastique, du roman noir et des récits surnaturels, ce qui lui permet ainsi d’affirmer que les femmes excellent dans ces domaines et que nous nous devons de le reconnaître. La conception féministe avance que « l’exclusion et l’inconnu sont des éléments habituels pour les femmes » (p. 24). Ainsi, les romancières sont nombreuses à exprimer cette réalité, mais surtout à vouloir la surpasser dans leurs oeuvres. L’auteure rappelle ensuite que le réalisme magique est né en Amérique latine et qu’il a d’abord été appelé le « réalisme merveilleux américain » par Alejo Carpentier, auteur cubain, qui a quitté le surréalisme français et s’est joint à ce courant littéraire latino-américain en 1943, après un voyage à Haïti. Plusieurs auteurs et auteures utilisaient déjà le réalisme magique afin de subvertir les réalités douloureuses. En effet, il est reconnu depuis longtemps que le réalisme magique camoufle des critiques radicales à l’intérieur de contes naïfs. Cependant, qu’en est-il de la subversion des rôles hommes-femmes? La deuxième partie du livre de Roussos est consacrée à cet aspect. Les moeurs ont évolué au cours du XXe siècle, mais « la définition de “femme” est encore : “être humain du sexe qui met au monde”, tandis que “homme” signifie : “être appartenant à l’espèce animale la plus évoluée de la Terre […] Être humain mâle”, sans aucune référence à son rôle reproducteur (Le Robert) » (p. 95). L’auteure relève donc les éléments présents chez les romancières réalistes magiques qui viennent subvertir ces idées reçues. Par exemple, l’abandon des enfants par leurs mères est très présent dans les romans …