Comptes rendus

Daniel Delanoë, Sexe, croyances et ménopause. Paris, Hachette littératures, 2006, 261 p.[Notice]

  • Chantal Doré

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  • Chantal Doré
    Université de Sherbrooke

L’ouvrage de Daniel Delanoë propose une étude historique, sociologique et anthropologique de la ménopause. Un coup d’oeil sur la table des matières laisse deviner la richesse du contenu de l’ouvrage. La première partie, centrée sur la lecture médicale de la ménopause, annonce une étude fouillée et critique de la construction de la ménopause comme un problème par la médecine. La deuxième partie révèle les diverses constructions sociales de la ménopause selon les cultures, constructions qui vont d’une perte de statut social pour la femme ménopausée à l’épanouissement sexuel et à l’expérience d’une liberté jusque-là réservée aux hommes. Il faut préciser que cette dernière situation est rarement vécue. On trouve plutôt communément, et dans la plupart des cultures, des représentations négatives liées à cette période de la vie des femmes. En ce sens, une recherche poussée du sens de l’arrêt de la fertilité et de la fin des menstruations dans les contes, les mythes et les histoires orales aide à comprendre la genèse des archétypes encore vivants. La troisième partie procède d’une large enquête sociologique et anthropologique, effectuée en France, selon une démarche méthodologique qualitative et quantitative, mariant les entretiens individuels et de groupe, auprès de femmes et d’hommes vivant de près cette expérience. Cette perspective émique et ces regards croisés de femmes et d’hommes sur la ménopause constituent certainement une contribution significative de l’ouvrage à la compréhension de cette réalité. Delanoë aborde la ménopause selon l’expérience concrète des femmes interrogées, leurs perceptions des autres femmes ménopausées et le regard perçu des hommes sur les femmes ménopausées. Il interroge également les hommes sur leur point de vue personnel, sur le point de vue perçu des hommes en général et sur ce qu’ils pensent que vivent les femmes au moment de la ménopause. Cette structuration à trois niveaux des entretiens chez les deux sexes conduit à une interprétation riche et nuancée des données où il devient possible de faire la part des choses entre la trajectoire personnelle et les référents sociaux. Les résultats offrent un portrait contemporain contrasté, parsemé de paradoxes, de stéréotypes, mais aussi, heureusement, d’une certaine évolution dans les représentations masculines et féminines. L’auteur confirme ce que nous savions déjà : le discours médical a été et est encore omniprésent dans la construction sociale de ce phénomène biologique. Les préoccupations féministes dans le domaine de la santé ont été historiquement tournées vers le droit à l’avortement et l’accès à la contraception, puis axées sur la démédicalisation de l’accouchement, mais peu sur la ménopause. Sans doute ces préoccupations étaient-elles liées à l’étape de vie des protagonistes. Par ailleurs, les références aux propos de Simone De Beauvoir et de Hélène Deutsch, par exemple, montrent leur propre ambivalence devant cette période de vie, ce qui fait ainsi écho à l’ambiance sociale du temps. Delanoë fait ressortir, à la suite de plusieurs auteures féministes, le fait que le statut social des femmes est lié à leur fonction reproductive et que l’arrêt de la fertilité s’accompagne, dans la plupart des sociétés, d’une stigmatisation allant de l’invisibilité (liée aussi au statut social de la femme vieillissante) jusqu’au rejet parfois, en passant par la raillerie (violence symbolique) et l’exclusion symbolique. Il expose de multiples logiques sinueuses répondant à des représentations archaïques et insensées qui ont encore cours aujourd’hui. Une des conclusions de l’enquête chez les hommes met en relief le fait qu’ils accordent une importance relativement élevée aux troubles psychiques résultant de la ménopause : « Parce que certaines femmes vivent ça très mal, quand même. Mais ma femme non, donc ça va. Pour certaines, ça doit sûrement poser des problèmes psychiques : peut-être une mutilation; elles …

Parties annexes