Présentation

Présentation[Notice]

  • Catherine des Rivières-Pigeon et
  • Sylvie Fortin

En proposant le présent numéro, nous avions pour objectif de mettre en lumière à quel point la recherche actuelle effectuée dans une perspective féministe constitue un apport essentiel à l’étude des inégalités sociales de santé. Le constat selon lequel les personnes qui vivent dans des conditions de pauvreté souffrent davantage de problèmes de santé que celles qui ont accès à des conditions matérielles plus favorables n’a, bien entendu, rien d’une nouveauté : on en retrouve la trace dans des écrits datant de l’Antiquité gréco-romaine (Rosen 1993). Pourtant, l’étude des inégalités sociales de santé a récemment été projetée à l’avant-scène des écrits scientifiques, dans la foulée du développement du courant dit de « nouvelle santé publique ». Les études issues de ce courant ont révélé que les liens unissant le statut socioéconomique et la santé étaient beaucoup plus complexes que ce qui avait tout d’abord été envisagé. Les célèbres études de Whitehall (Marmot 1986), par exemple, ont démontré que l’espérance de vie n’était pas réduite uniquement chez les personnes qui disposent d’un très faible revenu, mais qu’elle suivait au contraire fidèlement la situation hiérarchique des individus dans toutes les couches de la société. C’est le fameux « gradient de mortalité », qui suscite encore de nombreux questionnements (Evans, Barer et Marmor 1996). La présence de ce gradient souligne que l’effet des inégalités sociales ne se limite pas à certains facteurs connus tels l’accès aux soins ou le fait d’adopter des comportements associés à une meilleure santé. Outre l’effet majeur et évident des conditions matérielles, telles que le logement, les conditions de travail ou l’accès à une alimentation saine et diversifiée, d’autres éléments, liés à la place qu’occupe une personne dans la hiérarchie sociale, comme le fait d’avoir du pouvoir et d’être en mesure d’exercer un certain contrôle sur son environnement, influent sur l’état de santé et la longévité. Comme la plupart des études portant sur des questions relatives à la santé, celles qui ont analysé la question des inégalités sociales de santé ont souvent été effectuées dans une perspective non féministe « aveugle au genre », dans laquelle la réalité propre aux femmes est ignorée. Pourtant, le constat selon lequel la santé est déterminée par une multitude de facteurs liés à la place qu’occupent les individus dans la société soulève de façon très évidente la question des rapports sociaux de sexe et de la place des femmes dans la société. Les liens entre le statut socioéconomique et la santé interpellent donc la recherche féministe de deux façons : d’une part, parce que les femmes vivent plus souvent dans des conditions socioéconomiques précaires qui peuvent mettre en péril leur santé et celle de leurs enfants; et, d’autre part, parce que la place qu’elles occupent, en tant que femmes, dans la société, est marquée par des enjeux de pouvoir qui ne peuvent, si l’on suit la logique des écrits du courant de la « nouvelle santé publique », que nuire à leur état de santé. Ainsi, bien que la notion d’inégalité sociale de santé soit généralement utilisée pour désigner l’effet des écarts de revenu sur la santé sans faire référence de façon particulière à la situation des femmes, il est clair que les inégalités sociales de sexe constituent une forme d’inégalité qui influe sur l’état de santé des femmes, des enfants et de l’ensemble de la société. La perspective féministe joue donc un rôle très important dans l’analyse de l’intervention et du développement des connaissances dans le domaine de la santé. Les chercheuses féministes ont posé un regard critique sur le modèle biomédical, un modèle qui a trop souvent servi à justifier le …

Parties annexes